Conversation 5968 - A propos du jubile

L'annee du yovel, est la cinquantieme d'un cycle instaure par la torah dans le livre de vayikra (chap.25, premiers versets). Ce long cycle est lui meme compose de 7 cycles plus courts de sept annees chacun. La septieme et derniere annee du cycle court s'apelle 'chemita'. Un cycle long comprend donc 7 'chemitot' (les annees 7, 14, 21, 28, 35, 42 et 49). Chaque nouvelle annee, a roch hachanna, le Sanhedrin comptait les annees . Apres avoir fait la 'berakha' d'usage ('al sefirat hayovel'), il annoncait, par exemple : 'cette annee est la 37 eme annee du yovel, ce qui fait 5 chemitot plus 2 ans', comme nous faisons pour le compte du omer (1).
Pratiquement, la 50eme annee etait annoncee par une sonnerie du chofar dans tout le pays, au debut de l’annee, le jour de kippour. Il existe 4 lois essentielles a respecter pendant le yovel: 1) interdiction pour l’agriculteur de travailler sa terre. 2) abolition du droit de propriete de l’agriculteur sur sa recolte. Les recoltes deviennent alors “hefker”, c’est a dire que n’importe qui peut se servir et consommer. 3) les terres retournent a leur proprietaire initial. En effet, apres la conquete du pays au temps de Josue, les terres avaient ete distribuees et chaque famille avait recu son lopin. Avec le temps, ces terrains avaient pu changer de proprietaires pour toutes sortes de motifs. La 50eme annee, on redistribuait les terres suivant le partage originel . 4) tous les ‘avadim’ (2) sont liberes, meme ceux qui n’avaient pas fini de rembourser leur dette par leur travail ou ceux qui avaient choisi de rester ‘avadim’ pour toujours (et a qui on avait perce l’oreille). Il faut remarquer que les 2 premieres lois etaient aussi appliquees pendant les annees de ‘chemita’. En d’autres termes, l’annee du yovel est aussi une annee de’chemita’. Ce qui signifie qu’il y avait en fait 2 annees consecutives de ‘chemita’, la 49eme et la 50eme annee. Depuis la destruction du Temple et la dissolution du Sanhedrin, l’annee du yovel n’est plus respectee.
Au niveau de l’ideologie qui sous-tend les lois du yovel, on ne peut pas ne pas observer le paradoxe suivant: les lois 1 et 2 semblent poursuivre un but contraire a celui de la loi 3. En effet, si le but est de faire prendre conscience qu’il n’existe pas de propriete absolue sur la terre et que le produit de ‘notre’ terre ne peut nous appartenir que pour autant que D.ieu, veritable proprietaire du monde, nous y autorise, les lois 1 et 2 deviennent evidentes. Mais quel est le but recherche par la loi 3? A priori, il semblerait que la torah cherche a souligner le lien irreversible qui lie le Juif a la terre d’Israel. En effet, meme si tu ne comptes pas devenir agriculteur et que tu ne desires pas avoir de contact reel avec le lopin de terre qui t’a ete attribue, tu ne peux le vendre que pour une duree limitee. L’annee du yovel, la terre te revient comme un boomerang et tu te retrouves proprietaire terrien. Soit, mais alors, n’aurait-il pas ete souhaitable de te forcer cette annee la a travailler ta terre afin de te sentir plus proche d'elle? Comment et pourquoi les lois 1 et 2 qui abolissent pour un an tes droits de propriete sont-elles compatibles avec la loi 3 qui, au contraire, semble vouloir t’imposer une propriete a laquelle tu souhaitais renoncer? C’est qu’en fait la veritable propriete implique le pouvoir de se debarasser de l’objet duquel on est proprietaire. Un locataire ou un emprunteur peut utiliser quelque chose qui ne lui appartient pas. Mais, seul le veritable proprietaire peut vendre, jeter ou casser son objet. Le fait donc que la 3eme loi du yovel oblige le proprietaire a retrouver son lopin d’origine marque bien, paradoxalement, qu’il n’en est pas le proprietaire absolu. S’il l’avait ete, il aurait pu s’en debarasser. Comme le dit le verset : ‘tu ne pourras pas vendre definitivement la terre puisqu’elle M’appartient’. Les trois lois agricoles du yovel poursuivent donc bien le meme but: affirmer la propriete exclusive de D.ieu sur la terre d’Israel en limitant celle de l’homme qui n’en est que le depositaire. Le Yovel, comme la ‘chemita’, a egalement un caractere social evident: le pauvre a acces aux champs et aux recoltes d’autrui. L’annee du Yovel, se greffe a cela une volonte de redistribution des richesses agricoles dans un souci de remettre les compteurs a zero, de redonner a tous une egalite des chances , apres 50 annees de libre developpement economique individuel.
(1) Maimonide, loi sur la chemita, chap. 10, loi 1 et le commentaire du Raavad
(2) Je prefere utiliser le terme hebaique a “l’esclave” des traductions francaises. En effet, le ‘eved’ de la Torah n’a rien de l’esclave et de sa connotation pejorative, ni dans circonstances par lequelles on le devient , ni par la maniere de l’etre et de le vivre. Rappelons seulement qu’un coup physique porte par le maitre au ‘eved’ entrainait sa liberation automtique et immediate. Sur ce point aussi, Herbert Pagani a raison de dire ce qu’il dit dans la plaidoyer que vous citez et que les cheelanautes peuvent (re)decouvrir sur le site d’Arouts 7 en francais: www.a7fr.org
Je n'ai pas entendu parler de la guematria que vous indiquez.
Cordial chalom