Conversation 20312 - Interessant mais desinteresse

Frison
Lundi 15 novembre 2004 - 23:00

Bonjour,

Le Professeur Leibowitz z"l avait l'habitude de faire une distinction entre le service de D.ieu intéressé et le service de D.ieu désinteressé.

Le service intéressé consistant à accomplir les Mitzvoth dans l'objectif de recevoir une récompense (matérielle ou spirituelle) ou d'éviter une punition.
A ce titre, il répondait aux survivants de la Choa qui "ne croyaient plus en D.ieu" qu'en réalité ceux-ci n'avaient jamais réellement cru en D.ieu puisque leur croyance se limitait en une espérance que D.ieu était là pour les sauver où leur prodiguer des bienfaits sans qu'il se préoccupe des devoirs intrinsèques (les Mitzvoth) que chaque Juif a envers lui.

Leibowitz fonde en général son analyse de la distinction Lichma/Lo Lichma (interessé/desinteressé) sur Maïmonide.

Est-ce une interprétation partagée par l'ensemble des Guedolim du peuple Juif et notamment par les opposants au Rambam (Ramban, Rabbi Yéhouda Halévy) ?

Par ailleurs, toujours selon cette même analyse, Leibowitz tient en peu d'estime les personnes ajoutant systématiquement à la fin de leur phrase "Beezrat Hachem", pensant qu'il s'agit d'un symptome flagrant d'une foi intéressée.
Son approche est-elle justifiée ?

Merci de votre réponse,

Rav Elie Kahn z''l
Samedi 20 novembre 2004 - 23:00

La base de l'approche du Professeur Leibowitz, qui exige que le service de D'ieu se fasse de la manière la plus désinteréssée possible est en accord avec l'enseignement des Pirkey Avoth qu'il faut servir D'ieu comme un esclave qui n'attend aucune récompense.
Mais nous sommes des êtres limités, et ce niveau ne peut pas être atteint par tous et tout le temps.
C'est pourquoi il faut aussi laisser la possibilité de servir D'ieu à des niveaux de spiritualité un peu moins élevés, mais plus accessibles.
C'est en ce point qu'à mon sens l'approche de Leibowitz est citiquable, et par ailleurs peu charitable.
De plus elle ne reflète pas 'approche de Hazal. La prière que Hazal ont rédigé est une demande et transforme notre rencontre avec D'ieu en une rencontre pas tout à fait désintéréssée.

Frison
Lundi 22 novembre 2004 - 23:00

Suite à la 20312:
Merci beaucoup pour votre réponse.
J'aimerais cependant approfondir: comme vous le savez sans doute, Leibowitz ne rejette pas la possibilité de servir D.ieu de manière intéressé et dit explicitement qu'il s'agit d'une attitude autorisée par la Thora, même si le service désinteressé constitue notre idéal.
(C'est sur cette distinction qu'il fonde son commentaire entre les 2 premiers paragraphes du Chéma: le premier désinteressé et le deuxième posant des conditions, des récompenses, des punitions, etc...)

Mais ce que j'aimerais savoir, c'est si les Téfilot rédigées par Hazal incluant des demandes sont une concession faite pour satisfaire un besoin naturel de l'homme limité (cf. Maïmonide sur les Korbanot) et ainsi légitimer la "foi du charbonnier" ou si elles ont une valeur intrinsèque allant au-delà de la simple nécessité qu'a l'homme de compter sur une "béquille" spirituelle ?

C'est une question que je me pose chaque fois que je commence la Amida et ça devient un peu perturbant...;-)

Rav Elie Kahn z''l
Jeudi 9 décembre 2004 - 23:00

Les prières rédigées par nos sages et basées sur des demandes adressées à D'ieu et non uniquement sur des louanges ne viennent pas uniquement satisfaire des besoins qu'auraient les simples gens.
Elles ont aussi pour but, comme beaucoup de mitsvoth, d'éduquer l'homme. Or ce dernier a besoin qu'on lui rappelle qu'il est entièrement dépendant de D'ieu, et que tous ses efforts ne seront couronnés de suucès que si D'ieu le veut bien.
C'est une chose que l'homme moderne a tendance à étudier. Il lui semble être en parfaite possession de ses moyens, et se sent assez fort pout affronter le monde. La prière est un appel quotidien à l'humilité.
Mais aussi à bien d'autres choses que vous découvrirez en étudiant attentivement le texte de la Amida.