Conversation 62802 - Etudier ou aller a l'armee?

david13
Mercredi 18 avril 2012 - 23:00

Bonjour, je voudrais savoir l opinion Dati leumi sur le fait qu un jeune homme qui est a la yechiva et qui est correct sans un être forcément un génie, doit il faire l Armee et interrompre son limoud ou seul un futur génie y sera dispensé? comme une histoire que g entendu sur un site de cours de Thora sionniste a propos de mercaz harav où le roch yechiva avait di a un jeune doué " le am Israel a besoin de ton étude reste et ne va pas a l Armee " évidemment même les haredim sont d accord pour dire qu' un jeune qui ne fait rien a la yechiva doit aller a l Armee! merci de votre réponse

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Rav S.D. Botshko
Mardi 24 avril 2012 - 13:59

C'est une mitsva de faire son service militaire et quelqu'un qui étudie la Thora n'est pas dispensé d'accomplir les mitsvot.

yhbtysey
Mardi 24 avril 2012 - 23:00

A propos de la 62802, au rav Botshko

Pour une question similaire, vous aviez cité la longue et clairvoyante réponse de rav Moshé Botshko zatsal sur le sujet, je l'ai meme imprimée (il avait conceptualisé le systeme de yeshivat hesder avant l'heure). Peut etre qu'un renvoi a votre precedente réponse qui retranscrivait ses paroles apporterait plus de details. Je n'ai pas reussi a trouver le numero de question par le moteur.

Merci pour tout Rav. Vous eclairez de nombreuses personnes par vos reponses emplies de sagesse.

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Rav S.D. Botshko
Mercredi 25 avril 2012 - 07:09

Je reproduis cette réponse

CHAPITRE 14
ÉTUDE DE LA THORA ET SERVICE MILITAIRE
Dès la création de l’État d’Israël, un problème nouveau heurte les consciences religieuses: fallait-il interrompre l’étude de la Thora pour servir dans l’armée ?
Un élève de mon père qui étudiait dans une yéchiva en Israël s’est adressé à lui pour demander son opinion. C’était en 1967, juste après la guerre des Six jours. À cette époque, les yéchivot hesder permettant de mener de front des études talmudiques avec le service militaire n’existaient pas. Je livre ici la traduction intégrale de la réponse qu’il a faite à l’époque et qui garde toute son actualité, cette question troublant aujourd’hui encore une jeunesse à la recherche d’une authentique voix de la Thora :

