Conversation 69835 - Découvrir la kala

emunasera
Lundi 17 juin 2013 - 23:00

Pourquoi est-ce qu'une kala a le droit de rester la tête découverte pendant la soirée de son mariage?

Merci beaucoup!

Rav Samuel Elikan
Jeudi 20 juin 2013 - 02:30

Shalom,
Et pourquoi pas ?

D'abord c'est une habitude très ancienne et si elle a été acceptée par tout le Peuple d'Israël des générations durant, elle a force de loi et quiconque la change aliène et altère la loi !
Les "h'oumrot"inutiles amènent malheureusement souvent a outrepasser la "halah'a" plutôt qu'à la préserver ainsi que l'écrit le Rav Avraham Itzh'ak HaCohen Kook (resp. Orah' Mishpat 112, p. 123):
"l'essentiel de la volonté de s'ajouter des h'oumrot supplémentaires dans des cas où la voie de la Torah est d'être plus doux (mekel), ce n'est en rien de la piété... c'est la "vertu" de ceux qui s'éloignent de l'intériorité de la Torah (c.à.d. de ses secrets - pnimiout hatorah), D'ieu nous préserve de cette opinion... et comment pourrons-nous regarder (après cela) tous les décisionnaires qui ont explicitement permis... ".
C'est également l'opinion du Rosh (Nida X, 3) qui dit que l'on n'a pas le droit de trancher la halah'a (leh'oumra) de telle sorte à ajouter des choses qui ne sont pas marquées dans les propos de nos Sages, ou sans preuves claires (*).
D'ailleurs dans notre cas, c'est une mishna explicite dans le traité de Ketouvot (15b) qui permet - et même astreint - à la femme de ne pas se couvrir la tête lors du mariage. Le fait que la mariée ait les cheveux détachés et non-couverts est une preuve explicite de son statut de célibataire qui n'a jamais été mariée auparavant. Sans cela, dit la mishna, elle n'est pas considérée comme vierge ! Je vous invite également à lire Rashi, ad loc. qui explique bien que les cheveux de la mariée étaient détachés et ce, a priori, puisque c'était ainsi qu'on avait l'habitude d'emmener les femmes de la maison de leur père à celle du mariage. La "maison du mariage" était un lieu réservé au couple durant lequel ils restaient 7 jours à célébrer leur mariage.
Des propos du Rosh (Ketouvot II, 3) il semblerait que tout le premier jour (parmi les sept) du mariage, la femme n'a pas besoin de se voiler les cheveux.
C'est ainsi également qu'écrit le H'atam Sofer (resp. YD 195) que l'habitude est de se voiler les cheveux seulement après le premier rapport entre les conjoints, désormais autorisés l'un à l'autre.
Le Rav Henkin (resp. Bnei Banim siman 23, p. 81) également écrit clairement qu'on peut s'appuyer sur l'avis du Rosh et que la mariée ne doit pas se couvrir la tête le soir du mariage.

Il y a cependant d'autres opinions, mais elles ont toutes une solution.
Selon les Tossafot (Yuma 13b s.v. ouleh'ada) la "hinouma" (le voile) constitue la h'oupa et pas conséquent elle devient mariée à ce moment là. Le Rema (EH 55,1) qui ramène cette opinion, mais pas comme la principale, y voit inéluctablement un acte important. Le Rav Sh. Z. Auerbach justifie ainsi l'usage de ne pas se voiler la tête en disant que le voile constitue un "kissouy rosh" - par conséquent il faudrait le garder toute la soirée du mariage (cf. Ale'ou Lo Yivol, p. 286).

Le Rav Ovadia Yossef (resp. Yeh'ave Da'at V, 62 s.v. veka'et), quant à lui, dit que pour quiconque suit le Shoulh'an Arouh' qui ne tranche pas comme les Tossafot précédemment cités et que la h'oupa se fait lors du "yih'oud", à la maison, par conséquent, elle n'a pas besoin de se voiler la tête lors du mariage.
Mais il faudra faire attention de ne pas faire de "h'eder yih'oud" pendant le mariage (cf. Yalkout Yossef, Sov Semah'ot 1,12 - yih'oud ah'ar hah'oupa - qui dit, au nom de plusieurs ah'aronim que l'usage des séfarades est de ne pas le faire et c'est un usage "répudiant" (sic)...).
Cependant le Rav Henkin (cité préc.) pense qu'étant donné que l'on ne peut pas, durant le "h'eder yih'oud", pour des raisons de lieu, de temps et de circonstances, "consommer" le lien, par conséquent le "h'eder yih'oud" n'est pas considéré comme semblable au "yih'oud" qui se fait à la maison, et par conséquent la femme peut rester à tête découverte jusqu'à ce que l'heureux jeune couple arrive à la maison.

