Conversation 24005 - Suis-je misanthrope?

miriko
Vendredi 27 mai 2005 - 23:00

Bonjour,

Voilà, j'ai une question concernant le sens de l'amitié.

Je suis quelqu'un qui, pour l'instant, n'a jamais éprouvé ce sentiment (et j'ai une bonne trentaine) je m'explique : j'apprécie les contacts avec les autres femmes,mais superficiels, dès que quelqu'un esaie d'approfondir ce rapport en m'invitant, disons, à déjeuner; cela m'embête. J'y vais, mais je m'ennuie, je suis mal à l'aise, je veux rentrer chez moi, être tranquille. Je n'ai pas plus envie de parler de moi que d'entendre l'autre parler d'elle.
Bien sur, si je rends l'invitation cela me m'est encore plus mal à l'aise puisque je fais, par obligation, quelque chose qui ne me plait pas. D'ailleurs, la plupart du temps, quitte à paraitre impolie, je ne le fais pas pour ne pas entrer dans un engrenage amical qui ne m'attire pas (cela m'est arrivé une fois et devoir faire comprendre à l'autre aprés des mois de relations que finalement on souhaiterait ne pas continuer blesse énormément).

Un exemple : quand une relation se lie, cela commence en général par des coups de fil, et bien, même si l'autre me plait beaucoup, que je lui reconnais des qualités, l'idée de devoir la rappeler puis, qu'elle ensuite ma rappellera, cela m'ote tout désir.

Pourtant j'aime bien les gens et apparemment on me dit d'un abord agréable. J'ai eu aussi des "moments" d'amitiés trés fort, avec beaucoup de rigolades, des confidences, mais il ne faut pas tenter de rentrer dans mon intimité, là je me referme. Je n'ai jamais le désir de voir quelqu'un (mis à part mon mari, ma mère). Petite j'étais déjà comme ça.
Je ne souffre pas du tout de ne pas avoir d'amie et le comble de l'ironie c'est justement ça qui me gène. Tout le monde en général veut des amies "ma copine par çi , mon amie par là" c'est un signe de valeur sociale apparemment, mais qui ne m'intéresse pas. Suis-je une misantrope née ? Et surtout, je ne sais pas ce qu'il faut faire "pratiquement" parce que tous les jours on est confronté un peu à ce type de situation. Faut-il si quelqu'un veut lier amitié avec moi et me demande : " Ca te dirait que l'on déjeune ensemble un de ces jours ? " lui répondre: " Oui!" (et ne pas donner suite). Ou y aller quand même alors que ça me barbe ? En un mot faut il se forcer à être "amical" ou ne doit-on pas "forcer" ?
Parce que en ce qui me concerne si quelqu'un venait chez moi sans en avoir envie, me téléphonait sans désir et ainsi de suite cela m'attristerait et je n'y verrais pas d'intérêt, mais peut-être faut-il le faire quand même.

Et si je voulais pousser encore plus loin la réflexion ; faut-il faire le bien sans en avoir envie. Je ne devrais pas dire "sans en avoir envie" mais "sans motivation" . Ce bien que je fais avec toujours avec cette impression terrible que c'est long, long et qui me fait penser : " vivement que ce soit fini". Quand il s'agit d'une chose matérielle on peut le faire bien sûr mais s'agissant des personnes...
Je suis dans le brouillard, je ne sais plus que penser...les relations avec les autres sont si importantes et je voudrais tenter de m'améliorer, cela m'amène à penser les pires choses de moi, à culpabiliser. Aider moi s'il vous plait.
Merci.

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 16 juillet 2005 - 23:00

Il existe divers types de tempéraments, certains extravertis, d'autres introvertis, et dans chaque cas il existe des formes, disons, paroxystiques.
Je ne pense pas du tout qu'il s'agisse de misanthropie. La misanthropie consiste à avaoir une mauvaise opinion du genre humain en général et les exemplaires qui nous côtoient confirment ou illustrent pour nous cette opinion. Ce n'est pas votre cas.

