Conversation 4155 - Faible Alya au temps d'Ezra

Anonyme
Samedi 1 février 2003 - 23:00

bonjour,
pourquoi les juifs de l'epoque de ezra ne sont-ils pas montés en israel même pendant l'epoque du 2eme temple disont quel etait leurs arguments.
cordialement

Rav Elie Kling
Lundi 21 avril 2003 - 23:00

Pour le midrach, il faut chercher la réponse à votre question dans le Cantique des Cantiques (chap 5, veret 3): "J'ai ôté ma tunique, comment pourrais-je me rhabiller? Je me suis lavé les pieds, comment pourrais-je me les salir?"
C'est par ces mots que la jeune femme explique pourquoi elle n'ouvrira pas la porte à son bien aimé, revenu pour elle.
Comme vous le savez, pour nos sages, la jeune femme du Cantique représente Israël et le bien aimé, c'est D.ieu Lui-même. Le retour du bien aimé symbolise donc la Rédemption d'Israël et notre texte parle alors de la réaction de la collectivité d'Israël lorsque D.ieu, frappant à la porte de l'histoire, annonce la fin de l'Exil. Nos sages se réfèrent pour comprendre le texte au retour (partiel) des exilés au temps de Cyrus, roi des perses et d’Ezra le scribe. Voici comment le verset est interprété par le midrach:
“j’ai oté ma tunique , comment me rhabiller?
C’est que lors de l’Exil de Babylone, Nabuchodonosor avait privé Israël de ses 2 vêtements: la tenue royale et l’habit sacerdotal.
Je me suis lavé les pieds, comment pourrais-je me les salir?
L’assmblée d’Israël dit a D.ieu: tous ces miracles que tu me fais par l’intermédiaire de Cyrus, ne pouvais-tu pas les faire par l’intermédiaire de Daniel ou d’un autre tsadik?” (Midrach rabba sur chir hachirim, 5)
Explication: lorsque Cyrus publie sa fameuse ‘déclaration Cyrus’ autorisant tous les juifs de l’Empire à regagner Jérusalem (voir le texte de la déclaration dans les derniers versets de la Bible: Chroniques II, chap 36, versets 22 et 23), le texte y voit la main divine (“D.ieu éveilla le coeur de Cyrus…”, v.22). Ce que le Cantique symbolise par le coup frappé à la porte de la jeune fille. La jeune fille tarde à répondre. Pour 2 raisons: elle ne sait plus revêtir les habits royaux et sacerdotaux et elle ne veut pas se “salir les pieds’ en répondant à l’appel puisque celui-ci ne provient pas des tsadikim de la génération.
Ne pas savoir revêtir la tenue royale, c’est ne plus savoir s’auto-diriger. Apres 70 ans seulement d’Exil, voilà que le peuple juif a peur de retrouver son indépendance. Sera-t-il à la hauteur? Pourra-t-il retrouver aisément les gestes du ‘roi’? Saura-t-il à nouveau s’auto-diriger? Qu’il est facile de s’habituer à la dépendance et à l’alliénation! Qu’il est dur de retrouver le courage de l’indépendance politique! L’Exil , avec toutes ses épreuves, n’est-il pas malgré tout une solution de facilité? L’habit sacerdotal est, lui aussi, difficile à porter. Le Cohen, par opposition au simple juif, sert D.ieu au nom de la collectivite d’Israel. C’est au nom du peuple tout entier qu’il officie au Temple. Or voilà que l’Exil voit disparaître le service sacerdotal. L’essentiel du service divin, en Diaspora, est individuel (où manger cacher? Comment donner une éducation juive à mes enfants? Comment ne pas déclancher la lumière en ouvrant la porte de mon immeuble chabbat et mille autres questions qui enrichissent cheela.org…). Or, le retour du peuple sur sa terre implique qu’il réaprenne à servir D.ieu en tant que collectivité. Comment bâtir une agriculture juive? une médecine juive? une armée juive? Comment respecter chabbat à l’échelle d’un état? En sommes-nous capables? Saurons-nous , en un mot, revêtir à nouveau le vêtement du cohen et réapprendre à servir D.ieu en tant que nation?
L’autre hésitation de la jeune fille est liée à la manière choisie par D.ieu pour annoncer la fin de l’Exil. N’y avait-il personne d’autre pour servir d’intermédiaire divin que ce Cyrus (Balfour?) qui ne portait ni barbe ni kippa! Israël cherche donc à dicter à D.ieu les voies de la rédemption et si celles-ci ne correspondent pas à l’idée qu’il s’en faisait, il préfère ‘ne pas se salir les pieds’, au risque que, lassé d’attendre derrière la porte qu’on veuille bien lui ouvrir, D.ieu choisisse de s’en retourner. C’est d’ailleurs ce qui arriva dans le texte du Cantique des Cantiques. Lorsque, finalement, la jeune fille décide de se lever ouvrir, c’est pour constater qu’il est déja trop tard: “je me suis levée pour ouvrir à mon bien-aimé… mais il avait disparu” (versets 5 et 6). Commentaire du midrach: “si tout Israël s’était levé comme un seul homme pour quitter l’Exil à l’époque d’Ezra, le deuxième temple n’aurait pas été détruit”. Il est des occasions à ne pas manquer…
Cordial Chalom