Mon cher,
Vous avez demandé mon avis à propos du service militaire des élèves des yéchivot dans l’armée israélienne. Je dois avouer que je suis moi-même perplexe et troublé face à cette question car il est difficile d’adopter une position claire et nette sur un tel sujet. Nous devons trancher ici entre deux valeurs fondamentales, l’étude de la Thora d’une part, la sécurité du peuple et de l’État d’autre part. Donner la préséance à l’une conduit à négliger l’autre ; qui peut décider laquelle est la plus importante ? Nos plus grands sages ont eux-mêmes débattu pour tenter de déterminer s’il fallait accorder la primauté à l’étude ou à l’action . Leur conclusion selon laquelle l’étude l’emporte car elle mène à l’action, a elle-même fait l’objet d’une polémique entre les Richonim , Rachi et les Tossaphistes ; ils s’interrogent sur sa signification : laisse-t-elle entendre que la primauté appartient à l’étude ou à l’action ?
Le fait qu’il soit difficile de parvenir à une position claire sur ce problème ne nous dispense pas d’en débattre autant que nécessaire. Quelle que soit la conclusion à laquelle on aboutit, il ne saurait être question de dénigrer le point de vue adverse. C’est pourquoi, il m’est pénible de constater qu’en Israël, les tenants de ces deux conceptions s’excluent et se méprisent.
Après réflexion, il me semble qu’il convient d’aborder et d’analyser cette question sous trois angles : les principes, leurs conséquences et la dimension psychologique. J’examinerai tout d’abord les arguments qui tendent à dispenser les élèves de yéchiva du service militaire.
Les principes :
1) L’étude de la Thora est plus importante que tout, et celui qui s’y adonne est exempté de toutes les autres obligations. Celui qui se place sous le « joug de la Thora » est dispensé de ses devoirs civiques et des obligations liées à la vie quotidienne. Selon la halakha , les sages de la Thora sont exemptés de divers impôts et autres devoirs car la Thora est la valeur suprême. Quiconque impose une besogne ou un fardeau à celui qui étudie la Thora porte atteinte à son honneur.
2) C’est justement pour assurer la sécurité du pays qu’il importe d’étudier nuit et jour car la Thora est notre arme la plus efficace et il n’existe pas de plus grand mérite que celui des jeunes enfants qui s’adonnent aux études sacrées. Nous sommes profondément convaincus que ce ne sont pas les armes qui nous assurent la victoire, mais l’aide du ciel et c’est en étudiant toujours davantage que nous pouvons l’obtenir : Israël n’a pu remporter la victoire que grâce au mérite de ceux qui étudient la Thora. Nos sages expliquent à propos de l’expression « Je suis une muraille » qu’il s’agit de la Thora et que ceux qui l’étudient n’ont pas besoin de gardes car elle les protège. De même, lorsque de nombreuses personnes étudient, elles assurent la protection du peuple. L’exemple de Josué qui fut puni pour avoir supprimé l’étude de la Thora en temps de guerre nous le confirme .
3) La nation juive a un corps et une âme. S’il est important de veiller à la sécurité de son corps, il est encore plus nécessaire de veiller à celle de son âme et de son esprit. Nous savons que la terre d’Israël sans la Thora est comme un corps sans âme. Nos sages affirment qu’il est plus grave de faire pécher Israël que de le tuer . Ainsi, rabbi Yohanan Ben Zakaï, en demandant à Vespasien de lui donner « Yabné et ses sages » , assura la pérennité du peuple juif pendant deux mille ans sans État. Sans la Thora et son esprit, Israël n’aurait pu survivre. C’est pourquoi il y a lieu de veiller à notre sécurité sous ce double aspect : les uns assureront la protection du corps et les autres formeront une armée céleste chargée de veiller sur le niveau spirituel de notre peuple afin qu’il ne perde pas sa raison d’être, sans laquelle il n’aurait droit ni à l’existence ni à la renaissance. Nombreux sont d’ailleurs les Juifs non-religieux qui partagent ce point de vue et sont convaincus de la valeur capitale de la Thora qui a permis la survie du peuple en diaspora ; ils estiment qu’il ne faut pas négliger ce patrimoine spirituel ni abandonner notre tradition nationale.
Conséquence des principes énoncés ci-dessus :
1) le service militaire conduit à gaspiller du temps qui pourrait être consacré à l’étude de la Thora (bitoul Thora).
2) Cette perte de temps s’étend à la période qui précède l’incorporation et à celle qui suit le service militaire. Le jeune qui s’apprête à partir à l’armée n’a plus le temps ni la patience d’étudier ; il n’en a plus toujours la même envie car ses centres d’intérêt ont changé.
