L'ame et le Createur

Anonyme (non vérifié)
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sam 29/03/2003 - 22:00

kvod harabanim
chalom
j ai etudie recemment une partie du tania qui disait en decrivant la nechama,je cite "helek eloki mimahal mamach"
ce qui m a qulelque peu derange car j ai senti que cela pouvait preter a confusion et que l on risquait de croire que la nechama representait reelement une partie du createur,hasve chalom..
je voudrais savoir ce qu il en ait reelement,c est a dire quelle etait l intention reelle du admour azaken en ecrivant cela. car il est bien evident que nous ne sommes qu une creation d hachem et en aucune facon une partie de Lui meme (cf nefesh ahaim 1er perek ,et tfilla du matin ata berata ata yetsarta...)
merci d avance pour vos precisions et tizkou la mitzvot..
ps:serait t il possible d obtenir des reponses egalement pour les questions 5281 et 5325 qui ont ete poses il y a un moment deja..
kol touv

Rav Elyakim Simsovic
lun 31/03/2003 - 23:00

Je commencerai par la fin : l'une des questions a déjà reçu une réponse, du rav Kahn si je ne me trompe. L'autre n'est pas exactement une question mais une prise de position sur la branche "messianique" contemporaine du mouvement Habad. Je crois aussi pour ma part que ce mouvement relève davantage de la psychosociologie religieuse que de la religion à proprement parler. Je laisse la question ouverte, un autre rav voudra peut être se prononcer.
Quant au sujet de votre question :

Vous avez déjà donné, dans votre question, l'essentiel de la réponse et je tiens à vous féliciter de la sensibilité très juste que vous manifestez à ce sujet.

Le passage du Tania auquel vous faites allusion se fonde sur un verset du livre de Job 31:2.
Pour rester cohérent, on ne peut pas tirer argument du Néfèch Hahayyim qui est à l'école du Gaon de Vilna ce que le Tanya est pour Habad et on sait l'opposition très virulente des premiers aux seconds.
Etant donc évident ne serait-ce qu'à partir de la liturgie matinale que l'âme est créée, que signifie l'expression elle-même "'Heleq Eloka mima'al" ?
Un verset de la Thora (Deut. 32:9) peut nous donner une première indication : "ki 'heleq Hachem 'amo, Yaaqov 'hevel na'halato". Pour que ma traduction ne fasse pas pencher l'argumenten ma faveur, j'utiliserai d'abord celle du rabbinat : "Car ce peuple est la part du Seigneur, Jacob est le lot de son héritage". (Je ne sais pas pourquoi ils ont choisi de dire "ce peuple" alors qu'il est écrit "Son peuple"...)
Il existe un parallèle clair entre 'heleq hachem 'amo et 'heleq eloka mima'al. Et de même que 'heleq hachem 'amo signifie que Son peuple est la part que Hachem s'est choisie, de même "'heleq eloka" signifie la part de Dieu et non une partie de Dieu (1).
Mima'al signifie "d'en-haut/par en haut (2)". Cela ne peut pas signifier "d'en-haut de Dieu" car en Lui il n'y a pas haut et bas. Donc autre hypothèse : venant d'en-haut. Mais si nous disons que l'âme vient de Dieu, cela signifie qu'elle vient d'en-haut. Cette précision n'ajouterait donc rien à la proposition initiale. Dernière hypothèse : cela ne peut donc signifier que "par en haut" comme on dit "le dessus du panier", à savoir que cela se rapporte non à Dieu mais on âmes dont le texte souligne la qualité.
Mamach signifie littéralement : concrètement. Cette expression très usitée dans la littérature Habad sert généralement à distinguer les "façons de parler" et les "allusions" des formules désignant exactement leur objet. Cela signifie qu'il en est vraiment ainsi.

Le rav Steinsaltz (Even-Israel) récapitule tout ceci en disant que cette dimension de l'âme humaine est la dimension divine en l'homme. Nous dirons que cela signifie qu'elle est ce par quoi l'homme peut être sensible à la volonté de Dieu et même ce sans quoi cette volonté lui resterait totalement inaccessible. Il faut encore ajouter ici avec beaucoup de précaution ce qui suit : Dieu en soi nous est absolument inconnaissable. Nous ne connaissons que Sa Volonté qui se révèle dans la Thora, ainsi que les Noms qui désignent les diverses modalités de Sa relation au monde et aux hommes. Parmi ces Noms, Eloqim est celui qui désigne à la fois la catégorie de la Création (au commencement Eloqim créa...) et de Juge. Dire que l'âme est 'heleq Eloqa mima'l signifie donc précisément cette dimension de l'être en tant que créature qui fait qu'elle peut être jugée car elle est sensibles aux catégories du bien et du mal. Et cela, c'est mamach, vraiment. Cette histoire est à prendre au sérieux : il y a une justice et il y a Juge.
Il faudrait étudier tout le chapitre où le Tania explique comment l'âme procède de la pensée et de la sagesse divines et où le "mamach" de la première proposition est modulé par "al derekh macham", "kavyakhol". J'ajouterai encore un mot : dans la suite du passage, le Tania explique qu'il y a des "myriades de sortes de distinctions de niveaux dans les néchamoth du haut au plus haut à l'infini..." Si les âmes étaient de l'étoffe de la nature divine, on ne saurait concevoir que certaines soient d'une qualité ou d'une envergure supérieure aux autres, comme les âmes des Avoth (Abraham, Isaac et Jacob) ou l'âme de Mochè Rabbénou. Mais s'il s'agit des degrés de dévoilement du divin dans le monde, c'est une toute autre affaire !

J'espère avoir un tant soit peu contribué à éclaircir cette question. Et afin que les choses soient claires, j'ai reçu l'essentiel de ces explications de mon maître rabbi Yéhouda Askénazi (Manitou) zatzal qui les a reçues du rav Schneersohn, cousin du dernier rabbi de Loubavitch zikhron tzadikim livrakha, qui a habité un temps dans la région parisienne à la fin des années cinquante.
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(1) On notera à cet égard que l'idée d'une "partie de Dieu" se détruit elle-même à partir d'une analyse élémentaire : Dieu étant infini, une partie d'un tout infini homogène est elle-même infinie ; or les âmes d'Israël sont au nombre de 600.000 et pas infinies (*). De plus, si l'on voulait admettre cela par acrobatie métaphysique ou à titre d'hypothèse, on aboutirait à une consubstantialité de Dieu et des âmes humaines, en tout cas en Israël d'après les prémisses du Tania au début du chapitre 2. Cette idée contredirait plusieurs principes concernant la transcendance absolue de Dieu. Elle saperait aussi les fondements du monothéisme, car si une quantité discrète d'âmes peut exister en Dieu, pourquoi n'en serait-il pas de même de divinités qui seraient aussi autonomes puisque l'âme humaine l'est.

(2) Comme en Genèse 22:9: "mima'al la'etzim" = par-dessus le bois.

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(*) et on ne peut pas objecter à partir de l'idée de divers infinis mathématiques qui constituent en quelque sorte des sous-ensermbles les uns des autres et ne sont pas superposables, comme par exemple l'ensemble des nombres entiers et l'ensemble des nombres premiers. En effet, il y a en ce cas complémentarité des sous-ensembles : si l'on retire l'ensemble des nombres premiers de l'ensemble des entiers, on obtient l'ensemble des entiers non premiers. Dieu serait-il 'halila amoindri par la suppression des âmes des hommes ?)