Depuis quand les ta'amim?

JAL
Profile picture for user JAL
sam 11/10/2014 - 23:00

Quelle a été l'époque de la première cantillation du texte biblique?

Rav Samuel Elikan
sam 22/11/2014 - 16:34

Shalom,
1. Je vous invite à lire la 50860 répondue par mon ami Emmanuel Bloch sur ce sujet.

2. Concernant votre question - selon Rabbi Simh'a de Vitri (Mah'zor Vitri, § 324), élève de Rashi, la manière de lire la Torah et sa cantillation furent données oralement au Sinaï, toutefois celle-ci ne fut rédigée, c'est-à-dire que les signes furent inventés qu'à l'époque d'Ezra et ultérieurement avec les Sofrim (les Gens de la Grande Assemblée qui se termine avec Shimon HaTzadik, comme rapporté au début des Pirkei Avot) (1).
Il faut savoir que cet avis fut émis après la discussion avec les Karaïtes qui furent eux-mêmes confrontés à un dilemme. Si les signes de cantillation/prononciation sont des outils d'interprétation, pourquoi devraient-ils être astreints par l'interprétation rabbinique que par ailleurs ils réfutaient ? En outre, marquer toute la Torah de signes - logiquement et indépendamment - demandait trop de travail. Ainsi, ils conclurent, pour résoudre leur problème, que... les signes furent donnés avec la Torah au Sinaï, par écrit. Hors, pour la halah'a, c'est ainsi que le dit le traité de Sofrim (3,7), il est interdit d'écrire un Livre de Torah en y notant les signes de cantillation/prononciation (définissant les versets). C'est donc qu'il y eut une tradition orale, mais pas écrite. Dire que ces signes furent écrits au Sinaï revenant à donner raison aux Karaïtes (2).

Selon Rabbi Elihou Bah'our (Sefer Massorète HaMassorète, éd. C.D. Gintzburg, Londres, 1867, p. 103 et suiv.), il y a deux grandes discussions:
1. Entre les gens de l'est et ceux de l'ouest (c'est-à-dire Babylone et Israël) au 7ème-9ème ;
2. Entre Ben Asher et Ben Naftali au 10ème siècle.
On voit que les discussions entre les Sages résidant en Israël et ceux résidant en Babylonie touchent la différence entre l'écriture de certains mots et leur lecture (kri ouKtiv), sur des mots particuliers, en plus, en moins; il n'y a cependant aucune discussion relativement à l'écriture des "ta'amim" et du "nikoud".
Ben Asher et Ben Naftali par contre discutent beaucoup de ces choses là (il faut quand même signaler que près de 85% de leur discussion touche à où et comment accentuer le mot).
Ce qui prouve, selon le Rav Bah'our, que l'écriture du nikoud ne remonte qu'au 10ème siècle.
Cette approche est aujourd'hui généralement acceptée par l'académie (3).

Cordialement,

Notes
(1) Cette opinion est partagée par Rav Guedalia Ibn Yeh'ia, Shalshelet HaKabalah, (éd. de 1962), p. 47; Rav Yaakov Couli (Me'am Lo'ez, intro. p. 10); cependant selon le Yalkout HaReouveni sur Shemot 4,2 - il y aurait eu des textes vocalisés avant Ezra.
Cf. aussi TB Meguila 3a; H'aguiga 6a; Nedarim 37a-b; Toss. et Ran, ad loc. s.v. Mikra; TY Meguila chap. 4, hal. 1 (28b); Bereshit Rabba 36,8; Sefer H'assidim, §302; Maharal Tifferet Israël, chap. 66; Yaavetz, Migdal Oz 117b; cf. aussi Sefer HaMenouh'a de Rabbeinou Manoah' de Narbonne, cité par le Kessef Mishneh, sur Rambam, hil. Tefila, chap. 12, hal. 6; resp. H'atam Sofer VI, 86.

(2) cf. à ce sujet Y. Hadassi, Eshkol HaKofer, Guslaw, 1836, §173, 70a; Binyamin Klar, Meh'karim VeYiounim, Tel-Aviv, 5714, p. 293-300; Moshe Mendelssohn, Netivot HaShalom, Bereshit, Vienne, 1846, p. 15-17; M. Breuer, "Ta'amei HaMikra beKaf Alef Sfarim oubeSifrei Emet", Jérusalem, 1982; id. "le développement des ta'amim" (en héb.), dans la revue "Leshonenou" n°43, 1989, p. 203-213; A. Dotan, "Histoire du développement des signes", Meh'karim BaLashon 2-3, 1987, p. 355-365; Y. Yavin, Ta'amei HaMikra, Jérusalem, 2004; Simh'a Kogot, "HaMikra- bein ta'amim leparshanout", Jérusalem, 1994; Y. Ofer, "ta'amei hamikra...", Mah'anayim n°3, Kislev, 1993, p. 70-75 et dans de nombreux autres articles de cet auteur disponibles sur sa page sur le site de l'univ. de Bar-Ilan.

(3) Cet avis est partagé par le Rav Duran (plus connu sous le nom "Efodi") dans son "Ma'asseh Efod", chap. 7. Concernant l'académie, cf. les sources citées à la fin de la note précédente.
Concernant le nom des signes - certains pensent que ceux-ci sont très anciens (cf. Sha'arei Zohar sur Nedarim 37, du Rav Reouven Margaliot) et d'autres pensent qu'ils sont bien plus récents (cf. à ce propos ce que dit le Rav Yaakov Emden dans son "Mitpeh'ot Sfarim", p. 23 (dans l'éd. de Lvov, 1871).