3) Le service militaire est, par nature, profane et matérialiste. Il amoindrit la spiritualité du soldat, son assurance et sa foi car il le fait vivre dans un milieu et une ambiance profanes. Le prophète l’exprime fort bien lorsqu’il affirme « ni par les armes, ni par la force, mais de par mon esprit... » De même, nos sages expliquent que lorsque Jacob parle de ce qu’il a pris « par mon glaive et par mon arc » , il faut comprendre par ma prière et par ma supplication .
4) Mauvaise influence de l’environnement social. Même pour une personne à la foi et au comportement solidement enracinés, il est très dangereux de tomber « d’un si haut sommet dans un puits aussi profond ». Si l’on considère la yéchiva comme une institution vouée à l’étude et à l’éducation, l’armée apparaît comme son contraire, un lieu où on s’éloignerait de la religion et de la morale.
5) L’incorporation des élèves de yéchiva pourrait provoquer la fermeture des yéchivot et diminuer de façon dangereuse l’influence de la Thora.
Si l’on examine la question de ce point de vue, en opposant les deux termes du dilemme – la Thora ou le service militaire – il ne fait aucun doute qu’il est interdit d’abandonner la Thora pour l’armée, quelles que soient les circonstances. Mais cette manière de poser le problème doit être analysée en profondeur car elle repose sur une conception idéologique qui a un aspect psychologique à la fois conscient et subconscient.
1) Attitude vis à vis de l’État : de nombreux Juifs religieux qu’ils en aient conscience ou non considèrent l’État d’Israël comme un élément étranger à la tradition, créé dans un cadre laïc. Même ceux qui ne vont pas aussi loin que les Hassidim de Satmár partagent à des degrés divers leur point de vue. Ils refusent certes d’adopter la doctrine de Satmár, mais ils ne peuvent s’empêcher de penser, en leur for intérieur, que ce sont les plus extrémistes qui détiennent la vérité. Ils considèrent donc l’État d’Israël comme un fait accompli qui n’est admissible qu’a posteriori : maintenant qu’il existe, il convient de perpétuer son existence, de le renforcer et d’assurer sa sécurité, même si sa création ne résulte pas de la volonté divine.
2) Il en est de même pour Tzahal qui est, comme je l’ai dit plus haut, l’incarnation de la force profane à l’état brut. L’armée, comme dans tous les pays du monde, est le symbole de la force et de la puissance, l’antithèse de l’esprit.
Ces Juifs religieux reconnaissent bien sûr, qu’étant donné notre situation, nous ne saurions nous passer de l’armée, mais ils la considèrent comme un mal nécessaire. Nos sages disent déjà qu’il faudra toujours des parfumeurs et des tanneurs ; on peut considérer que les yéchivot représentent les parfumeurs et l’armée, les tanneurs.
Cette approche découle de facteurs subconscients. Examinons, à présent, les motivations conscientes.
1) Les étudiants des yéchivot n’ont aucune considération pour le monde non-religieux. Le monde extérieur à la yéchiva et à la religion n’a pas de réalité pour eux. Ils y voient l’incarnation du mal et s’efforcent d’éviter tout contact avec lui. L’élève de yéchiva doit rester dans son domaine réservé, « les quatre coudées » de son quant à soi, en dehors de ce monde inférieur et négatif.
2) Les yéchivot face à l’action : on répète inlassablement dans toutes les yéchivot que seule la halakha compte pour le Saint Béni Soit-Il et que le monde n’est que vanité et désordre. Tout ce que le monde renferme n’existe que pour ceux qui étudient la Thora au regard de laquelle rien n’a de valeur. Si on considère la Thora comme le symbole de la vie, tout ce qui lui est extérieur est néant, les dirigeants des yéchivot et leurs élèves sont les seuls êtres humains dignes de ce nom, les autres constituant un peuple d’ânes ; tout instant de la vie consacré à une activité autre que l’étude – aussi noble soit-elle – substitue un monde fugitif au monde réel, la mort à la vie, le néant à la réalité.
Telles sont les prémices sur lesquels reposent la philosophie des yéchivot et le rapport à Tzahal qui en découle. Cette dichotomie qui sépare la religion de la vie et qui s’apparente à la conception chrétienne, convient parfaitement aux non-religieux. La plupart d’entre eux ne s’opposent donc pas à ce que les élèves des yéchivot soient dispensés du service militaire car cela fait parfaitement leur affaire : chacun pour soi. Ils affirment qu’ils se réjouissent de l’existence d’un petit milieu qui représente la religion et la Thora et dont le mérite contribue à leur protection. On demande simplement à ces gens là de rester dans leur coin et de ne pas se mêler à la vie quotidienne du pays. Telle est, me semble-t-il, la véritable explication des positions de Moshé Dayan et Chimon Pérès.
