Conversation 55469 - Machia'h, c'est pour quand?

sousben
Dimanche 30 janvier 2011 - 23:00

Chalom harabbanim,
Est-il interdit de calculer la date de venue de Machiah?
Quelle est la sanction? Qu'il ne vienne pas a cette date?

Emmanuel Bloch
Lundi 7 mars 2011 - 22:33

Chalom,

La Guemara parle en termes particulierement negatifs de ceux qui "calculent la fin" et essaient de savoir a l'avance quand surviendra les temps messianiques (Sanhedrin 97b). De plus, le Rambam, dans Hilkhot Melakhim 12:5, codifie halakhiquement l'interdiction de calculer la date de la fin de l'Histoire. Aucune sanction n'est precisee, mais l'interdiction existe bel et bien.

Maintenant, cela n'a pas empeche de tres nombreuses autorites, et parmi les plus respectees, de tenter de determiner quand viendra le Messie. Par exemple, Nachmanide (1194 - 1270) avait prevu, sur la base d'une etude du livre de Daniel, que Machia'h devait venir en l'an 1403 (Kitve HaRamban, edition Chavel, vol 1 page 294).

De maniere quelque peu ironique, meme le Rambam annonca a l'avance la future date a laquelle les juifs accederaient a nouveau a la prophetie, ce qui est un evenement devant a priori preceder de peu les temps messianiques.

Differentes justifications sont parfois avancees pour expliquer pourquoi il serait permis de calculer la date de la venue du Messie. Par exemple, l'interdiction de "calculer la fin" n'aurait ete edictee que pour les temps anciens, alors que le Messie serait encore loin et que reveler sa future venue au bout de plusieurs siecles pourrait deprimer le peuple; par contre, de nos jours (chaque autorite etant persuadee que son epoque a elle etait particulierement propice), lorsque la venue du Messie se fait proche, l'interdiction du calcul n'aurait plus lieu.

Je voudrais encore signaler la position du r. Avraham Yechaiah Karelitz (le 'Hazon Ich, 1878 - 1953), qui est a ma connaissance un des rares a avoir insiste sur l'importance de l'interdiction de "calculer la fin".

Force est de constater que toutes les dates annoncees ont ete depassees. Si cela ne signifie en rien qu'il faille renoncer a la venue de l'ere messianique, ce fait doit nous encourager a la modestie quant a notre capacite a anticiper precisement sa venue.

sousben
Lundi 7 mars 2011 - 23:00

Re: 55469
Je pensais effectivement au livre de Daniel en posant la question.

S'il est si malvenu de se poser la question, pourquoi a-t'on des versets qui apportent des indications temporelles:
"Et depuis le moment où sera supprimé l'holocauste perpétuel et établie l'abomination horrible, il se passera mille deux cent quatre-vingt-dix jours."
"Heureux celui qui attendra avec confiance et verra la fin de mille trois cent trente-cinq jours!"

Alors qu'il est pourtant ecrit:
"Quant à toi, Daniel, tiens cachées ces révélations et scelle le livre jusqu'au temps final, où beaucoup se mettront en quête et où augmentera la connaissance."

Emmanuel Bloch
Mercredi 9 mars 2011 - 01:18

Chalom,

A mon sens, une vision equilibree du messianisme s'etablit lorsque l'on met en rapport deux elements essentiels.

Le premier element est la croyance que viendra l'ere messianique. C'est dans ce sens que, par exemple, le Rambam fixe la foi en la venue du Messie comme l'un des 13 articles de foi. C'est aussi la raison des allusions diverses que l'on peut trouver dans les livres du Tanakh (y compris dans le livre de Daniel).

Le deuxieme element est notre ignorance du moment exact de sa future survenance. On peut d'ailleurs effectivement s'interroger sur les raisons de cette ignorance. La Torah veut-elle nous encourager a nous concentrer sur la vie "normale", sur notre vie habituelle et le combat quotidien pour faire le choix du bien. nous changer et transformer le monde autour de nous pour en faire une residence de la presence divine, au lieu de nous perdre en conjectures sur des sujets finalement peu relevants pour nous? S'agit-il d'une anticipation et d'une reticence face au pouvoir destructeur des espoirs messianiques decus (pensez aux vagues de choc que provoqua la conversion de Chabtay Tsvi a l'islam) ?

Toutes ces raisons sont surement vraies a un certain niveau. Mais je pense aussi que l'ere messianique, qui represente l'aboutissement et l'accomplissement de l'Histoire, est insaisissable pendant que cette Histoire se deroule encore. Sans la vision d'ensemble, le denouement est incomprehensible. En cette periode precedant Pourim, pensez a la prophetie selon laquelle l'exil de Babylonie durerait 70 ans, sans que personne n'arrive pourtant a anticiper le retour en Terre d'Israel!

En ce qui nous concerne, l'ere messianique est surtout une direction, pas un point sur la carte. L'Histoire se deroule inexorablement dans un certain sens. C'est ce sens, cette direction qui sont importants a notre niveau. Peu importe le point d'arrivee.