Conversation 18266 - tous les sifre-torah seraient ils non cachers?

chuil
Lundi 12 juillet 2004 - 23:00

Nos Sifré Thora sont-ils tous invalides (pesouliim) ?

Chalom Rav,

J'ai appris dèrnièrement qu'il existe aujourd'hui de lègères différences (lègères mais bien réelles) entre certains Sifré Thora. Par exemple entre ceux des Témanim (Juifs du Yémen) et séfaradim.
De plus, selon le Talmud de Babylone (Kidouchin 30a, je crois) nos Maitres reconnaissent qu'ils ne peuvent assurer de l'intégrité de la Torah comparativement au Texte recu par Moshé sur le mont Sinaï.

A la lumière de ces deux faits, deux questions se posent:
1. A-t-on le droit d'invalider un Sefer Torah pour un vav un peu court ou un youd un peu long, alors qu'il y manque peût-être déjà plusieurs lettres ?
2. Les bénédictions récitées avant et après la lecture ne sont-elles pas vaines (bera'Ha lévatala) au moins pour une partie de la communauté juive - Témanime, séfaradimes ou ashkenazine, du fait de la non intégrité du Texte ?

Cordial shalom.

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 14 juillet 2004 - 23:00

La question de la validation ou de l'invalidation d'un sefer Thora relève de la compétence d'un soffer accrédité et aucune réponse vague et théorique ne peut être donnée à ce sujet.
Il existe des discussions entre les décisionnaires concernant la validité de l'utilisation par une communauté donnée d'utiliser un Sefer Thora écrit selon les critères d'une autre communauté (cela concerne la forme des lettres, pas la teneur du texte)
Le passage de Qiddouchine 30a ne concerne pas ce problème et il n'y a jamais été question de ne pas pouvoir assurer l'intégrité de la Thora.

chuil
Samedi 17 juillet 2004 - 23:00

Suite de la question 18266
Nos Sifré Thora sont-ils tous invalides (pesouliim) ?

Shalom Rav,

Merci pour votre réponse…qui élude la question.
Il ne s’agit pas de savoir si la communauté séfarade est acquittée par la lecture d’un ktav Beth Yossef ou celle ashkénaze, d’un ktav Valish, ou encore de la compétence du Sofer dans ce domaine !
Non, là n’est pas la question.

La question porte sur un pchat de la Guémara Kidouchin 30a.
Rav Yosset demande aux Soferim de l’époque (et donc pas des rigolos !) si le mot « gaHone » se trouve dans la 1ere ou la 2e moitié du Séfer Torah. Et c’est leur réponse qui interpelle : « Nous ne sommes pas Baakiim (compétents ?) quant aux ajouts ou manques dans nos Sifré Torah pour répondre » (sic).

Le sens « pchat » indiscutable, nous apprend donc qu’il y a dix siècles déjà, le texte de la Torah était différent du texte reçu par Moshé sur le mont Sinaï… à plus forte raison aujourd’hui !

D’où la question principale : pourquoi invalider un Séfer Torah « d’aujourd’hui » pour une lettre de plus ou de moins ?
Et la question subsidiaire : Les bénédictions sont-elles dites en vain ?

Kol Tuv.

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 18 juillet 2004 - 23:00

Bon, puisqu'il faut, il faut...
1. Pour commencer, rav Yossef n'a pas interrogé les soferim de l'époque. Sa question est posée "stam". "Rav Yossef a demandé ..."
2. La question n'est pas si le mot "gahone" se trouve dans la 1ere ou la 2e moitié du Séfer Torah, mais si la lettre vav de gahOne se trouve dans la première ou la deuxième moitié, ceci à la suite d'une remarque précédente de la guémara : "le vav de gahOne (1) [marque] le milieu des lettres du sefer Thora" qui énumère plusieurs autres données "statistiques"...
3. En réponse à la question de rav Yossef, une proposition est faite de prendre un sefer Thora et de compter les lettres. Ce à quoi on répond : "eux étaient experts quant aux graphies plénières et défectives, nous ne le sommes pas" (et cela, littéralement "sic" - apparemment , nous n'avons pas non plus la même version de la guémara...)
Les graphies plénières et défectives se rapportent au fait qu'un même mot, sans changer de sens, peut être écrit par exemple avec vav ou sans vav pour le son "o" ou avec yod ou sans yod pour les sons "i" et "é".

Le sens pchat indiscutable est que la guémara rapporte une discussion datant d'il y a environs 17 siècles qui fait état d'une "crise" de l'époque. C'est pour cette raison, et compte tenu du risque que cela représente que les maîtres de l'époque se sont attelés à la tâche d'établir ce que nous appelons le texte massorétique qui fera autorité pour tout Israël, en particulier précisément les graphies plénières et défectives. Toutefois, celles-ci n'invalident pas nécessairement un sefer Thora. Par contre lorsqu'une lettre manque (par exemple le yod de bayit qui ferait que le mot se lirait bat) ou qu'une lettre est en trop (par exemple un yod dans bat qui ferait que le mot se lirait bayit) invalide le sefer Thora.

La raison pour laquelle j'ai écrit dans la réponse précédente que le sujet ici est autre, c'est parce qu'il faut se demander ce que cette discussion fait à cet endroit, qui traite de l'obligation du père d'enseigner la Thora à son fils, la réponse étant qu'il ne suffit pas d'apprendre les grands principes, il faut aussi descendre avec minutie jusque dans les détails. Parce que c'est précisément dans les détails que se trouvent les nuances qui donnent leur signification vraie au texte et aussi parce que souvent une différence de détail peut changer radicalement le sens.