Il faut maintenant déterminer si cette approche coïncide effectivement avec la conception de la Thora. Point n’est besoin d’un long discours, vous connaissez « l’approche de Montreux » sur ce point. La Thora n’a pas été donnée aux anges et l’homme ne doit pas aspirer à devenir un ange en dissociant son esprit de son corps. Son devoir n’est pas de se consacrer exclusivement à son intellect et à sa cérébralité au détriment de son corps (« ses 248 organes et 365 nerfs »). Ce qui fait la grandeur de l’être humain c’est justement cette harmonie entre le corps et l’âme. Le Saint Béni-soit-Il, n’a rien créé d’inutile dans le monde : « Et Dieu vit que tout ce qu’il avait créé était très bien » . Toute la création est positive, mais « Dieu l’a créée pour faire » ; cela signifie que l’homme doit lui apporter sa contribution et œuvrer pour conduire le monde à la perfection.
Une polémique oppose l’école de Chamaï à celle de Hillel à propos de la création du monde ; les uns prétendent que ce sont les cieux qui ont été créés en premier et les autres que c’est la terre . Selon le Midrach Rabba, ils ont été créés simultanément L’unicité du créateur implique l’unité de la création et il n’est pas possible de diviser le monde en deux domaines distincts : le ciel et la terre, l’âme et le corps, l’intelligence et l’action, le génie et le saint, la vie quotidienne et la vie spirituelle. L’unité est totale ; elle a pour nom perfection. C’est pourquoi la vie nous a été donnée, accompagnée des mitzvoth. La mitzva nous permet, dans notre vie quotidienne, de sanctifier et de purifier tout ce qui se fait de par le monde.
L’expression « vous serez saints » signifie que nous devons intégrer la Thora à tous les domaines de la vie publique et privée ; la séparer du monde revient quasiment à nier de fait l’unité divine, aboutissant à un dualisme. De même, les sept jours de la création qui comprennent six jours d’action et une journée entièrement chômée, « entièrement chabbat » représentent ou incarnent la création dans sa plénitude. Il nous faut faire régner l’esprit du chabbat tous les jours de la semaine, c’est la leçon de la création du monde. Je n’ai pas besoin de développer cette idée car vous connaissez ma position sur cette question.
J’ai trouvé, chabbat dernier, dans le Midrach Rabba sur la paracha de Yithro, une magnifique remarque à propos du verset « et il dit toutes ces paroles ». Le midrach fait remarquer que Dieu fait tout simultanément, il fait mourir et fait vivre, etc. Le Saint Béni soit-Il n’est pas comparable à un être humain. Un roi de chair et de sang n’est pas capable de faire la guerre, d’être scribe et d’enseigner aux jeunes enfants, alors que Hachem en est capable : hier Il faisait la guerre et aujourd’hui, au Mont Sinaï, Il descend enseigner la Thora à Ses enfants. Nous devons nous efforcer à Lui ressembler en toutes choses...
Nos sages nous ont enseigné qu’il convient de suspendre l’étude de la Thora pour ensevelir un mort ou pour doter une fiancée . Ce n’est pas parce qu’il est plus important de doter une fiancée que d’étudier la Thora, mais parce qu’une telle action constitue l’application de ce qui a été étudié. Si un étudiant est sollicité pour une bonne action, il doit l’accomplir pour appliquer ce qu’il a appris ; c’est ainsi qu’il doit se comporter dans la vie et il doit « mettre la Thora en pratique dans toutes ses activités ». L’étude et l’action finiront pas se fondre et se confondre.
Prétendre que la guerre est une activité profane qui ne doit pas être menée par des personnes religieuses mais abandonnée aux laïcs, est une conception erronée qui ne repose sur aucun de nos textes sacrés. Cette conception résulte sans nul doute de l’influence des non juifs. Chez nous, nous le voyons dans la Thora, la guerre juste est considérée comme l’une des activités les plus sacrée ; elle doit être menée par les sages et les hommes d’esprit. C’est écrit en toutes lettres dans le texte qui dispense d’aller à la guerre « l’homme pusillanime et celui qui a le cœur faible » l’individu rendu craintif par ses fautes, même celui qui n’a fait que parler pendant l’office, (entre yichtabah et yotzer) ne participe pas à l’effort militaire . Selon la Thora, ce ne sont pas « les autres », les non-religieux, qui doivent aller à la guerre, mais les Justes.
Les élèves de yéchiva affirment, non sans orgueil, que c’est grâce à leur mérite qu’Israël a remporté la guerre des Six jours. Il est un peu étrange de voir des gens revendiquer un tel mérite ; nous savons que lorsque quelqu’un revendique pour lui-même un mérite, on finit par l’attribuer à d’autres. Pour en revenir à la guerre des Six jours, il est difficile de savoir à qui revient le mérite de la victoire. On peut établir une analogie avec la destruction du temple, nos Sages rapportent qu’à cette époque, les Juifs étaient absorbés par la Thora, ses commandements et les bonnes actions ; la cause de la catastrophe était la haine gratuite . C’est justement pourquoi il serait bon que les étudiants des yéchivot se fassent incorporer dans Tzahal et y servent dans l’avant garde.
