Née a Pessah' - un signe ?

Juliah
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mar 16/02/2016 - 23:00

Chalom :)
Je suis née le 04/04/1977.
Un rabbin m'avait dit que j'étais née pendant Pessah tout comme sa fille...Il semblait ému et très joyeux de me le dire.
Est-ce particulier d'être née pendant Pessah ?
Si oui, pour quelles raisons ?
Je suis en outre l'aînée de ma fratrie, est-ce vrai que tous les premier-nés appartiennent à D. ?
Merci de votre réponse à venir, je l'attends avec impatience :)

Rav Samuel Elikan
jeu 18/02/2016 - 04:35

Shalom,
Vous êtes effectivement né le 2ème jour de Pessah', le 16 Nissan (si ce fut avant le coucher du soleil et sinon, si ce fut après le coucher du soleil, vous êtes née le lendemain, soit le 17 Nissan).
Il n'y a pas de particularité extraordinaire dans le fait d'être né à Pessah' ou à un autre jour.
Toutefois, on pourrait éventuellement y voir une certaine symbolique - c'est en effet le moment où nous célébrons la naissance du Peuple d'Israël.

Je vais essayer d'étayer cette idée - à Pessah' nous célébrons la sortie d'Egypte.

Lorsque ses frères de Yossef sont venus chercher à manger en Egypte, Yossef leur dit (Bereshit 42,9):
"… C'est pour découvrir le côté faible du pays que vous êtes venus!".
Le terme "côté faible" est une traduction du terme "ervat ha'aretz" qu'on devrait plutôt traduire par "la partie intime de la terre" ou "la nudité de la terre".

Nos Sages apprennent de ce verset (Kohelet Rabba, 1) que la terre d'Egypte "est vivante", qu'elle peut "enfanter".
Il s'agit d'une expression symbolique, métaphorique, mais pleine de sens.
Dans un autre midrash (Bereshit Rabba 93,5), nos Sages affirment que Yossef a "versé la descendance (zer'a) de son père et l'a faite descendre en Egypte".
Nous assistons ici à un vrai processus d'engendrement: un Peuple va naître !

Deuxième stade, la grossesse : des centaines d'années plus tard nous sommes toujours en Egypte et là encore, nos Sages comparent cela à une grossesse (Meh'ilta deRabbi Yshmaël, Beshalah', 6; Midrash Tehilim, 114):
"De la même manière que l'on sort le nouveau-né du ventre… ainsi D'ieu est venu nous sortir d'Egypte, ainsi qu'il est écrit (Devarim 4,34) '…chercher un peuple au milieu d'un autre peuple'".

Troisième stade, la gestation : les spasmes du "travail" se firent alors ressentir en Egypte par les dix plaies, comme le décrit le prophète Isaïe (13,8): "Ils sont frappés d'épouvante; les spasmes et les douleurs les saisissent; ils se tordent comme une femme en travail. Ils se regardent les uns les autres avec stupeur, leurs visages sont enflammés".
Cette idée est reprise par le Rav David Shlomo Eybeschütz (1755-1814, Admour h'assidique qui fit l'alya) dans son livre Arvei Nah'al (Ekev, 6): "ils étaient en Egypte comme un bébé dans le ventre de sa mère et la sortie d'Egypte, comme une naissance. C'est pour cela qu'il y eut toutes ces plaies, telle une femme en gestation, dont le cri se fait entendre, comme le disent nos Sages".
Le Rav Itzh'ak Eizik H'ever (1789-1853) continue en soutenant (Hagada Yad Mitzraim, intro. Poteah' Yad, p. 52) qu'il ne peut y avoir de naissance sans sang, ainsi la première plaie fut la transformation de l'eau en sang…

Quatrième stade, perte des eaux et naissance :
Nos Sages nous enseignent (Eliahou Rabba, Ish Shalom, 2) qu'à la sortie d'Egypte, le Peuple d'Israël est comparé à une biche, engendrée et donnant naissance dans la douleur (!).
Conclusion du midrash: "tous les débuts sont difficiles"…

Le Zohar (II, 52b) ne manque pas de commenter:
"lorsqu'elle doit enfanter/naître, elle est "fermée" de tous les côtés, met sa tête entre ses jambes et crie; elle lève sa voix et D'ieu a pitié d'elle".
Le Zohar fait allusion au fait qu'Israël était bloqué devant la mer rouge, aucune issue possible et là D'ieu a eu pitié.

Le Ari zal (Pri Etz H'aim, Sha'ar HaLoulav, §8) affirme que l'ouverture de la mer, célébrée le 7ème jour de Pessah', constitue le "mystère de la naissance" (sod haleida).
La rupture de la poche provoque la perte des eaux et c'est ainsi que cela se déroula dans la mer rouge où naquit le Peuple d'Israël. Une fois la mer traversée, il n'y a plus de retour; un Peuple est né (cf. Yeh'ezkel 16,4-7).

Finalement, l'allaitement :
nos Sages nous enseignent encore que la manne avait les mêmes saveurs que le lait maternel (TB Yuma 75a). Le Sfat Emet (Beha'aloteh'a, 5647) explique que les 40 ans où le Peuple fut nourri avec de la manne constituèrent son "allaitement", en effet, soutient-il, ils étaient incapables de digérer et de trier le bon du mauvais.

C'est donc qu'il y a une corrélation symbolique entre la naissance et la fête de Pessah', mais cela ne se traduit pas pratiquement ; cela reste une idée d'interprétation.

Concernant les premiers-nés, les concepts de sainteté et consécration des premiers-nés ne s'appliquent pas sur les femmes.

Cordialement,