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Shalom M. Kohn,
Il ne me semble pas que j'ai polémiqué de façon acrimonieuse. J'essayais de vous expliquer combien choquante est l'affirmation qu'un prosélyte (d'un mouvement non-orthodoxe) est un "goy à 100 %". Combien choquante elle est dans l'absolu, mais surtout combien violente, vexante, dégradante, pour une personne appartenant à cette catégorie qui la lit sous la plume d'un rabbin...
Qui est polémique : le rabbin libéral ou massorti qui, comme vous l'avez rappelé, reconnaît les conversions orthodoxes ou le rabbin orthodoxe qui non seulement ne reconnaît pas les conversions non-orthodoxes mais en plus traite de non-Juif un Juif (ou disons, pour aller dans votre sens, un individu qui se définit lui-même comme juif et se sent profondément juif) sous prétexte qu'il n'a pas le bon papier ?
Je ne sais pas ce que vous entendez par "laxiste". Voici le programme de conversion du MJLF, un des principaux mouvements libéraux français :
- 18 mois de cours de judaïsme hebdomadaires et d'apprentissage de l'hébreu
- assistance régulière aux offices de shabbath et de fête
- entretiens formels avec le rabbin (un tous les trois mois environ)
- exposé oral d'une vingtaine de minutes devant le rabbin et les autres candidats à la conversion, suivi de questions par le rabbin
- examen écrit d'une cinquantaine de questions, plus deux questions ouvertes à développer
- texte écrit à remettre au beth-din sur pourquoi la personne souhaite se convertir au judaïsme, ce que signifie être juif à ses yeux etc...
- beth-din oral devant trois rabbins
- naturellement, circoncision et mikvé
Il ne me semble pas que cela soit particulièrement laxiste...et contrairement à une idée reçue, tous les candidats qui envoient une demande de conversion ne sont pas convertis.
Mais si certains candidats sont plus exigeants, comme vous dites, encore faudrait-il que le rabbinat orthodoxe ne leur ferme pas la porte au nez (voir mon mail précédent).
Pourquoi y a-t-il, d'après vous, de plus en plus de candidats à la conversion qui passent par des mouvements non-orthodoxes ? C'est parce qu'il y a eu une radicalisation, une crispation du rabbinat orthodoxe sur la question de la conversion. Il y a une trentaine d'années, on demandait au Consistoire ce qu'on demande aujourd'hui dans les mouvements progressistes ; les conversions non-orthodoxes étaient alors très rares. Mais aujourd'hui, se convertir orthodoxe est devenu d'une telle difficulté, d'une telle dureté que la plupart préfèrent passer par un canal qui leur apportera plus de sérénité.
Je me contenterai de vous suggérer, pour « nourrir » votre réflexion à ce sujet, de lire un ouvrage intitulé LE BERCEAU DE BAMBOU, par Abraham SCHWARTZBAUM (Editions MAROME – 1990).
Ce livre, qui relate une histoire réelle, a été écrit par celui qui en a été le personnage principal.
Abraham SCHWARTZBAUM et sa femme, un couple d’universitaires juifs américains, ont passé plusieurs années à Taïwan, pays dans lequel ils ont recueilli et adopté une fillette chinoise, abandonnée comme bébé sur le quai d’une gare.
Alors très éloignés de la tradition juive, ils ont néanmoins voulu convertir l’enfant. Abraham SCHWARTZBAUM raconte dans son livre sa première rencontre avec un rabbin, d’obédience libérale.
« C'est tout à fait stupéfiant, dit-il, je me suis toujours intéressé à l'histoire de la Chine […] Concernant sa conversion, je peux vous préparer immédiatement les formulaires de conversion. »
Barbara, la femme du Pr. Schwarzbaum, se montra déconcertée : « Le processus de conversion n'inclut-il pas le passage obligé par le miqwé (l'obligation de s'immerger dans un bain rituel est un des passages obligés de toute conversion) ? »
« Si cela est votre souhait, nous pouvons organiser cette cérémonie à la piscine du centre communautaire juif, répondit le rabbin. »
« Devons-nous comprendre que la conversion de notre fille est une simple affaire de formulaires que vous devez remplir ? »
« Absolument » répondit le rabbin avant de conclure cet entretien en leur demandant de fournir les noms respectifs de leur père, mère, grands-pères et grands-mères.
Déçus par la facilité qu’on leur proposait pour la conversion de leur enfant, Abraham et Barbara SCHWARTZBAUM se sont adressés à un rabbin « orthodoxe » qui l’a fait entrer comme il se doit dans le judaïsme, et la suite du livre nous fait assister aux conséquences que cette conversion a produites sur eux-mêmes, à savoir un retour progressif vers le judaïsme authentique.