La guerre au yetser

Anonyme (non vérifié)
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ven 21/03/2003 - 23:00

Je m'efforce de combattre mon yetser hara mais il est, helas, plus fort que moi. Comment luter contre???
kol touv!

Rav Elyakim Simsovic
dim 30/03/2003 - 23:00

Je m'efforce de combattre mon yetser hara mais il est, hélas, plus fort que moi. Comment lutter contre???

"Le penchant de l'homme le domine chaque jour ... et n'était-ce que Haqadoch Baroukh lui vient en aide, l'homme serait impuissant contre lui" Talmud, traité Soucca 52/a-b.

La première leçon en la matière, c'est que vous n'êtes pas seul dans cette histoire. Vous n'êtes ni particulièrement faible, ni particulièrement mauvais. Vous êtes un homme normal.

Le Talmud relate qu'au retour de l'exil de Babylone Ezra et ses compagnons ont prié pour que l'instinct de l'idolâtrie disparaisse et qu'il ont été exaucés. Ils se sont dit alors : puisque les temps sont propices, prions pour que disparaisse aussi le Yetzer Hara. "Le lendemain", dit la guémara, "on a cherché dans tout Israël et on n'a plus trouvé un oeuf au marché" Talmud Yoma 69/b.

C'est la deuxième leçon : le yetzer hara est lié à l'instinct de vie lui-même. Sans lui, plus de désir, apathie, indifférence, mort. Le yetzer hara, c'est en quelque sorte la dynamique de l'existence, le vouloir être. Ou plus exactement le vouloir jouir qui veut se faire prendre pour le vouloir être qui est son frère siamois. Ils sont inséparables.

C'est pourquoi je reprendrai votre phrase "il est plus fort que moi" à la lumière des deux enseignements précédents.
Première remarque : le traité Soucca ne dit pas "le mauvais penchant" mais "le penchant de l'homme", en hébreu : "yitzro chel adam". Mon penchant à moi, pas celui du voisin. Et si c'est mon penchant à moi, je ne peux pas dire : il est plus fort que moi. Je devrais dire : dans cette lutte de moi contre moi, je suis plus fort que moi.
Bon, vous me direz que l'influence de Raymond Devos, etc. mais je suis sérieux. Si seul est fort qui dompte son yetzer (ezèhou guibor ? hakovech eth yitzro), c'est que les seules victoires significatives sont celles que je remporte sur moi-même.

(Une parenthèse avant de continuer : remarquez le pluriel de la phrase précédente. Il n'y a pas de victoire écrasante et définitive. Et entre les victoires, il y a des défaites. Parce que parfois je triche contre moi-même et comme je me connais bien, je sais où sont les points faibles de la cuirasse, et je me trahis, me livrant pieds et poings liés "liydé avéra" comme pour me donner un alibi : c'est pas de ma faute, j'ai pas pu résister. Quand c'est vrai, c'est vrai et parfois on capitule l'honneur sauf. Mais c'est à ce sujet qu'on dit que "Haqadoch Baroukh Hou Bo'hen Kélayoth Valèv", examine les reins et le coeur.)

Je reprends : Lutter contre le Yetzer Hara, c'est le contraindre à remplir totalement son rôle et ne pas empiéter sur un domaine qui n'est pas le sien. La seule et véritable victoire sur lui, c'est de le faire participer à votre vie de Juif. Dans le verset de la lecture du Chéma "Tu aimeras Hachem ton Dieu de tout coeur", le mot coeur en hébreu est écrit selon la forme pleine "lévav" et non selon la forme simple "lév". Rachi explique : avec tes deux penchants, le bon et le penchant au mal. Il faut plus le subjuguer que l'anéantir (ce qui serait mourir).
Par exemple : si je ne mange pas, je tombe en syncope et je meurs. Manger est donc une des conditions du service de Dieu. Mais si je passe tout mon temps à manger, le service de Dieu, n'est-ce pas, je n'ai plus le temps... et il faut bien faire la sieste...

Et je pourrais passer ainsi en revue tous les comportements humains qui tous sont l'occasion de fautes parce que tous ont finalement pour objet de nous procurer les jouissances indispensables à notre vie d'homme et de femme, que ce soit des jouissances physiques, spirituelles ou intellectuelles ; et que dans le geste par lequel je recherche ces jouissances, l'impatience et l'excès font leur oeuvre.

Alors, bien sûr, que faire ? D'abord, étudier le terrain. Découvrir et circonscrire les principaux points faibles. Définir un objectif offensif à court terme et confier tous les autres domaines aux forces de défence passive. Et grignoter le terrain. Oh ! ce n'est pas très glorieux ! Ce n'est pas la charge de la brigade légère. Mais c'est rudement efficace. Bien sûr, comme je l'ai dit, il y a des revers, mais... Ah, j'oubliais : ne choisissez pas par bravade le point le plus fort de vos points faibles. Laissez à Corneille et à Rodrigue les "à vaincre sans péril on triomphe sans gloire" et offrez-vous d'abord de ces petites victoires qui vous redonnent confiance. Vous établissez ainsi des fortins qu'il vous suffit de surveiller du coin de l'oeil et qui entourent progressivement des poches de résistance plus fortes.

Vous connaissez vos mitzvoth "faibles" et "fortes" et de même les fautes que vous ne faites jamais, rarement, parfois, souvent... Choisissez une mitzva et travaillez dessus. Sans complètement négliger les autres. Par exemple décrétez "la mitzva de la semaine" et ainsi de suite et de même pour l'autre côté de la barrière. Choisissez-en une et... vive le rodéo ! Oui mais avec une clause : ça ne veut pas dire que la semaine prochaine, ce sera permis. Ça veut dire que je sais que je peux y arriver, car en fin de compte, je suis au moins aussi fort que moi, avec l'aide de Dieu.