Conversation 40330 - Abattage rituel féminin

miel2294
Samedi 19 janvier 2008 - 23:00

chalom !
j'aimerais savoir si une femme peut pratiquer l'abbatage rituel, de maniere profesionnelle ou pour une consommation familiale ?

merci et respectueusement.
ra'hel

Rav Elie Kahn z''l
Samedi 26 janvier 2008 - 11:38

Chalom

Je vous copie/colle une réponse à ce sujet qui paraîtra, sdv, dans mon prochain livre de responsa.

577. Femme chohet (1)

Une femme peut-elle être chohet ?

Selon la Michna (Houlin 1, 1), cela ne présente aucun problème.
Et à l'époque médiévale, c'est une opinion acceptée et par des rabbins séfarades (par exemple le Rambam, Hilkhot Chehita 4, 4) et ashkénazes (Maharam de Rottemburg, Responsa, 4, 193).
C'est d'ailleurs aussi l'opinion de Rabbi Yossef Karo dans le Choulh'ane Aroukh (Y. D. 1, 1). Rabbi Moché Isserliss écrit lui qu'il ne faut pas laisser les femmes faire la chehita car ce n'est pas l'usage. On craint qu'elles ne s'évanouissent à le vue du sang.
Il y a d'ailleurs à ce sujet un échange intéressant, qui peut avoir une influence sur beaucoup d'autres questions qui peuvent être soulevées aujourd'hui concernant ce que peuvent ou ne peuvent pas faire les femmes.
Rabbi Yossef Karo cite à ce sujet ce qu'écrit Rabbi Yaacov ben Yehouda Landa (Allemagne, 15ème, dans le livre "Agour") qu'il n'a jamais vu une femme chohet, ce qui prouve que la coutume l'interdit, et que cette dernière l'emporte sur la Halakha qui l'autorise.
Sur ce Rabbi Yossef Karo répond que si on ne l'a jamais vu, c'est que personne, aucune femme n'a jamais demandé de le faire. Si une femme l'avait demandé et avait essuyé un refus, on aurait pu commencer à parler de coutume. En attendant, le fait que cela ne se soit jamais produit ne prouve rien du tout.
De manière générale, l'argument "on a jamais vu et on a jamais entendu" est problématique. Ainsi, le Rav Shnéour Zalman Aschkenazi (Torat Hessed, 37) exempt les femmes de la lecture de "Zakhor". Il écrit: "Jamais nous n'avons vu ni entendu quelqu'un qui oblige les femmes à venir à la synagogue Chabat Zakhor… et le minhag d'Israël équivaut à la Tora". Et il conclut en écrivant que la rumeur dit qu'une haute autorité rabbinique a écrit le contraire, mais il affirme, lui, que cet avis est isolé.
Pas si isolé que cela, puisque le Rav Daniel Sperber (Darkah shel Halakha, page 105, note 150) ne compte pas moins de cinq auteurs différents qui partagent cet avis et estiment que les femmes doivent entendre la lecture de Chabat Zakhor.
C'est un argument dont il faut se souvenir quand certains veulent interdire des choses qui ne sont pas contraires à la Halakha pour la seule raison qu'elles ne se sont jamais vues. Le fait qu'une chose ne se soit jamais vue ne prouve strictement rien (contrairement à ce qu'écrit le Chakh, Rav Shabtaï Cohen, dans son commentaire sur le Choulh'ane Aroukh Y.D. 1, 1).

578. Femme Chohet (2)

J'ai lu un gros livre sur la cacheroute aux USA en 1989 écrit par un vieux chohet orthodoxe américain. C'était un livre très complet qui traitait des aspects halakhiques, historiques, culturels, organisationnels, économiques, etc. de la chehita.
Au sujet de la chehita par des femmes, il était dit qu'en Italie au 16ème siècle, il était courant que les femmes et enfants d'une famille aillent dans une maison à la campagne pour une longue durée, et que le mari reste à la ville pour le travail. Dans ce cas, les rabbins italiens donnaient l'autorisation à certaines de ces femmes de faire la chehita. Si je me souviens bien, il s'agissait du seul cas où des femmes ont fait la chehita. Mais en tout état de cause, cela a été permis.
J'ai lu ce livre il y a longtemps, et je ne saurais situer avec certitude cette information par rapport à la rédaction du Choulhane Aroukh.

Merci pour le renseignement.
J'en profite pour compléter la réponse précédente, où avait été soulevé l'argument "on n'a jamais vu".
Rabbi Haïm Yossef David Azoulay, le Hida, dit que Rabbi Hizkyahou de Silva, l'auteur du Pri Hadach, a témoigné avoir vu des femmes faire la chehita.
Pour pouvoir faire la chehita, il ne suffit pas d'avoir étudié et de s'être entraîné, il faut aussi avoir reçu une autorisation rabbinique officielle de le faire. Cette autorisation est délivrée après que le rabbin ait testé les connaissances du candidat, puis l'ait vu à l'œuvre.
Nous avons le texte de deux autorisation délivrées à des femmes, effectivement en Italie, à Mantoue, une, le premier Chevat 5316 (1556), la seconde le premier Nissan de la même année. Nous connaissons le nom du rabbin qui les a délivrées, mais malheureusement pas le nom de ces pionnières (Aschkenazi C., Dor Dor ouMinhagav, page 254).
Le Rav Professeur Daniel Sperber fait par ailleurs remarquer qu'il ne faut pas voir dans l'autorisation donnée aux femmes italiennes de faire la chehita un signe de leur émancipation, mais plutôt le résultat de circonstances locales bien définies (Minhaguey Israël 4, page 11).
Le Rav Yossef Kapah, une des rabbins yéménites les plus réputés en Israël raconte qu'il connaît une femme qui faisait la chehita au Yemen.

Femme chohet (3)

Le romancier juif italien Giorgio Bassani parle dans son livre "Le jardin des Finzi-Contini" (1962), actuellement publié dans la collection "Folio", d'une jeune fille qui savait "sciachtare": elle savait faire la chehita. Il s'agit de Micól Finzi-Contini, qui est l'héroïne féminine du roman, celle que le héros aime sans retour, et qui finit assassinée par les nazis (que leur nom soit effacé). Je n'arrive évidemment pas à remettre la main sur le livre (trop de livres chez moi), mais ce trait d'un personnage féminin confirme (de façon littéraire) ce que disait l'auteur de la question précédente. Giorgio Bassani était né à Bologne, de famille juive de Ferrare, et la plupart de ses romans et nouvelles se situent à Ferrare, pendant la période fasciste.

Le dossier s'épaissit. Merci de votre originale contribution.
Effectivement, le rabbin italien dont il est question dans la réponse précédente a été rabbin à Bologne, Mantoue, Venise, Ferrare et Rome.