Aaron et le veau d'or

Anonyme (non vérifié)
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dim 23/02/2003 - 23:00

vu ke la avoda zara est une mitzva u l'on se doit mourrir plutot ke de faire , pourki aaron ne s'est il pas laissé tuer au moment ou les enfants d'israel lui ont demandé de faire le veau d'or?g klekes reponses mais je voudrais votre avis

Rav Elyakim Simsovic
mar 25/02/2003 - 23:00

Une fois de plus, il est d'abord nécessaire de le rappeler : mon avis en la matière (ou celui de quiconque) est sans pertinence. La Thora est affaire de connaissance et non d'opinion.

L'enseignement à ce sujet est qu'Aaron, confronté à une situation où ce qui risquait de se produire aurait pu être infiniment plus grave, a cherché à gagner du temps, pour donner à Moïse le temps de revenir.
Précisons :
Le verset de base pour l'étude de ce problème est le suivant (Exode 32:1):
"Or, le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne, et le peuple se rassembla autour d'Aaron et lui dit : va, fais nous des dieux qui marchent devant nous, car cet homme, Moïse, qui nous a fait monter du pays d'Egypte, nous ne savons pas ce qu'il est advenu de lui."

I. Préliminaires
a) chaque fois que la Thora parle du "peuple" sans autre précision, il s'agit de cette foule nombreuse et mélangée qu'on appelle le "Erev Rav". Cf. Exode 12:37-38 : Et les enfants d'Israël allèrent de Ramsès à Souccoth, environ 600.000 hommes de pied, sans compter les enfants. Et une foule nombreuse _monta_ avec eux, et du menu et du gros bétail, cheptel très abondant.
b) sur la base du verset juste cité, une deuxième règle de lecture : chaque fois qu'on parle des Hébreux, il est question de la _sortie_ d'Egypte. Chaque fois que le texte parle de la _montée_ d'Egypte, il désigne le Erev Rav.
c) La décision de prendre en charge ce Erev Rav au moment de la sortie d'Egypte fut prise par Moïse seul. La Thora insiste en d'innombrables versets sur le fait que c'est Dieu, et non Moïse et Aaron, qui a fait _sortir_ les Hébreux d'Egypte. Il suffira de citer le premier des Dix commandements : "Je suis Hachem ton Dieu qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte de la maison des esclaves." Rachi sur le verset 32:7 de l'Exode met en évidence : "Va, descends, car ton peuple que toi tu as fait monter du pays d'Egypte s'est corrompu" précise : "ton peuple : _ton_ peuple et non _le_ peuple, il s'agit du Erev Rav que tu as pris sur toi d'accepter et que tu as convertis sans Me demander conseil, affirmant qu'il est bon que des convertis s'attachent à la divine Présence, ce sont eux qui se sont corrompus et en ont corrompu d'autres."

II. Analyse de la situation et des événements
a) C'est le Erev Rav, désemparé par l'absence prolongée de Moïse, qui fait pression sur Aaron. Dans sa mentalité païenne non encore éduquée à la sensibilité hébraïque formée par la tradition des patriarches depuis des générations, ils ont perçu ce Moïse qui les a fait monter d'Egypte comme un médiateur entre eux et Dieu. C'est cette fonction de médiation qu'ils cherchent à remplacer car ils ne sont pas encore capables de se tenir seuls devant Dieu.
b) Il ne s'agit donc pas d'une "avoda zara" au sens habituel du terme. Il ne s'agit pas de substituer à Dieu une idole qui Le remplace ou même qui Le représente.
c) Aaron, conscient de sa responsabilité éducative en la circonstance, tergiverse pour gagner du temps : d'abord (verset 2) il leur demande de lui apporter les bijoux d'or de leurs femmes et de leurs enfants, pensant bien que ceux-ci refuseront. C'est bien ce qui se produit, mais (verset 3) ils lui apportent leurs propres bijoux. Donc dans un deuxième temps (cerset 4), il "fabrique" le fameux veau d'or et le Erev Rav (le peuple) s'adresse aux Enfants d'Israël en leur disant : voici tes dieux Israël qui t'ont fait monter du pays d'Egypte. Voyant cela, pour encore retarder l'échéance, Aaron leur dit (verset 5) : "il y aura une fête POUR HACHEM demain."
d) Mais le peuple n'attend pas jusqu'au matin et se lève tôt (veset 6) et sans Aaron entreprend de sacrifer holocaustes et offrandes de réconciliation (chélamim)
e) C'est là que Dieu s'adresse à Moïse (32:7 cité plus haut + Rachi) pour lui dire de redescendre
f) Question à méditer : pourquoi Dieu ne renvoie pas Moïse dès la veille alors que les événements commencent à se profiler mais que rien ne s'est encore produit ? Orientation : la liberté des hommes et leur responsabilité doivent rester entières, sinon il y a risque d'infantilisation du comportement religieux. Le judaïsme, pour reprendre une formule de M. Lévinas, est une religion d'adultes...
g) Moïse descendu de la montagne sauve la situation en brisant les Tables de la Loi. La Thora, en quelques sortes, n'a encore été donnée qu'à lui et n'a pas encore "force de loi".

