Conversation 73982 - Tout ce qui ne me tue pas...

frankel
Samedi 22 février 2014 - 23:00

bonjour
on entend souvent l'aphorisme de nietzsche "tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort" qui est extrait du crepuscule des dieux (Was mich nicht umbringt macht mich stärker en Allemand).
Elle est utilisée très souvent par des juifs français,également des israéliens (en tatouage très à la mode)
Petite question : cette phrase était utilisée par les nazi pour former les SS ...
est-ce casher d'utiliser une telle phrase, vu son passé abject?
merci par avance

Rav Samuel Elikan
Mardi 11 mars 2014 - 18:11

Shalom,
1) J'imagine que vous parliez du "Crépuscule des idoles Ou Comment on philosophe avec un marteau" (1888 - traduit en français par H. Albert), qui est un livre très intéressant.
Vous n'êtes sûrement pas sans savoir que de grands rabbins, tel le Rav Kook, furent de fervents lecteurs de Nietzsche et ne manquèrent pas de discuter ses propos...

2) Que pensez-vous de la phrase suivante : "La technologie, dans son essence est une chose que l'homme ne contrôle pas".
Peut-on l'utiliser ?
Et pourtant c'est le philosophe nazi (ou pour le moins qui ne s'en est jamais excusé) Heidegger qui l'a prononcée...

Il y a de nombreuses expressions et phrases que nous utilisons et dont le passé n'est pas très glorieux. Si on en est conscient, à nous de faire le tri. Sinon, ou si on n'y voit aucun inconvénient, il n'y a pas de problème, à mon avis, d'utiliser de telles expressions, surtout si elles n'ont plus vraiment la même signification étant donné le changement de contexte (historique notamment).

Enfin, c'est mon avis personnel et il n'engage que moi. Mais je crois avoir sur qui m'appuyer. Le Rambam (intro. aux Maximes de nos Pères - Masseh'et Avot) ne disait-il pas "accepte la vérité de celui qui l'a dit" (c'est-à-dire que le contexte et l'auteur nous importe bien moins que le contenu de la parole) ?
Rav Hai Gaon, bien antécédent au Rambam, lors d'un cours sur un verset complexe, aurait demandé à un disciple venu d'Italie - Rabbi Matzliah' Ibn Al-Batzak - d'aller voir le curé local pour lui demander comment il comprenait ce verset. Et lorsque le disciple étonné et stupéfait hésita, Rav Hai Gaon lui dit que nos Sages ont enseigné qu'il faut "accepter la vérité de celui qui l'a dit" !

(Cette histoire est rapportée dans une lettre qu'a envoyé Rabbi Matzliah' à Rabbi Shmouel HaNagid (ben H'ofni) et est également rappelée dans un des poèmes de Rabbi Moshé Ibn Ezra, ainsi que dans le commentaire de Rabbi Yossef ben Rabbi Yehouda Ibn Aknin (grand disciple du Rambam et pour lequel le Guide des Egarés fut adressé/écrit) - toutes ces sources sont rapportées dans "Divrei Yemei Israël" de Tzvi Gretz, t. IV, p. 8 ainsi que dans "l'Encyc. de l'histoire des Tannaim, Amoraïm et Guéonim").

Il y a de nombreuses autres histoires qui vont dans ce sens. Le Rav Lichtenstein raconte (dans le livre "Mevakshei Paneh'a") que le Rav Y.D. Soloveitchik (son beau-père) lisait fréquemment Kierkegaard, malgré la foi chrétienne que celui-ci fait beaucoup ressortir dans ses écrits. Et pourtant, cela ne l'empêchait pas, après avoir analysé les idées exposées et réfléchi à leur "véracité" de les reprendre et de les utiliser dans ses sermons (drashot). L'essentiel étant le contenu.

Je vous invite à réagir si vous n'êtes pas d'accord avec ce point de vue.
Cordialement,