Conversation 5153 - Coutumes de pourim

Anonyme
Mardi 11 mars 2003 - 23:00

shalom,
quelque question sur les "coutumes" de Pourim
- D'ou vient l'habitude de se deguiser a Pourim?
- Nous devons nous souler a Pourim, le vin est preferable est il permis de le faire avec d'autre alcool ?
- On a l'habitude de jouer a des jeux de hasard - argent a Pourim est ce vraiment permis ?
Merci

Rav Elie Kahn z''l
Vendredi 14 mars 2003 - 23:00

1: L'habitude de se deguiser a Pourim n'est pas mentionnee dans la Guemara, mais on peut dire qu'elle a d'une certaine maniere sa source dans la Meguila. En effet, les personnages y changent de role (Haman et Mordekhay, d'accuse en accusateur et vice versa, le role de premier ministre qui passe de l'un a l'autre), Esther qui cache ses origines et dont la racine du nom est "cache", la tristesse qui se change en joie, D'ieu qui se cache et n'est pas mentionne dans la Meguila etc…
Cependant, il est evident qu'il s'agit d'une coutume populaire qui a ete empruntee aux peuples environnant, et qui n'a pas ete fondee par des autorites rabbiniques. Pourim qui tombe a l'epoque du Carnaval a subi l'influence de ce dernier. La coutume de se deguiser n'est pas le seul fruit de cette influence. La coutume de nommer un rav de Pourim est semble-t-il le reflet de la coutume medievale chretienne de nommer un roi pour un jour (notons au passage que les autorites chretiennes investirent de grands efforts pour canaliser sinon supprimer ces festivites).
Rabbi Yehouda Mintz (1) temoigne que l'on autorisait les femmes a se deguiser en homme et vice versa, malgre l'interdiction de la Tora (2). Rabbi Moche Isserlis ecrit aussi que c'est la coutume, bien que certains l'interdisent (3).
Depuis des voix se sont elevees, de plus en plus nombreuses pour supprimer la coutume de se deguiser en femme ou en homme (si on est respectivement homme ou femme), et je ne crois que vous trouverez aujourd'hui de rabbanin pour l'autoriser.
Comment justifier ce changement? Le Rav Epstein dans son Aroukh Hachoulhane ecrit qu'aujourd'hui nous ne sommes pas au meme degre d'elevation spirituelle (4). Entendez par la que ce qui par le passe pouvait se faire dans un esprit de saintete, se fait aujourd'hui dans un autre esprit.
Que l'on accepte ou non l'explication du Rav Epstein, la Halakha aujourd'hui interdit de tels deguisement.
Les simples deguisements sont autorises, bien qu'a mon avis ils ne rajoutent rien a la joie de Pourim, et ne la canalisent pas dans la bonne direction (pour les adultes, s'entend).

2: Devons-nous nous saouler a Pourim? C'est ainsi que vous auriez du formuler la question. Car ceci n'est pas evident.
En effet, apres avoir cite l'enseignement de Rava qu'il faut se saouler jusqu'a ne plus faire la difference entre Haman et Mordekhay, le Talmud (5) raconte l'histoire de deux sages qui partagent le meme repas de Pourim, jusqu'a ce que l'un d'eux, totalement ivre, egorge son compagnon. Reprenant ses esprits le lendemain, il prie pour le ressusciter et y parvient. L'annee suivante, il reinvita son compagnon a partager le repas de Pourim, ce que ce dernier refusa, affirmant que les miracles etaient plutot rares.
Nous ne rentrerons pas dans les details de cette histoire, et de son sens profond, etant bien entendu qu'il ne faut pas la comprendre telle quelle (6).
Des auteurs medievaux ont ecrit que cette histoire avait pour but de contredire l'enseignement de Rava, en mettant en relief les dangers de l'alcoolisme (7). C'est aussi l'opinion de rabbenou Menah'em Hameiri (8). Maimonide ecrit qu'il faut boire jusqu'a se saouler et s'endormir (9).
D'autres auteurs aussi s'etonnent de ce que dit Rava.
En resume, il ne me semble pas recommande de se saouler a Pourim. Si un peu de boisson vous fait du bien, vous libere un peu et vous aide a mieux vous rejouir, il n'y a pas lieu de vous blamer. Dans ce cas, vous pouvez boire ce que vous voulez, et il n'y a pas de difference entre vin et autres alcools, etant bien entendu evident que nous ne parlons que de produits par ailleurs strictement cachers.

