
Bonjour Rav,
je vous interpelle au sujet de votre réponse 10880 de Cheela. Je
croyais que "qadosh" voulait dire "séparé". Je sais que le latin l'a
traduit par "saint" mais je trouve que le sens commun donne à cette
traduction une dimension mystique, de plus mystique chrétienne, qu'il
n'a pas en hébreu. Je préfère la traduction de "qadosh" en "séparé" car
elle ne dit que ce qui doit être dit. Dieu est qadosh parce qu'il est
séparé des hommes etc... De même qu'il peut y avoir une séparation vers
le bien il peut aussi avoir une séparation vers le mal... Savoir ce qui
se ressemble et qui est séparé est certainement une des premières
fonctions de l'intelligence humaine.
Qu'en pensez vous ?
Bien à vous,
Patrick
PS après une conversation privée, j'ai réalisé que je faisais une confusion entre "saint" et "sacré" mais en hébreu existe-t-il une telle distinction ? Je ne connais que le mot "qadosh" pour exprimer ces deux concepts qui sont marqués fortement par la pensée chrétienne.
Si qadosh veut dire "séparé" ce n'est certainement pas au sens d'une
fonction intellectuelle mais morale. Comme le dit Rachi au début de son
commentaire sur parachat Qédoshim.
Et lorsque Israël est déclaré mis à part ou que Dieu se dit Qadosh, cela
renvoie effectivement à la catégorie de la transcendance.
Mais vous faites erreur sur le sens de saint. Vous lui attribuez les
caractères de ce qui en culture occidentale se dit "sacré".
La sainteté n'est pas du tout de l'ordre des expériences mystiques. On parle
de "terreur sacrée" mais de "saintes vertus".
La sainteté, enseignait rav Askénazi (Manitou), est présente dans l'unité
des valeurs et c'est cela qui est le projet existentiel d'Israël.
En réponse au P.S.
En effet, il faut se méfier des significations chrétiennes qui "déteignent"
sur les contenus propres à la spiritualité hébraïque. Mais le fait que des notions existent ailleurs ne signifie pas qu'elle n'ont pas d'abord été apportées au monde par le message de la Thora d'Israël. Qu'il faille se méfier de la contamination, surtout en ce temps de distorsion du langage, c'est certain. Mais aussi longtemps que nous parlerons en français, c'est par sainteté que nous traduirons qodesh et par saint que nous traduirons qadosh, en prenant garde de leur donner les contenus spécifiques enseignés par la tradition hébraïque et juive.
De manière plus précise, si la avodat haqodesh exprime le service de la sainteté, ce sera par avoda zara que s'exprimerait le mieux, je pense, l'idée d'un détournement de la sainteté vers le sacré, en quoi ce service est étranger à Israël.
Pensez à la gradation indiquée dans la téfila :
yécharim = les hommes de droiture (disposition au bien)
tsadiqim = les hommes de vertu (qui règlent leur conduite sur la loi)
hassidim = les hommes de moralité (chez qui l'adhésion à la vertu coincide
avec la volonté d'obéïr à la loi)
qédochim = les hommes de sainteté (qui unifient les valeurs conflictuelles
de la loi dans l'unité de leur être) [il faut penser ici aux implications de
ce que Maïmonide dit au début des Huit chapitres]
Bon courage !