Bien sûr, on peut redresser un tempérament exagérément penché d'un côté, ce qui nous déséquilibre et nous fait parfois basculer. Mais je ne crois pas qu'il suffise de se donner des coups de cravache pour accepter un déjeuner ou pour le rendre. A mon sens, cela ne rendrait le déjeuner que plus douloureux et si les coups de cravache ont été donnés là où on pense, cela rend aussi la position assise inconfortable.

Donc il faut se demander pourquoi cette attitude si exacerbée ? Comme le site est plutôt tourné vers la halakha et l'élucidation de questions - pratiques ou théoriques - concernant le judaïsme, votre question est, vous le savez bien, un peu en porte-à-faux, mais Je vais essayer quand même (au risque de la psychologie à quatre sous) :

Vous avez l'impression d'avoir un problème avec les autres. Je n'en suis pas sûr. Je ne suis pas sûr que si quelqu'un a besoin de votre aide vous vous détourniez ; et même il me semble que vous seriez capable d'empressement dans un tel cas.

J'ai le sentiment que, livrée en quelques sortes au regard inquisiteur de l'«Autre», vous vous sentez vulnérable, peut-être agressée, et que vous avez hâte que cela cesse. Ressentant cela pour vous-même, vous évitez de le faire à l'égard de votre partenaire du moment (ce qui est loin de la misanthropie) , sauf que vous mettez cela sur un "manque d'intérêt" parce qu'ainsi vous êtes à l'abri de la vraie question.

Votre mère, votre mari, sont tous deux des figures "protectrices" et donc vous les retrouvez avec plaisir parce que vous êtes alors en sécurité.

Là s'arrêtent mes capacités divinatoires, c'est-à-dire d'imagination. Et quant à pouvoir aider à travers l'écran de l'ordinateur, c'est encore moins évident. Sauf que si j'ai raison, "penser les pires choses de vous-même, culpabiliser" ne sont que des stratégies pour mieux cacher à la conscience claire ce dont il s'agit vraiment : une certaine peur ou méfiance de l'«Autre», de l'«Etranger».

Ce genre d'exploration peut rarement se faire seul ou mal accompagnée. Cela demande bien sûr l'affection de vos proches mais aussi une compétence extérieure bien intentionnée. En vous confiant sur Cheela, à l'abri de l'anonymat, vous avez déjà fait un grand pas pour apprendre à mieux aimer et surtout à permettre que "on" vous aime aussi.

En note finale :
Demandez-vous aussi pourquoi, par moment, vous dépersonnalisez la relation en introduisant un pronom indéfini, c'est-à-dire quelqu'un d'autre que vous à votre place, là où vous auriez dû dire « je » ; par exemple : «...que finalement on souhaiterait ne pas continuer...» ce qui est une manière de vous désengager là où précisément vous avez touché de trop près à la fois un souci pour l'autre et une souffrance subie et infligée.

Votre texte montre une bonne maîtrise d'ensemble de la langue française, grammaire, syntaxe, orthographe (à part un lapsus intéressant où vous avez voulu dire deux choses à la fois : «cela me m'est encore plus mal à l'aise»).
Alors pourquoi l'impersonnel de l'infinitif dans votre dernière phrase ?

miriko
Mercredi 15 juin 2005 - 23:00

Shalom,
S'il vous plait peut-on répondre à ma question ?
Merci

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 16 juillet 2005 - 23:00

Oui bien sûr...
Je veux dire : oui, bien sûr, on peut répondre.
Et même "on" le fera.
Et "on" me dit : si tu ne le fais pas toi-même, ça ne se fera pas.
Bon, alors...
C'est bien la 24005, non ?

miriko
Mardi 5 juillet 2005 - 23:00

Shalom,

Sans doute n'aurai-je pas de réponse... ou bien est-ce une trés subtile façon de me répondre au contraire... je ne suis peut-être pas si misanthrope que ça en fin de compte puisque je continue à aller avec plaisir sur votre site !

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 16 juillet 2005 - 23:00

Quand les cheelanautes font les questions mais aussi les réponses, cela nous soulage drôlement, vu le "back log" (en chinois, on dit l'arriéré) ; rien que l'idée du nombre de questions en mal de réponse nous ferait hésiter à revenir sur le site. Mais vu que ce ne serait ni gentil ni raisonnable, on y revient quand même.