Conversation 37019 - Tout sur le fils renegat

rumy
Dimanche 24 juin 2007 - 23:00

Rabanimes

Qu'est-ce qu'un "ben sorer oumoré"?

merci.

Raoul Spiber
Samedi 11 août 2007 - 12:39

Le passage du "Ben Sorrer Oumoré", de l'enfant rebelle, condamné à mort est un texte difficile il a donné lieu à toutes sortes de commentaires, de réactions déplacées:
Si on s’en tient au texte du Tanah’ : Devarim (21,18) :
Il s'agit d'un enfant, qui multiplierait les actes de désobéissance envers ses parents, vole son père, pour se réunir et se gaver avec des copains de viande et de vin. Cet enfant serait traîné devant le tribunal, serait puni, puis serait condamné à mort, si l'enfant s'obstinait à se conduire de la même manière.

Ce texte du Sefer Devarim a de quoi étonner. Il a scandalisé, il est choquant. Il a fait dire à certains que le monde de l’époque biblique avait une vision de l’enfant, de l’éducation, barbare, entièrement fondée sur la violence.
Ce texte a aussi interrogé nos Sages qui savent que Celui qui a à la fois créé le monde et qui a donné la Torah aime et respecte ses créatures d’un amour infini, qu’Il est juste et qu’Il ne veut certainement pas la mort d’un enfant innocent.

Le Talmud, lit le texte biblique avec attention, il fait remarquer :
-Un enfant n’est jamais passible de la peine de mort, il faut, pour être condamnable de la peine de mort, être âgé d’au moins 20 ans révolus.
- Les larcins reprochés à cet enfant, n’ont jamais été comptés parmi les crimes méritant la peine de mort, on ne peut condamner quelqu’un que sur une faute dont la sanction a été explicitement écrite préalablement dans le texte de la Torah.

Le Talmud conclue : Il ne s’agit pas d’une condamnation. Le "Ben Sorrer Oumoré" n’a pas encore commis de crime qui lui vaille une peine capitale.
Sanhedrin (72.a)
« Rabbi Yossi disait : Est-ce vraiment pour avoir avalé quelques kilos de viande et quelques verres de vin, que quelqu’un est condamné à mort. Il rajoutait : « la Torah a compris le fond de la personnalité du "Ben Sorrer Oumoré", celui-ci va épuiser les ressources de son père et pour assouvir ses besoins, il se postera au coin d’une rue et dévalisera les passants. La Torah décrète qu’il meure innocent, qu’il ne soit pas responsable d’un meurtre ».
Il n’est pas condamné pour ce qu’il a fait mais pour ce qu’il va faire ! Exécuté par précaution. C’est une notion extrêmement dangereuse, elle pourrait justifier tous les crimes, toutes les outrances policières.
La Guemara rattache ce cas aux différentes situations de « Rodef » de celui qui poursuit quelqu’un pour le tuer où la Torah nous demande d’arrêter le poursuivant à tout prix, même au prix de la vie du poursuivant.
Les conditions exigées par le Talmud pour déterminer que l'enfant est bel et bien "Ben Sorrer Oumoré" sont telles que cela parait irréalisable. Toutes les conditions servant à établir avec certitude que l’enfant est "Ben Sorrer Oumoré", doivent être remplies dans un délai inférieur à 3 mois suivant ses 13 ans révolus.
Il faudrait en plus que les parents soient exemplaires, que leur entente soit parfaite et que, surtout, ils soient tous 2 d’accord de saisir le Beit Din au sujet de leur enfant et cela tout au long de la procédure qui peut conduire le Beit Din (Tribunal rabbinique) à prononcer une peine de mort. Certains Tannaïm pensent qu’il est presque impossible de réunir toutes ces conditions, pour d’autres il est essentiellement impossible de réunir toutes ces conditions, les parents devant en plus parler d’une même voix, au sens propre comme au sens figuré, ce qui est impossible.

C’est le point de vue de Rabbi Chimon Bar Yoh’aï, il disait :
« Est-ce vraiment pour avoir avalé quelques bouchées de viande et quelques verres de vin, que son père et sa mère vont décider de le lapider.
Cette chose n’ jamais été et ne sera jamais ! Mais alors pourquoi cette paracha est-elle écrite ? Pour que nous ayons le mérite de l’étudier et que nous en recevions la récompense! ».

Etrange tout de même ! Pourquoi créer un texte décrivant une situation impossible, simplement pour que ceux qui l’étudient aient du mérite ? Manquons nous de textes à étudier ?

Premièrement, Rabbi Chimon Bar Yoh’aï nous rappelle la valeur fondamentale de l’étude dont le mérite ne se limite pas à ces aspects pratiques, à sa valeur utilitaire, l’effort accompli pour s’approcher, pour faire sien la parole d’Hachem a valeur en soi, cet effort maintient le monde. Mais alors qu’enseigne cette paracha, que devons nous justement apprendre de ce texte ?

Il me semble que la description même théorique d’un processus qui puisse inéluctablement faire d’un jeune adolescent, un criminel avertit, donne à réfléchir à tous : parents, enfants, professeurs, éducateur, élèves.

Les problèmes de société auxquels notre époque est confrontée nous rappellent sans cesse comment l’accoutumance à certains plaisirs, un contexte familial fragilisé par la mésentente, les copains qui jouent les grands frères dont l’influence domine et dépasse largement celle des parents. Dans ce contexte, apparaît une délinquance de plus en plus précoce, de plus en plus violente, les anticipations de Stanley Kubrick dans « Orange Mécanique » sont largement dépassées par certains faits divers par le degré de violence gratuite commise par une jeunesse désorientée, désabusée et finalement cynique.
Cette Paracha lue par les Tannaïm ne donne pas de solutions techniques aux problèmes de sociétés mais elle rappelle le rôle fondamental de la famille d’où doit émerger respect de la Torah, de la justice, de la vie des autres.
L’étude rigoureuse de la Paracha du "Ben Sorrer Oumoré" doit nous conduire à méditer cet enseignement de nos Maîtres :
« Il vaut mieux mourir innocent que criminel ».
Cet enseignement ne s’adresse pas uniquement à la jeunesse délinquance, il rappelle à tout être humain sa finitude, sa condition d’être mortel, infiniment responsable.