Je peux rappeler à cet égard, ce que j’avais expliqué à propos de la paracha Choftim : « et le Cohen s’avancera et il parlera au peuple et lui dira écoute Israël, vous vous apprêtez aujourd’hui à partir en guerre, que votre courage ne mollisse point ; soyez sans crainte et ne vous laissez point déconcerter etc. » Ce passage donne la réponse à notre question. Étant donné que « le pusillanime et celui qui a le cœur faible », ceux qui redoutent les retombées de leurs fautes sont dispensés d’aller à la guerre, tout le monde pourrait avoir peur d’y participer. En effet, on ne peut jamais être sûr que l’armée ne compte pas un seul homme qui n’ait fauté puisqu’il « n’existe pas un seul juste parfait sur la terre qui n’ait jamais fauté ». C’est pourquoi le Cohen déclare : « Soyez sans crainte et ne vous laissez point impressionner. » La force de la collectivité est fondamentalement différente de celle de l’individu ; le principe de « Chema Israël » s’y applique. Même si vous n’avez point d’autre mérite que celui d’avoir dit le Chema, vous mériterez d’être sauvés (Rachi rapportant un commentaire des Sages). Le texte fait ici référence aux fils de Jacob qui, lorsqu’est évoquée la possibilité d’une imperfection parmi leurs descendants qui pourrait les affaiblir, répondent en chœur au nom des générations à venir « Chema Israël ».
On peut aussi citer le passage de la Genèse dans lequel Abram, ayant appris que son parent était prisonnier, arma ses fidèles, enfants de la maison. En vérité, ce n’est pas sans hésitation, qu’il se lança dans une guerre qui ne lui avait pas été ordonnée par Dieu. Cela ressort clairement du verset : « ne crains rien Abram » . Mais il ne s’est posé toutes ces questions qu’après avoir agi. Au moment de passer à l’action, une seule idée le préoccupait, son parent était prisonnier. (Il s’agissait de Loth qui n’était pourtant pas un juste irréprochable et qui, de plus, était son rival ; voir le Midrash). Il s’est néanmoins empressé, d’intervenir lui même avec "ses fidèles, enfants de la maison", sans avoir recours à un émissaire.
Le Midrach rapporte à propos du passage "il arma ses fidèles" , qu’Abram les passa en revue pour s’assurer qu’ils étaient tous des justes irréprochables ; il trouva une imperfection à chacun et finit par rester seul avec Eliézer. Le monde reposait alors entièrement sur Abram qui était âgé et étudiait à la yéchiva. S’il partait en guerre, qui étudierait ? Et s’il tombait au combat, sur qui reposerait le monde ? Il ne s’embarrassa pas de telles préoccupations ; ayant appris que son parent était prisonnier, il s’empressa de partir en guerre.
De même, lors de la guerre contre Amaleq , l’unité entre celui qui avait transmis la Thora (Moïse) et le chef d’état-major (Josué) était totale. Moïse ne resta pas de côté, il s’assit sur une pierre et éleva ses mains pour donner foi et confiance aux combattants et leur faire comprendre qu’il s’agissait de la guerre de leur génération contre Amaleq. C’est ainsi que Moïse, Aaron et Hour combattirent avec Josué contre Amaleq. Qui Moïse désigna-t-il comme chef d’état-major ? Un laïc ? Certainement pas ! il choisit Josué. Pourquoi Josué ? Le Zohar nous explique que Josué étant le fidèle disciple de Moïse dont il ne quittait pas la tente. C’est lui, le Roch Yéchiva qui s’adonnait nuit et jour à l’étude de la Thora qui fut choisi pour vaincre Amaleq. On trouve dans la Mékhilta citée par Rachi , sur le verset « sors et va combattre Amaleq », que celui-ci signifie : « sors de ton nuage, ton confort spirituel et lutte contre lui. » C’est-à-dire qu’il reçut l’ordre de partir au combat alors qu’il était plongé dans l’étude de la Thora, car cette guerre constituait la mise en application des commandements contenus dans la Thora.
Nos sages rapportent aussi qu’Abraham s’excusa de devoir interrompre une conversation avec Dieu pour accueillir des hôtes (les trois anges dans Genèse XVIII). En effet, l’hospitalité l’emporte sur le dialogue avec Dieu car elle en constitue l’objectif et la mise en pratique. Nos sages (cités par Rachi) expliquent aussi que si les « mains de Moïse s’alourdirent », c’est parce qu‘il avait négligé d’accomplir lui-même ce devoir et en avait désigné un autre à sa place (Rachi sur Exode XVII, 12). Les mains de Moïse, celles-là même qui allaient transmettre la Thora, se sont alourdies pour nous faire comprendre qu’il n’existe pas de dichotomie entre celui qui a transmis la Thora et celui qui doit faire la guerre, tout comme Hachem est à la fois le Dieu de la guerre et celui qui donne la Thora, qu’Il est Un et que Son Nom est Un.