3: Veuillez consulter la reponse 1827.
La coutume de jouer a des jeux de hasard a Pourim vient rappeler l'histoire de la Meguila, ou le sort tient une place preponderante. Il me semble que des personnes jouant entre amis pour des sommes minimes (quelques dizaines de centimes, pas plus), ne rentreront pas dans la categorie des joueurs de des et autres parieurs dont parle le Talmud.

1: Allemagne-Italie, 15eme siecle. 3: C. H. O. H., 686, 8. 4: O. H. 686, 12. 5: T. B. Meguila 7, b. 6: Les internautes interesses et hebraisants se rapporteront, par exemple, a l'explication du Maharcha, H'idoushey Aggadoth. 7: Commentaire du Ran sur le Rif, au nom de Rabbenou Ephrayim. 8: Beth haBeh'ira. 9: Meguila, 2, 15.

Anonyme
Samedi 15 mars 2003 - 23:00

Je viens de lire la reponse du rav kahn concernant le deguisement a pourim. Pour lui , l'origine de ce minhag , c'est le carnaval des non juifs et le deguisement n'apporte rien de bon a la joie de pourim et, en tout cas, ne la canalise pas dans la bonne direction. or, je viens d'entendre un cours de mon rav qui tendait a demontrer que l'habitude de se deguiser reflete bien des aspects importants voire fondamentaux de la fete. Qui croire?

Rav Elie Kling
Dimanche 16 mars 2003 - 23:00

Le rav Kahn a raison. Votre rav a raison . Et si vous me dites qu'ils ne peuvent pas tous deux avoir entierement raison, vous avez raison aussi! Formellement, il semble bien en effet qu'il n'y a pas de sources authentiquement juives a la coutuime du deguisement. Ceci dit, par bien des points, la signification de Pourim est liee au jeu des masques et des devoilements. Venant d'ecrire a ce sujet une chronique pour Arouts 7 , je me permets de vous en recopier ci dessous des extraits:
"Les déguisements, ce n’est pas une coutume empruntée au carnaval des non-Juifs. Le récit de la méguila lui-même n’est-il pas composé de rôles masqués et de déguisements ? Mordechaï déguisé en Amman, Esther en non-Juive, et Dieu lui-même n’évolue-t-il pas masqué dans les couloirs du palais du roi de Perse ? En fait, Pourim est la fête où les masques tombent et où les visages se découvrent.
Il y a au moins deux masques que l’on se doit d’ôter le 14 Adar. D’abord, celui de Dieu, déguisé en reine Esther et que Mordechaï découvre le premier. Il est si bien caché qu’Esther elle-même ne sait pas que Dieu se cache derrière elle et Modechaï a toutes les peines du monde à le lui faire comprendre. Depuis, chaque année, à nous de découvrir derrière qui se cache de nos jours la présence divine.
Mais l’autre masque à ôter, c’est celui que nous portons nous-mêmes tous les jours, et même plusieurs fois par jour. Tenez, moi, par exemple, le matin, je mets le masque du papa attentionné qui accompagne sa petite fille au gan. Dès mon retour, je range le masque à sa place et je le remplace par celui du prof que je garde pratiquement toute la journée, sauf bien sûr, lorsque j’ai rendez-vous avec mon boss ou lorsque je croise mes collègues auquel cas, je ne manque pas de mettre le masque correspondant. J’ai aussi chez moi, le masque des rencontres avec ma belle-mère, celui de mes discussions infinies avec mon garagiste, etc…Bref, je change si souvent de déguisement qu’il est légitime de me demander: mais quand suis-je donc vraiment moi-même ?
«L’homme», disent nos Sages, «se reconnaît dans trois circonstances : lorsqu’il a bu, lorsqu’il s’agit d’argent, et lorsqu’il est énervé.» Remarquez donc, chers lecteurs, que tout est fait à Pourim pour que nous soyons poussés dans ces trois situations : on boit, on paie des cadeaux à nos proches, des impôts au trésor public, le fameux demi-cycle, et on s’énerve contre tous les Amman de l’histoire qui rêvent chaque année de nous anéantir. (D’ailleurs, cette année, il y a plusieurs prétendants au titre !) Nous sommes donc sensés une fois par an oter les masques imposés par la bienséance hypocrite et les convenances bien établies derrière lesquelles nous nous cachons toute l’année, à l’abris du regard de l’autre.
Je me souviendrai toujours de cet élève que nous prenions pour un cancre, doublé d’un fainéant, aux capacités intellectuelles limitées, et qui occupait la moitié de nos réunions de profs. Pourim arriva, et le phénomène accomplit la mitsva de boire jusqu’à confondre Mordechaï et Amman. C’est alors qu’il se mit à parler pendant plus d’une heure et demie sans s’arrêter. Son discours fut un subtil mélange de cours que nous lui avions donnés depuis le début de l’année. Non seulement l’énergumène avait tout enregistré, mais il avait bien compris et intégré notre enseignement et même bien plus que beaucoup de ses petits camarades aux lunettes de premiers de la classe. Mêlant dans son déballage les idées apprises en cours et les flèches empoisonnées qu’il ne se gênait pas de nous envoyer, il nous disait en substance : «Et vous vous dites éducateurs, mes pauvres amis ! Depuis le début, vous n’êtes même pas capables de voir à qui vous avez affaire ! Ma conduite en classe était un appel pour attirer votre attention sur mes problèmes, mais enfermés dans vos schémas tous faits, vous n’avez strictement rien compris.»
Eh oui, Pourim, c’est la fête de l’authenticité. Le masque en plastique, c’est de l’auto dérision. C’est ainsi que nous déambulons toute l’année. Mais aujourd’hui, en, mettant ces faux masques, on cherche en fait à révéler notre vrai visage."
J'ajoute que pour le Rav Kook, un troisieme masque doit tomber a Pourim , c'est celui de la division interne portee par Israel. En effet, au debut de l'histoire, Israel avait ete presente comme un peuple 'disperse et divise parmis les nations'. Or Mordechay reussit malgre tout a les reunir tous ('va, reunis tous les juifs'), permettant ainsi a Israel de se presenter sous son vrai visage, celui de l'unite et de la solidarite. (Maamarei hareiya, maamar ad delo yada).
Esperons que ce masque la aussi tombera cette annee
Cordial chalom

