Conversation 73349 - Cohen gadol:Trop beau pour son job?!

reichlakich
Mardi 14 janvier 2014 - 23:00

Bonjour.
Comment se fait-il que le cohen gadol doit porter tant d'habits spécifiques et avec des matériaux chers, alors que son role n'est que spirituel !!!!

Rav Samuel Elikan
Jeudi 30 janvier 2014 - 07:28

Shalom,
Je me permet de vous recopier ici un texte écrit il y a de cela plusieurs années, sur la parasha de Tetzavé qui, je le pense, répondra à votre question; si ce n'est pas le cas, veuillez nous renvoyer la question, en précisant la difficulté spécifique, merci.

"C’est la vie ou l’habit ?
Parfois, les vêtements sont définis par l’homme, alors que d’autres fois, ils le définissent.
Les habits que l’homme crée sont le symbole de la civilisation humaine. Ils préservent le corps du froid et autres dégâts. Ils l’ornent et sont insignes de majesté. Ils rendent unique son statut, son travail et son rôle. Sans eux, l’homme ressemble à un animal sauvage, primitif.
Toutefois, au delà de ce degré, il en est un autre : des habits qui font l’homme. Ils changent sa personnalité, l’améliore ou au contraire la détériore. Par exemple, le fait de revêtir un costume militaire change automatiquement le comportement, tantôt pour le mieux, tantôt pour le pire et parfois un peu des deux mélangés. Lorsqu’un juif s’habille, le matin, de ses tzitzit - et s’identifie de toute son âme avec cet acte et sait le considérer à sa juste valeur – il ressent qu’il ne s’agit pas uniquement d’un acte physique, mais également d’un acte spirituel : son âme aussi se revêt de lumière Divine qui commence même à se propager sur la Terre et ses habitants.
« Tu T’enveloppes de lumière comme d’un manteau, tu déploies les cieux comme une tenture » (Psaumes 104:2) .
L’homme s’enveloppe, d’une certaine manière, de “l’ombre des ailes“ de la Présence Divine, tel un oisillon dans son nid, au-dessus duquel survole l’aigle protecteur de tout ennemi potentiel non seulement physique, mais surtout psychologique.
« Combien précieuse est ta grâce, ô D’ieu ! Les fils de l’homme s’abritent à l’ombre de tes ailes » (Psaumes 36:8).

L’offrant et l’offrande
Les habits des kohanim ont moins pour but la particularité de marquer leur identité et leur rôle (cf. Emek Davar du Natziv sur Chemot 28:2), ils ne sont pas uniquement insignes extérieurs d’honneur et de majesté aux yeux du prochain, que de marquer principalement un but supérieur : « afin de le consacrer à Mon sacerdoce » (Chemot 28:3).
Les vêtements les sanctifient, ils les rendent prêtres, les définissent comme kohanim. Sans ceux-ci, ils sont considérés comme inaptes au service et comme étrangers. « Leurs habits ne sont pas sur eux, leur prêtrise n’est pas sur eux » (T.B. Sanhédrin 83b). Plus encore, les vêtements mêmes ont un but cathartique tout autant que les sacrifices, tel que l’exprime le Talmud (T.B. Erkhin 16a):
« Rabbi Anani fils de Sasson dit : … de la même manière que les sacrifices expient, ainsi les habits des prêtres expient. La tunique à maille expie le versement de sang… les pantalons, l’adultère… la tiare expie les grossiers… l’écharpe, les pensées [interdites] du cœur… le pectoral, les jugements [erronés]… l’éphod expie l’idolâtrie… la robe, la médisance… la plaque d’or expie les actes “culotés“ ».

Comment ça marche ?
L’idée principale est que l’offrande rapproche l’homme de D’ieu. Le sacrifice (korban) vient de la racine hébraïque rapprocher (lekarev). L’homme doit se sacrifier, se sanctifier, tel Itzh’ak sur l’autel, alors que son père allait l’immoler, prêt à être sacrifié, le bélier vint le remplacer, ainsi tout sacrifice d’Israël. Sans cette préparation psychologique, cette acceptation spirituelle, le sacrifice n’a aucune valeur, il n’est qu’un acte banal et extérieur qui non seulement n’a aucune utilité, mais plus encore, nuit. En effet, l’homme se pense - par erreur - exempt de toute responsabilité personnelle à se rapprocher lui-même de D’ dans sa vie. D’ ne veut pas d’offrandes insignifiantes, de liturgies utilitaristes. Plus important encore que le sacrifice lui-même est celui qui l’offre.

Le rôle du kohen est d’approcher l’offrant à son Créateur par le biais du sacrifice (cf. à ce propos l’art. du Rav Y.D. Soloveitchik sur les rôles du kohen, dans Divrei Hashkafa, Jérusalem, 1993).
Son exemple personnel et son degré spirituel et moral représentent finalement la possibilité d’élever l’offrant et faire régner en lui un esprit de pureté et de sainteté ; lorsque ces qualités ne sont pas présentes, elles amènent inévitablement à une détérioration de l’offrant.
En résumé, le kohen ne doit pas seulement porter des vêtements de sainteté et de pureté, ceux-ci doivent plutôt révéler ces qualités présentes en lui. Si ça n’est pas le cas, l’habit (begued) devient trahison (beguida) et la robe (me’il) devient une aliénation (mé’ila) de la confiance et de l’espérance des qualités requises.

Cette intégrité requise entre l’homme et son apparence, son vêtement, comme exemple permettant d’élever autrui, de lui permettre de rencontrer un Autre - entouré de sainteté et de pureté - lui montrer une voie nouvelle constitue un rôle des plus importants (cf. Guide des Égarés III, chap. 37 et 47)".

Cordialement,