Conversation 59244 - Pourquoi la matrilinéarité ?

NechamaYehudi
Jeudi 15 septembre 2011 - 23:00

Bonjour Rav, j'ai une question toute simple : Pourquoi est ce que la religion juive se transmet uniquement par la mère et non par la père? Etant issu d'un mariage mixte ( père juif et mère non juive ), je ne comprend pas pourquoi nous sommes exclus.
Merci pour votre réponse et votre merveilleux site. Chalom

Jacques Kohn z''l
Dimanche 18 septembre 2011 - 02:23

Le principe de matrilinéarité qui caractérise la transmission de l’état de Juif résulte de plusieurs sources :

La Tora, lorsqu’elle définit dans Deutéronome 7, 1 à 5 ce qu’est un mariage exogamique, indique les raisons de son interdiction : « Car [le conjoint mâle non juif] détournera ton fils de derrière moi, et ils serviront d’autres dieux. »

Elle ne manifeste, en revanche, aucune réprobation envers l’enfant du conjoint féminin non juif, d’où l’on peut considérer qu’un tel enfant n’est pas juif. De là a été déduit le principe selon lequel, dans un tel mariage, l’enfant né d’une femme juive est juif, et non celui né d’un homme juif.

Ce principe a été réaffirmé dans le Talmud (Qiddouchin 68b : « Ton fils né d’une femme juive est appelé “ton fils”, tandis que ton fils né d’une idolâtre n’est pas appelé “ton fils”. »), ainsi que chez les grands décisionnaires.

J’ajoute que, dans nos sociétés modernes, l’état de l’enfant né d’un couple mixte dont la mère n’est pas juive est plus enviable que celui dont la mère est juive. Le premier a la possibilité d’engager une procédure de conversion au judaïsme qui, si elle aboutit, en fera un Juif à part entière. Le second n’a pas cette faculté, puisqu’il est juif de naissance, et donc sans accompagnement pour s’affirmer comme tel. C’est pourquoi l’exclusion du premier est souvent moins douloureuse que celle du second.

babaz
Samedi 17 septembre 2011 - 23:00

59244

Pourquoi tenez-vous pour des "explications" la simple mention de versets ?

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 18 septembre 2011 - 11:18

Parce que les versets sont l'expression de la Parole du Dieu vivant.
Quand Dieu parle, ce qu'il dit est "explication" suffisante.

Elie-Machiah-Now
Dimanche 18 septembre 2011 - 23:00

reponse a la question 59254

Selon Joseph Mélèze (Professeur émérite de l’Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne Directeur d'études à l'EPHE (IVe section) Directeur de la Revue historique du droit français et étranger (RHD))le principe de la filiation matrilinéaire est une innovation introduite dans le droit juif par les Sages de la Michna, en rupture avec la loi biblique observée par les juifs à l'époque du Second Temple.
La matrilinéarité donc est en contradiction avec la loi biblique, résolument patrilinéaire...

Vous dites
« Ton fils né d’une femme juive est appelé “ton fils”, tandis que ton fils né d’une idolâtre n’est pas appelé “ton fils”. »

mais
« La famille du père est considérée comme étant celle de l'enfant, la famille de la mère ne l'est pas »

Plusieurs couples mixtes sont présents dans le récit biblique. Joseph épouse Asénath, fille du prêtre égyptien Poti-Phéra, que Pharaon lui donne pour femme (Gen. 41, 45) ; Moïse prend pour femme Séphora, fille du prêtre madianite Jethro (Ex. 2, 21) ; plus tard, on lui attribuera une femme « koushite » (Nmb. 12, 1), ce qui pourrait signifier qu'il a épousé aussi une « Éthiopienne », à moins que le terme ne renvoie à la Madianite Séphora. La légende se chargera plus tard de judaïser rétrospectivement ces étrangères, soit en les convertissant au judaïsme soit en leur attribuant une origine israélite. En fait, à cette époque lointaine, la femme étrangère était, par son mariage avec un juif, intégrée à la société juive ; le problème de sa judéité et de celle de ses enfants était ainsi résolu à l'avance.

Le site en question
http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/pere_ou_mere__aux_origines_de_la_matril…

Oppositions à la conception rabbinique

Le principe de transmission exclusivement matrilinéaire fut pourtant débattu dans le Talmud lui-même, bien que les discussions fussent vite résolues à l'avantage de la matrilinéarité[10], ainsi que, de façon beaucoup plus significative, par des courants mosaïques ignorant ou rejetant le Talmud.