Qui Josué choisit-il comme soldats ? « Les autres » ? Non ! Il sélectionne des hommes de bien, des braves craignant la faute afin que leur mérite les soutienne. Pourtant l’attaque d’Amaleq avait été provoquée par le relâchement du peuple dans l’application de la Thora. Cela ne dispense pas ceux qui étudient de prendre la tête des combattants en temps de guerre car cela représente l’accomplissement de la Thora. Celle-ci ne nous a pas été donnée seulement afin que nous l’étudiions. Maïmonide nous enseigne qu’il est permis de transgresser le chabbat pour se défendre : « c’est une mitzva pour tous les enfants d’Israël qui le peuvent, d’aller porter secours à leurs frères assiégés et les sauver des idolâtres. » C’est encore plus vrai pour le commandement qui nous enjoint d’étudier la Thora et qui ne connaît pas de limites comme la journée du chabbat. Maïmonide ajoute que « pour réaliser ce genre d’action, il ne faut avoir recours ni à des étrangers, ni à des enfants... ; elles doivent être accomplies par les grands d’Israël et ses sages etc. Les hérétiques qui affirment qu’il s’agit d’une transgression du chabbat et qu’ils ne peuvent y participer sont ceux à propos desquels il est dit « Je leur ai donné de mauvaises lois et des règles selon lesquels ils ne pourront pas vivre. »
Par la suite, un ange vient trouver Josué et lui dit : « Hier vous avez annulé le sacrifice quotidien du soir et aujourd’hui vous avez perdu le temps qui aurait dû être consacré à l’étude. » Aussitôt, Josué se retire, et se plonge dans la halakha .
Cela nous montre que seuls ceux qui étudient la Thora peuvent se voir reprocher de la négliger. Josué a été réprimandé parce que l’étude de la Thora avait été négligée pendant la nuit, alors qu’aucun combat ne se déroulait. L’ange lui a montré qu’il n’y avait aucune contradiction entre la guerre et l’étude de la Thora et que les deux étaient compatibles. Le livre et le glaive sont liés à jamais. Ceux qui étudient doivent se battre et ceux qui se battent doivent étudier lorsqu’ils ne sont pas occupés à combattre.
Les sages qui étudient sont exonérés d’impôts mais ils ne sont pas dispensés d’apporter leur contribution à la sécurité et à la vie du peuple, car il s’agit ici de sauver des vies humaines. Il est permis de transgresser des commandements pour sauver une seule vie humaine. Aucun étudiant de yéchiva n’a jamais envisagé de ne pas faire tous les efforts possibles et imaginables pour soigner un malade et le sauver. Ce doit être encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’un sauvetage collectif qui concerne une communauté entière. Les Bné Thora (personnes qui s’adonnent à l’étude de la Thora) devraient donc se précipiter pour être les premiers à défendre le peuple. C’était le cas au cours des générations passées. Pendant la période biblique et celle des Hasmonéens, ceux qui étudiaient la Thora prenaient la tête des armées.
On peut aussi évoquer l’exemple de rabbi Aqiba et de tous les sages de sa génération qui, selon Maïmonide, s’imaginèrent que Bar Qokhba était le Messie. Celui-ci aurait donc dû consacrer sa vie à l’étude de la Thora et à la pratique des mitzvot. Pourtant – et ce n’est pas un hasard – il s’adonnait aux activités militaires et menait les guerres de Dieu. Il est établi que rabbi Aqiba s’est trompé. Maïmonide fait cependant remarquer que son analyse était juste ; Bar Kokhba n’était pas le Messie, mais il aurait pu l’être .
Le chef d’État-major, voilà le Messie !
Je crois avoir mis en lumière les fondements erronés sur lesquels reposent les prétendues contradiction et incompatibilité qui existeraient entre l’étude de la Thora et le service militaire. Je pense avoir clairement montré qu’en théorie, ceux qui étudient la Thora et s’y consacrent sont particulièrement tenus de participer à la défense du peuple et d’apporter leur contribution à la sécurité de l’État. Il est possible qu’il faille faire une exception pour celui dont la Thora est la seule activité (Thorato oumanouto) et celui qui est dispensé de toutes les mitzvot, y compris la récitation du chema et la prière. Cependant, je doute qu’il existe en notre génération un seul individu répondant à cette définition. Qui oserait revendiquer un tel statut ? Ceux qui prétendent se consacrer exclusivement à l’étude de la Thora le font au détriment du devoir de préserver les vies de la communauté d’Israël.
Je vais, à présent, aborder la seconde partie de cette démonstration et me pencher sur les conséquences et les implications des principes énumérés ci-dessus.