Ceci mis à part, il y a également une raison symbolique et ésotérique à cela.
Le jour du mariage, on atteint un tel degré de sainteté que l'on revient à cet instant qui précède la faute d'Adam HaRishon. A ce moment là, on peut découvrir, dévoiler la sainteté immanente et ne sommes pas astreints à la législation naturelle qui nous impose majoritairement une approche transcendantale de la sainteté. Si on regarde bien dans le Talmud (TB Eirouvin 100b), on voit que selon nos Sages, H'ava - après la faute - a été "punie" de dix malédictions. Et Rav Dimi vient et nous dit qu'elle est "voilée comme un endeuillé, excommuniée de tout homme, et est enfermée en prison, etc.". Il est évident que toutes ces expressions sont allégoriques, comme le note déjà Rashi, ad loc. Je pense qu'il y a là une expression profonde de l'état de la sainteté "féminine" après la faute qui peut nous enseigner sur l'état qui précède la faute. Le corps, après la faute, ne peut plus exprimer de manière immanente, par ses propres forces, l'aspect du Divin qui est voilé en lui. C'est comme si la sainteté qui réside dans le physique, dans la matière est emprisonnée, voilée comme un endeuillé, excommuniée, on la rejette, refoule. Notre grand travail est de dévoiler la pureté et la sainteté qu'il y a aussi dans le corps. Le jour du mariage, on atteint ce niveau. La femme représentant cette sainteté dans l'alliance qu'elle va fixer avec son homme, qui représente l'aspect transcendant, se voile la figure, détache et dévoile ses cheveux (de nombreux décisionnaires pensent que les cheveux d'une femme célibataire doivent être attachés). Pour une fois, et c'est la seule où c'est permis, nous dit le Talmud (cf. Ketouvot 17a), les hommes doivent la regarder, elle, ses vêtements, ses bijoux, etc. afin que son mari prenne conscience de cette sainteté. C'est la sainteté qui est dans l'apparence, dans l'habit, dans le vêtement.
C'est la seule fois également où les Sages, comme le raconte à plusieurs reprises le Talmud (ibid.), dansent avec la mariée. Comment des hommes peuvent-ils danser avec une femme ? D'ailleurs, chez de nombreux h'assidim (et pas seulement...) cette coutume existe encore (il s'agit du "mitzva-tantz") !?
C'est que la mariée, le jour de son mariage est dans un état, tout comme le marié, qui précède la faute d'Adam HaRishon. On voile le visage qui permet un rapport de transcendance, l'aspect Divin qui est en l'homme et on dévoile l'aspect "physique", immanent de la sainteté. Bien évidemment, c'est limité à la tête et pas au reste du corps, cela se déroule, et je pense qu'il n'y a même pas besoin de le préciser, dans les limites de la pudeur, de la tzniyout.
Mais après le mariage, ils retombent à cet état "naturel", après la faute. Et par conséquent, la femme doit se couvrir la tête, pour voiler cet aspect de la sainteté qui ne peut se découvrir que dans l'intimité (à la maison, etc.), et on ne peut plus la contempler (sauf son mari, bien évidemment), on ne la découvre plus dans son aspect physique, immanent, mais dans celui transcendantal, tout comme l'homme, par le visage.
Je pense que cela explique pourquoi Rav Ah'a pouvait prendre la mariée sur ces épaules et danser avec elle, en effet, il y voyait une "poutre" (sic). Les commentateurs généralement comprennent qu'il s'agit du fait que cela n'a éveillé en lui aucun "yetzer", aucun sentiment. Toutefois, selon notre explication, il faut dire qu'il voit en elle la valeur juste de sa sainteté, telle qu'elle se dévoile à ce moment là : elle est la poutre de la maison, la valeur immanente première qui permet la construction de la transcendance. Il n'annule pas la valeur de la femme en disant que c'est "une poutre", au contraire, il considère justement sa valeur et c'est ça qui lui permet de danser avec elle - il se joint à son état de pureté, celui précédant toute faute. Cela explique également pourquoi le Talmud dit qu'on ne peut pas dire le mot "shalom" (spécifiquement) a une femme mariée. En effet, ce mot "shalom" qui signifie "paix" suppose un certain amour, une certaine "teshouva", un certain repentir, qui la précède. Et pourquoi ? Parce que cette vertu du "shalom", de la paix est immanente (cf. Likoutei Moharan, Kama, 33). Je m'excuse d'ores et déjà si cette dernière - et longue - explication est mal exprimée. Toutefois, il me semble évident, après ce qu'on a dit, que le jour de son mariage, même après la h'oupa, la mariée ne doit pas se couvrir la tête, cela ne correspond pas au niveau spirituel dans lequel elle se trouve.

Kol touv

Notes:
(*) cf. encore resp. Yabia Omer II, 23, 13 - qui dit que quiconque va systématiquement vers la "h'oumra" et interdit tout, sans être attentif à la réalité qui l'entoure, finira par permettre ce qui est interdit. etc. etc.