Servir D.ieu par crainte ou par amour

Anonyme (non vérifié)
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sam 17/05/2003 - 23:00

Chalom,
Que veulent dire nos Sages quand ils parlent de "crainte" divine? En écoutant les infos et les divers événements tragiques (accidents, attentats,..) j'ai ressenti comme une crainte face à ce qui nous échappe, à ce que nous ne sommes pas apte à maîtriser. Est ce par peur de ce qui pourrait m'arriver que je devrais devenir plus rigoureux dans ma pratique? Ne serait ce pas une pratique "impure" ? Nos sages nous disent que ce n'est pas grave de servir D'ieu par intérêt car de cette façon notre pratique nous conduira ensuite à Le servir par amour (si je ne me trompe pas!). Mais que signifie Le servir "par amour"? Est ce qu'il est possible d'agir de façon totalement désintéressée? Ou avons nous le droit de pratiquer de manière intéressée? (pour une part au Monde futur, pour que tout se passe bien dans ce monde,....) Si nous en avons le droit, ne rentrons nous pas dans une sorte de calcul malsain?
Aujourd'hui, je me suis posé ces questions et je voulais l'avis d'un des Sages de ce site (celui qui prendra bien la peine de se pencher sur ma question). Merci du temps que vous consacrez à la diffusion de la Sagesse de notre Tradition! kol akavod pour votre Travail!

Rav Elyakim Simsovic
dim 24/08/2003 - 23:00

Crainte, yire'a en hébreu, est une catégorie connotée de la notion de respect. Bien sûr, à un niveau inférieur, se mêle à ce sentiment l'idée d'un châtiment qu'il faudrait éviter. Mais de l'avis de tous, ce n'est encore le fait que d'une conscience très élémentaire. Cette crainte reconnaît une souveraineté mais pas nécessairement la valeur qu'elle veut imposer. Un degré supérieur s'appelle la crainte de la faute. Là, il y a déjà prise de conscience de la gravité de la violation de la valeur. Toutes les énergies se trouvent mobilisées pour s'écarter du mal. La faute - c'est-à-dire l'éventualité de mal faire - occupe toute la vie spirituelle. La gravité de cette étape intermédiaire est qu'elle bouche l'horizon en vue duquel la faute doit être évitée.
Il ya aussi ce qu'on appelle la crainte des cieux qui n'est pas une façon de parler de la crainte de Celui qu'on dit être dans les cieux. Les cieux représentent les valeurs par rapport auxquelles l'histoire des hommes est jugée. La crainte des cieux c'est le respect des valeurs, la crainte d'y porter atteinte. Là, ce n'est pas la faute qui est le point focal, mais la défense des valeurs.
Tant la crainte du châtiment que la crainte de la faute et même la crainte des cieux doivent rester présentes à la conscience comme soubassement de la crainte authentique, qu'on appelle la crainte révérentielle - yireat haromémout - la crainte devant la grandeur du Souverain maître des destinées, le Roi des rois de rois, le Saint, Source des bénédictions. C'est simultanément le sentiment de notre petitesse et de notre grandeur : sans Lui nous ne sommes rien et devant Lui nous sommes comme rien ; et pourtant c'est nous qu'Il a élevé à la responsabilité de nous confier la destinée de Son monde. Cette crainte est faite d'extrême humilité et du sentiment de notre dignité tout à la fois et là, la crainte, c'est la crainte de décevoir Celui qui a mis Sa confiance en nous. Et cette crainte se découvre brûlante aussi d'amour et de reconnaissance.
Nous savons bien que Sa bonté nous destine ce qu'on appelle des récompenses mais ce n'est pas en vue d'elles que nous agissons, ou alors c'est que nous sommes encore dans l'enfance. En réalité, d'ailleurs, c'est le bonheur d'être - être vraiment, vraiment vivant - en Sa présence qui est la récompense, un peu de cette joie que nous éprouvons sur terre de pouvoir approcher le maître que nous vénérons, d'être compté parmi ses familiers, de l'entendre nous dire ou dire de nous : mon élève, mon ami - ami : celui que j'aime.