Peut-on prétendre que la théorie selon laquelle les étudiants des yéchivot doivent faire le service militaire ne peut s’appliquer que lorsque tout le peuple d’Israël se soumet à la Thora et à ses commandements, en situation idéale. On se souvient que le roi Ézéchias, qui menait la guerre de Dieu contre Sennachérib planta un glaive dans le Beth-Hamidrach (lieu d’étude) et menaça de poignarder tous ceux qui n’étudieraient pas la Thora . La formation et le service militaire ne peuvent l’emporter sur la sauvegarde et la vie spirituelle de notre peuple. Si tout Israël étudiait la Thora, tout le monde devrait accomplir son service militaire. À notre époque où l’immense majorité du peuple délaisse l’étude de la Thora, la minorité restante doit compenser. Puisque les autres n’étudient pas, nous ne combattons point. Si l’État imposait l’étude de la Thora à tous les jeunes gens, nos jeunes iraient aussi au service militaire.
Étant donné que le devoir de se défendre ne résulte pas d’un compromis mais constitue en lui-même une obligation sacrée et un commandement important, il n’est pas possible de s’y soustraire sous prétexte que d’autres n’accomplissent pas non plus tous les commandements. Les mitzvot sont du domaine de la responsabilité individuelle et chacun est tenu d’accomplir chacune d’entre elles ; je ne peux pas davantage me dispenser du commandement de défendre mon peuple que de ceux de mettre les téfiline ou d’accomplir de bonnes actions. Néanmoins, étant donné qu’il s’agit d’un commandement non quantifiable et qui peut être partiellement délégué, il convient de prendre aussi de compte les besoins spirituels du pays. C’est pourquoi on peut envisager, en temps de paix, d’écourter le service militaire des étudiants des yéchivot. (Je développerai cette idée par la suite.) Il faut bien-sûr veiller à ce que ce service militaire n’amoindrisse pas l’envergure des études sacrées dans le pays. Comme il s’agit de deux objectifs qui ne sont pas contradictoires, je suppose qu’une solution permettant de les concilier devrait être trouvée.
Il devrait en être de même pour la question de l’influence de l’armée sur la foi, la pratique religieuse et la moralité des appelés. J’ignore si la thèse selon laquelle l’armée aurait une mauvaise influence est fondée et s’il est vrai qu’un certain nombre de religieux ayant accompli leur service militaire ont abandonné leur mode de vie antérieur. Il est possible que ces craintes soient dénuées de tout fondement. On peut même supposer, si l’on réfléchit honnêtement, que le service militaire exerce souvent une heureuse influence notamment en ce qui concerne les relations humaines car il développe des qualités telles que le dévouement envers ses camarades et son pays. J’ai lu dans la presse des récits sur les trésors d’abnégation déployés par certains soldats pour sauver l’un de leurs camarades. Je suis enclin à croire que ces exemples qui contribuent à la formation de chaque soldat, ont une influence au moins aussi profitable que les cours de morale donnés dans les yéchivot.
Même si on accepte l’idée selon laquelle l’armée constitue intrinsèquement un danger pour la foi et la pratique religieuse, on peut se demander si nous ne portons pas une part de responsabilité dans cet état de choses. Les élèves des yéchivot n’allant pas à l’armée, personne ne se soucie d’y créer une ambiance religieuse ; ceux qui pourraient le faire choisissent de se dérober. Il en est de même pour l’État d’Israël auquel certains reprochent d’être un pays laïc ; si nous avions pris une plus large part à son édification, la situation serait bien différente.
Si nous refusons de laisser les étudiants des yéchivot participer à la vie quotidienne, si nous en faisons de simples objets de culte, il ne faut pas s’étonner que le pays ne vive pas suivant les injonctions de la Thora. Si nous ne laissons pas nos jeunes aller à l’université, les médecins, entre autres exemples, non guidés par la religion, risqueraient de pratiquer des autopsies à tort et à travers.
Les dirigeants et les enseignants des yéchivot qui ont des qualités exceptionnelles, devraient s’efforcer de créer un mode de vie compatible avec la Thora et régi par elle. Au lieu de se construire un ghetto et de se retirer de la vie et du monde, ils feraient mieux de concevoir un mode de vie permettant de surmonter les obstacles de l’existence tout en restant religieux. La polémique d’aujourd’hui rappelle, à bien des égards, celle du début du siècle sur les études profanes. En Europe de l’Est on considérait que ceux qui allaient faire des études devenaient des hérétiques (apiqorsim) et c’est ce qui se passait. En revanche, en Allemagne, la doctrine du rav Samson Raphaël Hirsch, Thora im derekh eretz, selon laquelle il n’existe aucune contradiction entre la Thora et la nature, entre le judaïsme et la vie, permit à des milliers de Juifs de devenir médecins ou professeurs tout en restant d’une orthodoxie irréprochable et sans devenir hérétiques.
