Conscience animale

Chalom Hayim
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mar 16/11/2004 - 23:00

Chalom,

En cours de philosophie, mon professeur nous affirme que les animaux n'ont pas de conscience (je parle bien de la notion philosophique précise de conscience). C'est un sujet que ma classe n'arrive pas bien à concevoir, et moi non plus, qu'il n'ait pas de libre arbitre, c'est certain, mais pas de conscience...

J'ai objecté au professeur (qui est religieux, nous avons de la chance) que dans la Bible on pouvait trouver le contraire, notamment lorsque l'anesse de Bil'am parle, l'on dit bien que Dieu a ouvert la bouche de l'anesse, pas qu'il lui a donné de l'intelligence ou de la conscience, il en ressort donc qu'un animal a de la conscience mais ne peut l'exprimer puisqu'il n'est pas doué de parole. Mais lorsque l'anesse de Bil'am parle, elle montre clairement qu'elle est consciente, même plus que Bil'am lui même!
De plus, ai-je objecté, lorsque l'on voit dans la Genèse que l'ancêtre du serpent a usé la ruse et la parole pour convaincre Eve de manger du fruit défendu, l'on voit bien que le serpent était suffisamment conscient pour convaincre un être humain!

Le professeur m'a répondu (si j'ai bien compris) qu'il lui semblait avoir étudié que les mots utilisés dans la Bible pour décrire la parole des animaux ne sont pas les mêmes que ceux qui décrivent la parole de l'homme, et que de plus, quand on parlait d'un animal, la notion de nechama disparaissait. Je lui ai répondu que même si la nechama disparaissait il lui restait la nefech. Puis il m'a expliqué sur un point de vue plus philosophique que lorsque l'on parlait de conscience, cela impliquait forcément une maitrise, et il rajouta qu'en hébreu il n'existait pas de mot précis définissant ce que l'on appelle conscience, (qui vient du latin cum scientia, accompagné de sagesse).

Pour conclure, d'après la vision juive, est-ce qu'un animal est pourvu de conscience?

N.B: il existe une autre possibilité qui serait la non réponse: si en effet en hébreu aucun mot ne définit exactement ce que connote le mot conscience en français (il est vrai que je n'en connais pas, comment dire? Daat?Zehirout? Matspoune? Est-ce qu'un seul traduit exactement le mot conscience? De plus matspoun n'est pas de l'hébreu biblique) cela pourrait signifier que la notion de conscience est extérieure à la vérité, réflétée uniquement par la torah qui elle seule est vraie, et circule à travers l'hébreu. Ainsi, tout mot n'existant pas en hébreu ne reflète pas la réalité mais une illusion. Ainsi, la conscience ne serait qu'une illusion, il serait donc impropre sur le plan juif de parler de conscience, autant pour un être humain que pour un autre être vivant.

Kol touv, et merci d'avance pour votre réponse qui risque d'être très intéressante à cette question difficile!

Rav Elyakim Simsovic
sam 20/11/2004 - 23:00

Je ne sais si elle sera intéressante, mais elle sera brève :
1. Il est d'abord nécessaire de définir l'usage qu'on fait du mot. En français il peut signifier l'état de lucidité qui accompagne l'action volontaire mais aussi ce qu'on appelle plus exactement la conscience morale.
2. Il est évident que l'animal est doué de conscience, même si celle-ci est animée plus par l'instinct que par la "connaissance". La capacité d'apprentissage qui dépasse le niveau du simple dressage semble indiquer que cette conscience peut être très développée selon les espèces et selon les individus de l'espèce.
3. Il faudrait approfondir ce que la guémara dit au début de Baba Qama concernant le yetser hara des animaux. Toutefois il semble bien qu'il y ait une différence entre l'homme et l'animal en ce sens que l'homme est considéré toujours comme responsable de ses actes (mou'ad) alors que l'animal est considéré a priori comme étant tam, c'est-à-dire innocent (sans doute au double sens du terme en français).
Les animaux sont donc considérés comme dépourvus de conscience morale ; il est vrai qu'ils peuvent devenir vicieux au contact de l'homme (d'où leur inclusion dans la sentence du déluge).