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(1) Lévitique 11:42. Le vav de GahOne est d'ailleurs l'une des lettres écrites plus grande que les autres (vav rabbati) dans le sefer Thora.

Avihai
Dimanche 18 juillet 2004 - 23:00

Suite a la question 18266

Dans un livre regroupant ses commentaires sur la premiere michna de Pirke Avot (Maximes de nos Peres), le 'Hida relate une histoire tres interessante a ce sujet.
Alors que Maimonide finissait l'ecriture de son Sefer Torah en appliquant, bien-entendu, les lois qu'il a retranscrit dans le Michne Torah, on lui a appris qu'il existait dans une ville de Provence (je ne me souviens plus du nom de la ville) un Sefer Torah ecrit de la main de ... Ezra le Scripte (qui, selon le Talmud, a fixe le texte du Sefer Torah alors que plusieurs versions quelque peu differentes existaient auparavant). Aussitot, Maimonide plia bagages et se rendit avec son propre sefer torah dans cette ville pour comparer les deux sifrei torah. Quelle ne fut pas sa joie lorsqu'il constata qu'il n'y avait aucune difference entre son propre sefer torah et celui ecrit de la main de Ezra le scripte. Depuis lors, chaque annee, le Rambam fit une seoudat mitsva pour commemorer cette evenement.
A moins de douter des propos du 'Hida, du Rambam ou de la transmission d'Ezra, cela signifie que le texte du Sefer Torah que l'on a aujourd'hui est exactement le meme que celui qu'Ezra le Scripte a recu de ses maitres depuis Moise et a retranscrit. Moche recu la Torah au Sinai et la transmis a Josue... qui la transmirent aux sages de la Grande Assemblee (dont faisait partie Ezra le Scripte).

Rav Elyakim Simsovic
Mardi 20 juillet 2004 - 23:00

Le Hida qui était un grand voyageur au service de sa Yéchiva (la yéchiva du Or Hahayim Haqadoch, rabbi Hayyim BenAttar, dont il était le disciple) a parcouru les pays d'Europe à la rencontre des diverses communautés et a consigné des informations biographiques, bibliographiques et pseudépigraphiques les concernant. Il a ainsi noté nombre de récits traditionneles qui s'y transmettaient.

Hélas, nous savons que les aventures touristiques de Maïmonide sont extrêmement simples : Cordoue-Fès-Akko-Fostat, point final. Il n'a jamais quitté l'Egypte ni même cette banlieue du Caire, si ce n'est pour les visites qu'il devait faire quotidiennement au palais du Sultan. Quand on sait quel était son emploi du temps journalier, qu'il révèle à un lecteur-disciple qui voulait venir étudier auprès de lui, en lui disant qu'il sera tès heureux de le recevoir mais qu'il n'aurait pas une minute à lui accorder, on imagine vraiment Maïmonide sautant dans la première galère pour entreprendre le long et dangereux voyage - des mois de voyage. Et même s'il l'avait voulu, le Sultan ne le lui aurait pas permis, ni ses responsabilités communautaires et professionnelles.
Je ne doute pas des paroles du Hida, c'est à dire qu'il a pu consigner ce récit. Mais il n'était pas exactement contemporain des faits relatés et on n'a pas de documents d'archive. De plus, il ne mentionne pas cet épisode dans sa biographie de Rambam dans le Shem Haguédolim.
Je ne sais pas comment douter ou non des paroles de Maïmonide, je ne me souviens pas qu'une source fiable de sa main ai jamais relaté cette histoire.
Quant à Ezra le Scribe, il est hors-jeu dans cette histoire.

Bref il est évident que c'est une des nombreuses légendes à la gloire de Maïmonide, comme si l'éclat de son génie en avait besoin.

Avihai
Lundi 19 juillet 2004 - 23:00

Suite a 18419:
Le sefer torah de Ezra le scripte ne se trouvait pas en Provence mais en Bourgogne.

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 21 juillet 2004 - 23:00

C'est beau, la science !

Avihai
Mercredi 21 juillet 2004 - 23:00

Suite a votre reponse a 18419:

Hier soir, j'ai verifie les references de ce recit. Ce recit est relate par le Hida dans Chem Haguedolim. Le sujet sur lequel il traite dans ce passage n'est pas reellement le Rambam mais Ezra le Scripte.
Il est ecrit que Simon le Sage fut Grand-Pretre apres Ezra le Scripte. Sur ce passage, le 'Hida ramene deux explications, l'une selon laquelle Ezra n'etait pas Grand-Pretre mais que le sens de ce passage est que Simon le Sage fut nomme Grand-Pretre apres la disparition de Ezra et l'autre (qui a sa preference) selon laquelle Ezra etait Grand-Pretre et Simon le Sage lui a succede. A ce sujet, il rapporte a l'appui le recit de cette histoire par le Rambam lui-meme dans lequel le Rambam ecrit "Ezra le Grand-Pretre". N'ayant pas le livre sous les yeux, je ne peux vous transmettre les references exactes dans le livre Chem Haguedolim. J'essaienrai de le faire anterieurement.

Rav Elyakim Simsovic
Vendredi 23 juillet 2004 - 23:00

Oui, hé bien dans le passage suivant (page 107 colonne 2), le Hida prend ses distances avec le récit qu'il a rapporté, comme il en a l'habitude, et écrit :
1. de ce qui est rapporté nous apprenons que le Séfer Thora qui était en Egypte n'était pas de Ezra main ben Asher...
2. je n'hésiterai pas à dire que j'ai des doutes quant à l'authenticité du récit concernant Maïmonide rapporté par rabbi Menahem Mann...
et il explique les incohérences du fait - entre autres - que Rambam ne rapporte rien de tout ceci dans le Michné Thora.