III. Evaluation
a) Après les événements eux-mêmes, Moïse pose la question à Aaron (32:21 : "que t'a donc fait ce peuple que tu ais amené sur eux un grave manquement." Le mot "manquement" par lequel je traduis "'hataa" dans ce verset souligne la connotation du mot qu'on traduit généralement par "faute" et dont l'hébreu se sert aussi pour indiquer le fait de "manquer la cible" (léha'hti ett hamatara). C'est assez proche de la notion "d'acte manqué", sans les aspects psychanalytiques qu'elle évoque.
b) Aaron relate les événements (versets 22 à 24) en soulignant la nature du peuple mal dégrossi de ses superstitions (ki béra' hou) et le fait qu'ayant jeté l'or au feu il en est de soi sorti ce veau.
c) Moïse prend acte du fait (verset 25 et Rachi) que l'acte d'Aaron a eu un effet révélateur qui met en évidence une vulnérabilité du peuple par laquelle il prête le flanc à ses accusateurs et à ses ennemis. Il décide donc de trancher dans le vif pour couper court à toute apparence de complaisance (versets 26 à 29) au nom de Hachem Dieu d'Israël.
d) Ensuite (verset 30) il annonce qu'il remonte sur la montagne pour prier pour tenter d'obtenir le pardon pour le Erev Rav et pour Israël ; Israël qui, bien que non coupable, de la faute ne peut pas se considérer comme dégagé de toute responsabilité dans un événement qu'il n'a pas su empêcher. Moïse restera sur la montagne deux fois quarante jours et quarante nuits, les premiers pour obtenir le pardon annoncé et les deuxièmes pour recevoir les deuxièmes Tables. Et cette fois, le peuple ne s'impatientera plus. La leçon aura donc porter et Aaron y a une part.

IV. Conclusion(s)
a) Le veau d'or n'est pas une idole au sens courant du terme et la visée du peuple n'était pas de remplacer Dieu mais Moïse.
b) Ce ne sont pas les Hébreux qui ont pris l'initiative de cette faute et ce ne sont pas eux qui l'ont faite.
c) Aaron n'avait pas à se laisser tuer plutôt que de tenter d'éviter ce qui s'est produit. Sans son intervention, la faute aurait pu être plus grave encore.
d) La loi des deuxième Tables, identique en son contenu à la première a acquis une dimension supplémentaire. C'est la loi donnée après la faute et le pardon, la loi dont il est possible de se réjouir (Sim'hat Thora) puisque nous avons acquis la certitude de l'efficacité de la téchouva ; la loi nous garantit le salut, elle est praticable puisqu'en cas d'errance elle nous assure la possibilité du retour.

Je terminerai par ces quelques lignes tirées d'un texte du rav Askénazi (Manitou) zatsal publié dans Ki Mitzion I, pp. 383-386 :
"La loi du monde, selon ce verset (*) n'est pas : voici le bien, voici le mal, ne faute pas car tu serais damné ; mais : ne faute pas ; et s'il t'arrive de le faire, reviens, Je t'attends et Je te reconnaîtrai, si ton retour est fait de la ferveur du temps des fiançailles, c'est-à-dire de la foi d'une alliance éternelle et sans arrière-pensée d'autres détours."

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(*) Jérémie 2:2 : "Pour toi, J'ai gardé dans Ma mémoire la grâce de ta jeunesse, l'amour de tes fiançailles ; quand tu Me suivais au désert, dans un pays non ensemencé."