Conversation 18750 - La verite historique des midrachim

NathanninNathan
Mercredi 25 août 2004 - 23:00

Commentant les 10 épreuves qu’a subies Avraham Avinou (Pirqe Avot, Chapitre 5 Mishna 3), Rachi cite le Pirqe de Rabbi Eliezer. Le Rambam, lui, tire ces dix épreuves du texte même de la Tora écrite. Ceci a déjà de quoi me laisser rêveur, que le « philosophe » ait proposé une explication plus proche du texte que le « littéraliste » (propos très simplifiés), mais en dehors de cela, ma question est la suivante : si tout ce que nous tenons de la Tora écrite est certain, comment considérons-nous les midrashim « historiques » (comment Abraham connut le vrai Dieu, le saccage des idoles,…), ou plutôt pourquoi les érigeons-nous en certitudes quand on sait qu’il s’agit de traditions orales, d’où vient ce consensus qu’ils « n’aient pas pu n’avoir été que des contes édifiants que nous avons fini par prendre pour argent comptant » ?

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 29 août 2004 - 23:00

C'est de l'argent comptant. Et du pur argent, de plus. Mais ce poserait d'abord la question de la définition d'une vérité historique. La science historique moderne, par exemple, s'interroge sur la nature d'un événement historique. Qu'est-ce qui le distingue de l'anecdote ? Et, en l'absence de "documents", quelle place accorder aux récits des témoins oculaires et à la mémoire populaire ?
Un événement, un fait, a-t-il une signification par lui-même ou bien ne devient-il signifiant que dans le cadre d'un système de coordonnées, c'est-à-dire en vertu d'une grille de lecture qui le précède ?
Dans cette perspective, une donnée brute n'a rien à voir avec la notion de "pchat" et le "rationalisme" est inséparable de la rationalité à laquelle elle se réfère.
J'ajouterai que le Midrache est loin d'être un ensemble monolithique ou unidimensionnel. Des textes de "niveaux de sens" très divers s'y mêlent et s'y côtoient. Certains, en quelque sorte, illustrent la portée du texte qu'ils éclairent, d'autres en restituent le contexte vivant, formant, en quelque sorte la texture de la "lecture entre les lignes".
Le midrache, précisément parce qu'il porte la tradition de la lecture juive du texte biblique, restitue la conscience juive nécessairement préalable à la lecture. En effet, le discours de la Thora n'est pas une "voix dans le désert". C'est la Parole adressée aux Hébreux sortant d'Egypte, peuple issu des descendants des Patriarches. Il nous faut donc récupérer la "sensibilité" hébraïque morale et spirituelle pour éviter les faux-sens qu'une lecture subjective véhicule presque toujours, puisqu'elle projette dans le texte les a priori du lecteur. C'est ce qu'on appelle traditionnellement la lecture dite "megalé panim bathora chèlo kahalakha", mise en valeur dans la Thora de visages venus d'ailleurs et qui n'y sont que parce qu'on les y a mis.
C'est aussi le sens de l'injonction redondante de la Thora : "daber el bené yisrael", parle aux enfants d'Israël, c'est à ceux qui se définissent dans la filiation de cette identité que la Thora s'adresse et, à travers eux, mais seulement à travers eux, à l'universel humain.