Conversation 77587 - Fautons cachés ou découverts ?!

tzipo
Dimanche 22 mars 2015 - 23:00

Chalom,

Dans le traité Mena'hot (63a), la Michna rapporte la question soulevée par Rabbi Yossi HaGlili : "Quelle différence entre la Ma'havat [l'oblation (Min'ha) sur la poêle] et la Mar'hechet [l'oblation dans le poêlon]". Et Rabbi Yossi Haglili de répondre que le premier ustensile (Ma'havat - la poêle) n'avait pas de couvercle tandis que le second (Mar'hechet - le poêlon) en possédait un.

Sur cette Michna, le Ben Ich 'Hai (dans son commentaire sur les Agadot du Talmud : Benayahou) demande : pour quelle raison la Torah fait-elle une différence entre ces deux ustensiles, pourquoi l'un a-t-il un couvercle et l'autre pas ? Le Ben Ich 'Hai répond en rapportant l'enseignement du traité Yoma (86b) qui met en contraction deux versets :

1) Téhilim (32;1) : אַשְׁרֵי נְשׂוּי פֶּשַׁע כְּסוּי חֲטָאָה (heureux celui dont les fautes sont remises, dont les péchés sont couverts). Ce verset nous suggère qu'il est bien pour un homme de cacher ses fautes, de ne pas les dévoiler.

2) Michlé (28; 13) : [...] מְכַסֶּה פְשָׁעָיו לֹא יַצְלִיחַ (celui qui cache/dissimule ses péchés n'aura pas la réussite). Ce qui laisse entendre, contrairement au premier, qu'il ne faut pas cacher ses fautes.

Le Talmud poursuit et nous répond qu'il n'y a en réalité aucune difficulté à résoudre ce problème, le premier verset faisant référence aux commandements : "Ben Adam LaMakom" (entre l'homme et Son Créateur) tandis que le deuxième verset fait références aux commandements "Ben Adam La'Havéro" (entre un homme et son prochain). Ainsi, lorsqu'un homme commet un péché envers Hachem, il ne doit pas le dévoiler, mais au contraire le cacher (comme suggéré dans le psaume 32).

Entre un homme et son prochain, c'est différent, la faute ne doit pas demeurer secrète, afin de permettre à l'entourage d'encourager "la victime" à pardonner à "l'agresseur". On comprend ainsi la différence entre la Mar'héchet (avec couvercle, car elle venait expier les fautes Ben Adam LaMakom) et la Ma'havat (sans couvercle, car elle venait expier des fautes [Ben Adam La'Havéro] qu'il était bien de dévoiler aux autres).

Ma question : comment comprendre cet enseignement ? En dehors de l'explication ramenée par le Talmud, en quoi est-il positif de dévoiler publiquement une faute commise entre l'homme et son prochain ? Prenons quelques exemples : Chimon médit sur son ami Levy (Lachon Ara); Réouven offense/insulte Raphael (Onaat Devarim); Dan vol son employeur en arrivant tous les matins avec 30 minutes de retard (Guezel). Dans ces trois cas, ne vaut-il pas mieux que le problème se règle seulement entre les personnes concernées [le pêcheur et la victime] ? Pourquoi devoir dévoiler au grand public la faute commise ? N'est-ce pas là rajouter une gêne/honte supplémentaire au pêcheur?

A moins que l'enseignement du talmud ne s'applique qu'à certains types bien précis de fautes Ben Adam La'Havéro qu'il faudrait effectivement ébruiter, auquel cas je serais grandement intéressé à en savoir un plus sur le sujet.

Merci et Kol Touv.

PS : je me suis aidé du commentaire tiré du livre "La Paracha" sur Tsav (édition Leket Eliaou, pages 70-73) pour rapporter cet enseignement.

Rav Samuel Elikan
Jeudi 25 février 2016 - 20:36

Shalom,

En réalité c'est un enseignement talmudique explicite de Rav Nah'man (Yuma 86a) qui dit explicitement qu'il faut dévoiler les fautes entre l'homme et son prochain, mais pas celles envers D'ieu.
Cet enseignement de Rav Nah'man est même tranché par le Rambam dans ses lois de repentance (chap. 2, hal. 5).

Le Rav David Yehouda Deutsch explique dans son Yad Kohen (Jérusalem, 2001, p. 54-55) que le principe de dévoiler au public, de divulguer a pour but de "briser" l'égo de l'homme qui a fauté, car il faut que l'autre accepte qu'il s'est repenti. Il ne s'agit pas simplement de dévoiler la faute, mais également le fait qu'il s'en repent.

Rabbi Yehonathan de Lunel dans ses commentaires sur Yuma (id.) écrit que la nécessité de "publier" n'est nécessaire que lorsqu'autrui (envers lequel il a fauté) lui demande de le faire, mais sinon, il n'y a là aucune nécessité.

Un de mes maîtres, le Rav Yonathan Rozin explique ("Dereh' Teshouva Horeita", chap. "Vidouy Berabim", éd. Yad HaRav Nissim, p. 129-142) que si l'on regarde attentivement dans le Rambam il fait appel à trois concepts différents, basés sur des enseignements talmudiques différents :

- le fait "d'exprimer ses fautes en public" qui apporte un grand plus à la teshouva, parce qu'il se fait honte à lui même alors qu'il ne devait pas le faire, il exprime aussi son regret et son tort à celui auquel il a fait du mal, alors que ce dernier ne le savait pas. Il n'y a aucune nécessité à faire cela et c'est une sorte d'alternative à une éventuelle réparation, surtout lorsqu'il n'y a pas de réparation possible. A ce moment là, s'il n'y a pas de réparation possible, lorsqu'il n'y a personne à qui l'on peut s'excuser et demander pardon, on demande pardon à la société, pour pouvoir seulement ensuite se tenir devant D'ieu. Sans cela la teshouva n'est pas entière. Là cela devient un stade intégral de la teshouva. Mais s'il y a un moyen de réparation de la faute ce dernier précède au fait d'exprime ses fautes en public qui ne reste qu'un "ajout" à la teshouva.

- le "dévoilement des fautes" - lorsqu'il a fauté contre un individu particulier (conscient du mal qui lui a été fait), il est bon de le lui dévoiler malgré tout et lui exprimer qu'il en a fait teshouva. Là aussi ce n'est pas obligatoire, mais permet à l'homme d'arriver à une plus grande plénitude dans sa teshouva.

- "vidouy stam" - c'est entre l'homme et D'ieu, il peut publier le sujet dans lequel il a fauté mais n'est pas obligé. Par contre s'il détaille, c'est vulgaire et arrogant.

Cordialement,