Proselyte?! Moi?!

patrick314159
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mer 02/06/2004 - 23:00

Cher Rav,

dans la réponse 16615 vous écrivez

"Ni par le fait une "nécessité" impersonnelle et mécanique, qui ne pense ni ne veut rien. Une volonté consciente et créatrice y est à l'oeuvre."

J'ai du mal avec ça, je n'arrive pas à penser à cette "volonté consciente" en dehors d'un schema antropocentrique, ce qui ne me satisfait pas. Je n'arrive pas à extraire dieu du monde des humains sauf à penser que dieu est un "principe", un "lieu" où s'élever pour contempler l'humanité en dehors d'elle, sachant toute la difficulté qu'il y a à juger et comprendre un phénomène quand on en est une partie. Je sais que nos grand penseurs nous ont appris à penser dieu en négatif, je veux dire au sens de ce qu'il n'est pas, pour éviter les pièges d'une définition antropocentrique justement, ou par attributs etc... Et j'essaye là d'en avoir une idée en positif...

J'ai envie de faire un parallèle, vous savez (j'ai lu votre courte biographie) que la mécanique quantique nous apprend que ce que nous appelons "particule" se comporte parfois comme une petite bille dure et parfois comme une onde. Cela fait des ravages dans les têtes des étudiants à cause du mot "particule" justement, parce que l'usage de ce mot sous-entend, a priori, que ce à quoi nous avons affaire est une" partie" un "morceau" de matière, et la matière c'est dur et c'est solide, ce n'est pas éthéré. Or une onde est tout le contraire justement, c'est une vibration, la vibration d'un substrat, ou pire: la vibration de rien. L'usage du mot "particule" induit la confusion car il présume de la réalité de l'objet que l'on veut décrire alors que l'objet dont on parle (que l'on imagine exister) a parfois un comportement antagonique. C'est ce qui rend l'étude de cette discipline et de son rapport au réel si difficile, parfois. Hé bien, j'ai avec le mot "dieu" la même gène que ces étudiants avec la mécanique quantique, son usage me laisse présupposer une image antropomorphique, et quand j'utilise cette image, que j"'imagine" dieu, sachant tout ce qu'il n'est pas, mon esprit ne suit pas...

Merci d'essayer de me suivre dans mes méandres :)

Rav Elyakim Simsovic
mer 02/06/2004 - 23:00

Tout ceci confirme simplement qu'il est impossible de parler de ces sujets en français parce qu'on frise à chaque instant soit le blasphème soit l'idolâtrie.

Tout ce que je peux dire c'est que :
1. il n'existe pas d'équivalent en hébreu du mot dieu.
2. La Thora nous a enseigné des Noms de Celui qui nous parle dans la Thora, c'est-à-dire des manifestations de Sa relation à nous et non des révélations de Son Essence qui nous reste t_o_t_a_l_e_m_e_n_t inaccessible.
3. Que vous ayez du mal avec ça, je peux le comprendre. Je ne connais qu'une seule forme d'aspirine pour guérir ce mal-là, c'est l'étude et à partir d'un certain niveau d'exigence ou d'investissement, nécessairement en hébreu.
4. la référence à la théorie corpusculaire ou ondulatoire de la matière ne rend pas vraiment compte de la nature du problème. Il est vrai que l'utilisation d'un vocabulaire inadéquat complique les choses, mais au niveau d'abstraction où on doit s'élever de toute façon pour étudier la physique quantique, si on ne peut pas dépasser ce type d'obstacle, c'est peut-être qu'on n'est pas fait pour cette discipline. Ce qui n'est d'ailleurs pas très grave...
5. Je vous propose d'inverser votre expression : "je n'arrive pas à penser à cette "volonté consciente" en dehors d'un schema anthropocentrique" pour dire : "il est impossible de penser l'homme en tant que "volonté consciente" en dehors d'un schéma théocentrique." Ce qui est une autre manière de dire que Dieu a créé l'homme à son image. Il ne s'agit donc nullement d'une projection sur Lui de nos caractères humains mais très exactement du contraire.
6. Ce n'est pas Dieu que certains représentants de la philosophie juive nous proposent de penser en termes négarifs mais Ses attributs. Et tout le monde n'est pas vraiment convaincu ni de la fiabilité ni de la pertinence de la méthode. En effet, qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire que l'on me dise que Dieu est grand pour que je ne pense pas qu'il est petit. L'un et l'autre terme me sont soit également explicites soit également opaques. Et si c'est comme ça, pourquoi la Thora n'aurait-elle pas dit "Dieu qui n'est pas petit" au lieu de "Dieu qui est grand" (HaEl hagadol) ? Tout ceci ne peut se comprendre que dans le cadre de l'environnement culturel dans lequel évoluaient ces penseurs (dont bien sûr Maïmonide). Si leur orientation méthodologique reste précieuse et vraie, le contenu du discours n'est plus nécessairement pertinent pour nous, de même que leur description du cosmos selon le schéma ptoléméen n'a plus de valeur qu'historique (et comme ils ne venaient pas nous donner un cours d'astronomie, c'est que leur intention était ailleurs que dans la forme de l'exposé).
7. L'idée en positif - pour commencer au commencement - c'est qu'il vous a créé et que vous n'êtes pas le produit d'un hasard ni d'un enchaînement mécanique de causes et d'effet (qui rendrait de toute façon votre interrogation illusoire et privée de sens et d'importance et vaine notre correspondance). Je n'ai pas dit qu'il a créé le monde ou l'homme (ce qui est aussi vrai, par ailleurs, mais ne VOUS concerne pas, sinon en tant que cerveau). Tant que vous n'arriverez pas à penser cette idée simple : JE suis créature d'un Créateur qui a voulu quoi ? Moi ! vous resterez bloqué.