Anonyme
Mardi 18 mars 2003 - 23:00

Messieurs les Rabanim, chalom.

permettez moi de partager avec nos amis les internautes quelques paroles de thora reçus de mes Rabanims.

Concernant la question 5153 et la proposition de rava (que dis-je, un hiyouv !!!) de saouler à pourim, quelques remarques.

ce qui est rapporté est : "Hayav énich lévassoumé bé-pourya ",
peut avoir plusieurs interprétations.
1°) Pchat = on doit se saouler à pourim (alcool et autres)
2°) on doit se saouler avec pourim. pourim en lui même doit nous procurer la simh'a
3°) quand rava dit "lévasoumé", il faut le prendre au sens éthymologique, cad, "léhitbasém" = se parfumer !
Or, un parfun ferait l'effet inverse si l'on se verse sur soi toute la bouteille. il doit être "consommé" à des doses infimes pour atteindre l'objectif, cad, dégager une bonne odeur ! il en est de même pour ce qu'a dit rava au sujet du vin. En boire à des doses convenables, pour resortir ce qu'il y'a de positif en soi.

quand à l'anecdote entre rava et rabi zéra. il ne s'agit bien entendu (que)d'une parabole talmudique qui nous apprend au contraire de ce qu'il faut faire à pourim : redoubler encore et encore d'effort dans l'étude de la thora (et si 'alcool peut aider pourquoi pas !).
cela veut dire qu'à pourim les béné tisrael on reçu la thora une 2eme fois, mais cette fois ci sans contraintes (kiyémou ma chékibélou béHar Sinaï).
A ce titre, ce que la Guémara rapporte au sujet de l'histoire entre rava et rabi zéra est très significative. Nos 2 sages étaitent tellement plongés dans l'étude de la thora en ce jour de pourim que l'un des deux ayant atteint le niveau de maâmad har sinaï, à tel point que "parh'a nichmato", son âme s'est envolée (pas sympa pour rava ! mais comme il a rescussité son compagnon, cela démontre de son haut niveau d'érudition !). il a donc fallu l'intervention de rava pour le ramener à la vie.
Autre leçcon de cette parabole : quand on s'élève très haut dans les "sphères célestes", il faut s'assurer qu'il y'ai quelqu'un à coté de soi pour nous ramener les "pieds sur terre" !

amicalement,

P. Elmkies

Chalom et Pourim Saméyah (c'est à yérouchalaim, aujourdh'ui ! )

Rav Elie Kahn z''l
Mercredi 19 mars 2003 - 23:00

Merci