De plus, il n’y a pas de terrain plus propice que l’armée pour influer sur les autres. Comment pouvons-nous laisser passer une telle occasion, une telle chance de rapprocher ceux qui sont éloignés de la religion et de leur faire découvrir ses trésors. On pourrait nous reprocher plus tard d’avoir négligé ce devoir capital, d’avoir désespéré de notre peuple et de la rédemption, de nous être coupés de la communauté et de nous être contentés de « sauver nos âmes ».
Je suggère donc que les rabbins et les dirigeants des yéchivot fassent les propositions suivantes et exigent leur mise en application.
Le gouvernement devra reconnaître officiellement l’importance de l’étude de la Thora pour l’ensemble de la nation. Parallèlement, les rabbins reconnaîtront publiquement l’importance du service militaire en tant que commandement sacré de la Thora.
En ce qui concerne la durée du service militaire, il est difficile pour un jeune qui vient de passer trois ans à l’armée, d’étudier encore plusieurs années à la yéchiva. C’est pourquoi je propose que toute personne ayant effectué une scolarité de trois ans dans un institut talmudique supérieur, fasse un service militaire abrégé qui durerait un an. Ces jeunes consacreraient ainsi quatre années au salut de la nation, soit un an de plus que ceux qui n’étudient pas à la yéchiva.
Conséquences :
1/ De nombreux religieux qui ne vont pas à la yéchiva parce qu’ils font trois ans de service militaire, opteraient pour cette formule qui contribuerait ainsi au renforcement de la Thora.
2/ Le fait que les étudiants des yéchivot s’empresseraient de faire leur service militaire, suscitant le respect par leur dévouement, leur modestie et leur mode de vie, serait source de Qiddoush Hachem, de sanctification du nom de Dieu.
3/ On édicterait un règlement selon lequel les bahouré yéchiva serviraient toujours par groupe d’au moins dix dans la même unité, et seraient éventuellement encadrés par un moniteur. Ils constitueraient ainsi un noyau solide ; loin de se noyer dans la masse, ils pourraient exercer une réelle influence et donner l’exemple d’une vie religieuse ; ils organiseraient chaque jour de fervents offices, mettraient à profit les heures de liberté pour étudier la Thora et créeraient une véritable ambiance de chabbat en allumant les bougies, en chantant, en commentant la Thora, en discutant et en dialoguant avec les autres.
Il leur faudrait d’abord réfléchir à la meilleure manière d’influer sur leurs camarades. Ils devraient leur témoigner amitié et compréhension et cesser de se montrer méprisants comme ils en ont l’habitude. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet...
Je suis persuadé que nous pouvons accomplir ainsi une œuvre considérable. Il est possible que les non-religieux ne nous aiment pas parce qu’ils ne nous connaissent pas et qu’ils ignorent notre mode de vie. Ils ne savent pas ce qu’est une existence conforme à la Thora et considèrent notre comportement comme étrange. Nous sommes un peu responsables de cette situation car nous nous sommes coupés d’eux. Si nous leur donnons l’occasion de nous rencontrer et que nous essayons de mieux les connaître, nous modifierons les uns et les autres notre manière de dialoguer et nous contribuerons à hâter la rédemption.
J’estime qu’en matière religieuse, le gouvernement ne doit ni intervenir ni imposer quoi que ce soit tant que les positions des rabbins n’auront pas évolué. C’est aux religieux de l’exiger. Il est paradoxal que les non-religieux souhaitent notre présence auprès d’eux à l’armée et que nous les repoussions. L’inverse serait plus logique ; ils devraient nous demander d’effectuer notre service à la yéchiva et non à l’armée et nous devrions répliquer en criant à la discrimination. Nous devrions exiger de jouer un rôle important dans les structures de l’armée afin que nous puissions contribuer à faire d’une armée laïque une troupe céleste. Nous devons faire de Tzahal une institution animée de l’esprit divin qui combatte et répande la Thora tout à la fois.
Je serais curieux de connaître votre réaction à la présente et je vous serais très reconnaissant de bien vouloir me signaler mes erreurs éventuelles.

Bien à vous

Moché Botschko