En effet, une lecture littérale de la Bible hébraïque fait ressortir que :

* la plupart des personnes nommées dans la Bible hébraïque sont présentées par leur seule ascendance paternelle (Josué fils de Noun, Rachel fille de Lavan, etc. Toutefois, on trouve aussi Bethouel fils de Milca, Dinah fille de Léa).
* les lois sur l'héritage et le partage des terres se font en fonction du père (ce qui explique l'épisode des filles de Tzelofehad).
* la charge sacerdotale et lévitique ne sont transmises que par le père.

De fait,

* les Samaritains et les Lemba (non reconnus comme Juifs) pratiquent la patrilinéarité.
* certains Karaïtes la pratiquent également[11].

En Israël, les Karaïtes tranchent en faveur du double parentage (patrilinéaire et matrilinéaire)[12], en se basant sur Ezra 10-10:11 et Prov. 1:8.
L'exégèse qu'ils font d'Ezra 10-10:11 présuppose la transmission paternelle de l'appartenance nationale, et il serait donc évident que les enfants de Judéennes ayant épousé des étrangers n'appartiennent pas au peuple ; Ezra, en chassant les femmes étrangères et leurs enfants, indiquerait qu'eux non plus ne sont pas du peuple.

* les Juifs des montagnes et les Juifs de Kaïfeng la pratiquèrent également. Toutefois, il s'agissait, pour les Juifs de Chine, d'une influence par les Chinois musulmans (Hui), et ils ne sont plus considérés comme juifs, à moins de passer par un processus de conversion.

La plus grande entorse au principe de la matrilinéarité vient toutefois des mouvements juifs progressistes, particulièrement dans les pays anglo-saxons, non par déni du Talmud, mais par volonté d'adaptation à l'époque moderne. En effet, bien que recommandant la conversion de la mère non-juive au judaïsme, les instances juives réformées admettent comme Juifs les enfants éduqués comme tels[13]. Le principe de transmission matrilinéaire ou patrilinéaire a été officiellement adopté aux États-Unis en 1983, et est suivi par : le judaïsme libéral (Liberal Judaism) en Angleterre ; le judaïsme reconstructionniste aux États-Unis, au Canada et là où il s'est implanté ; le judaïsme progressiste en Australie ; une congrégation en Autriche, et certaines congrégations d'Europe de l'Est[13]. En revanche, le judaïsme réformé du Canada et d'Angleterre n'y souscrivent pas, ni le judaïsme conservateur aux États-Unis.

Selon la déclaration de la (en)CCAR[14], est reconnu comme Juif toute personne dont au moins l'un des parents est Juif, pour autant

* qu'elle ait été élevée avec une identité juive (selon les standards réformés)
* qu'elle s'engage dans une action appropriée de reconnaissance publique du judaïsme. Selon les congrégations, il peut s'agir d'une simple déclaration publique d'appartenance au judaïsme, ou d'actes plus formels, particulièrement si la personne a été élevée comme chrétienne.

Jacques Kohn z''l
Mardi 20 septembre 2011 - 12:51

Je vous remercie de vos remarques auxquelles, bien évidemment, je ne puis adhérer.

Ma position est celle que me dictent mes convictions, celles de mon adhésion aux règles du judaïsme dit « rabbinique », inspiré par la Tora et par ce que nous appelons la « loi orale », représentée par le Talmud et les textes normatifs subséquents (Choul‘han ‘aroukh, etc.).

Les études auxquelles vous vous référez leur sont étrangères, et les positions qu’elles adoptent reflètent une position purement scientifique, incompatible avec la foi, comme le sont les doctrines karaïtes et les formes « réformées » du judaïsme.

Les cas que vous citez des épouses de Joseph et de Moïse ne sont pas convaincants, car antérieurs au don de la Tora au mont Sinaï, et donc non régis par une loi qui leur a été postérieure.

Et s’il est vrai que la plupart des personnes nommées dans la Bible sont présentées par leur seule ascendance paternelle, c’est pour une raison étrangère à la définition de leur identité juive : Un Juif se définissait, en ce temps-là, non seulement par son identité juive, mais aussi par son appartenance à une des tribus d’Israël, et cette appartenance lui était transmise par son père, et non par sa mère.

Il en est encore aujourd’hui de la qualité de kohen ou de lévi, qui n’est conférée que par le père.
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Je vous recommnde la vidéo sur ce sujet du Rabbin et Docteur en droit Yona Ghertman : http://www.akadem.org/sommaire/themes/liturgie/1/3/module_9861.php