Conversation 51351 - Ces prières que nous sautons

toobs
Mercredi 17 mars 2010 - 23:00

Kevod HaRabanim,
Dans le rite Ashkenaze, certains jours, on ne recite pas Lamnatseyah... Ya'ancha (apres Ashrei). Ces jours ne concordent pas exactement avec les jours ou on ne lit pas les Tahanunim. Par exemple, les Ashkenaze lisent Lamnatseyah pendant Nissan. Comment ces jours ont ils ete choisis?
Respectueusement

Nathan Schwob
Dimanche 4 avril 2010 - 08:02

C'est comme pour beaucoup d'autres choses une question d'évolution des habitudes (Minhaguim) des communautés au fil de l'exil.
Le Rav Yaacov Ben Acher dans son œuvre "4 Tourim" (O.H. ch.131) écrit simplement: "Puis on dit Achré. Le Rav Amram (1) ainsi que Maïmonide écrivent qu'on dit ensuite Ouva Letsiyon, sans parler de Lamenatséah', mais on a maintenant l'habitude de dire Lamenatséah' après Achré parce que ce psaume parle de la délivrance".
Dans son Sidour, Aboudraham (2) précise qu'on ne dit pas Lamenatséah' les Chabbats et les jours de fêtes parce que ce psaume sert de supplication (qu'on ne dit pas en ces jours). De plus le début du psaume parle de jour de détresse: "Que D-ieu t'exauce au jour de détresse" (verset 2) or les Chabbats et les jours de fêtes ne sont pas des jours de détresse. Aboudraham précise aussi qu'on ne dit pas ce psaume les veilles et lendemain de fêtes, ainsi qu'à Chouchan Pourim, le neuf Av et lorsqu'il y a un H'atan (un marié), ou une circoncision, toujours pour cette même raison que le jour n'est pas un jour de détresse.

Pour finir, deux habitudes se sont plus ou moins cristallisées.

Pour la première, dés qu'on supprime le Tah'anoun (supplications), parce qu'il y a une fête, on supprime aussi Lamnatseyah'. Cette habitude semble suivre la logique développée par Aboudraham (suppression aux jours qui ne sont pas faits pour les supplications ou qui ne sont pas des jours de détresse).

La seconde habitude est rapportée par le Rema et le Michna Beroura (3). Il y a des jours où on ne dit pas Tah'anoun mais on dit Lamenatséah'. Cette habitude se résume dans le principe suivant: "Si on ne dit pas "El Erekh Apayim" on ne dit pas Lamenatseah' ". Dans cette courte prière "El Erekh Apayim" qui se dit les lundis et jeudis avant la sortie de la Thora, on demande à D-ieu de nous sauver de l'exil. C'est donc une prière pour la délivrance tout comme le psaume Lamenatséah'. On se rappelle que l'auteur du "Tour" s'est appuyé sur la fin du psaume (verset 10): "D-ieu sauves nous. Que le Roi nous exauce le jour où nous l'invoquons", pour justifier qu'on dise ce psaume.

On pourrait donc dire que pour cette seconde habitude il faut distinguer entre trois sortes de jours: ceux où tous les genres de supplications sont permis (pour les fautes, individuelles ou collectives), puis les jours où seules les supplications pour la délivrance collective de l'exil sont autorisées, puis ceux où aucune supplication n'est permise.

Cette explication rejoint l'explication suivante du Rav Yeh'iël Epstein auteur du Arouck Hachoulh'ane (4) (O.H 132, 2-3): On dit Achré (à la fin de la prière du matin) parce que nous avons préparé une nourriture spirituelle grâce au Chema et à la Amida. Nous demandons maintenant à D-ieu de nous prodiguer une nourriture matérielle et à chacun de quoi vivre (le verset Potéah' Et Yedécka). Ensuite nous disons le psaume Lamenatséah' qui, suivant l'enseignement du Talmud Berachot, parle de D-ieu qui sauve de tous les ennuis matériels et assure de quoi vivre. De plus, d'après le Midrach, ce psaume parle aussi des souffrances collectives du peuple d'Israël auquel D-ieu répond à chaque fois qu'on l'invoque comme l'enseigne le dernier verset. Il est donc naturel de continuer ensuite par la délivrance finale de l'exil avec la prière Ouva LeTsiyon Goèl.

(1) Gaon dans son Sidour.
(2) Rabbi David Ben Yossef Aboudraham (Séville Espagne, écrit en 1340) élève du Rav Yaacov Ben Acher auteur du 4 Tourim.
(3) Choulh'an Aroukh Orah' H'ayim 131-1 et Michna Beroura note 35.
(4) (1829-1908) Lithuanie.