Conversation 887 - Insémination artificielle pour une célibataire

Anonyme
Jeudi 25 juillet 2002 - 23:00

Y-a-t-il un interdit dans la Thora à ce qu'une fille non mariée et qui n'a toujours pas trouvé l'ame soeur se fasse inséminée artificiellement (avant qu'elle ne puisse plus avoir d'enfant à cause de l'horloge biologique)?
Merci de répondre à cette question assez angoissante.

Rav Benjamin David
Dimanche 4 août 2002 - 23:00

je vous envoie a un article que j'ai ecrit sur ce sujet qui repond a votre question
bonne chance et je serais heureux d'etre en contact avec vous
shalom

Insémination de convenance : « AVOIR UN ENFANT SEULE »
du point de vue du judaïsme.

par le Rav Benjamin David
Janvier 2002

Ces derniers temps, de plus en plus de jeunes femmes juives pratiquantes, et non mariées à l’age de 35-40 ans, se posent la question de savoir s’il est autorisé de se faire inséminer par des semences d’un donneur, et d’élever cet enfant sans père.
Beaucoup d’entre elles, pour avoir perdu l’espoir de se marier, et désirant réaliser leur « droit » d’être mères, recherchent des arguments afin d’avoir l’autorisation hilkhatique pour cette intervention.

L’Institut Pouah de Jérusalem, spécialisé en éthique médicale dans les domaines de fécondité et gynécologie, a décidé de vérifier les aspects de cette question en prenant contact avec un certain nombre de décisionnaires rabbiniques dans le monde.

La conclusion de tous les rabbanim était unanime : l’insémination d’une célibataire par le sperme d’un donneur, est interdit par la loi juive, que la semence vienne d’un donneur juif ou d’un non-juif .

Nous nous proposons de vous exposer ici une partie des arguments avancés par les rabbanim, et qui sont aussi bien d’ordre juridique que d’ordre moral et spirituel.

1. Importance de la connaissance du père.

Le Talmud développe le principe du besoin de connaitre d’une manière certaine l’identité du père d’un enfant. Pourquoi cela ? Dans le but d’éviter les mariages consanguins. En effet, il existe un risque, même minime, qu’un enfant né d’un don de sperme, se marie avec son demi-frère ou sa demi-soeur, dans le cas où le sperme aurait été partagé avec d’autres femmes, ou même dans le cas où le père génétique aurait une fille légitime suite à un mariage.

Le mariage entre frère et soeur, ou même demi-soeur, est considéré comme un inceste. Les enfants issus de ce mariage sont considérés par la loi toranique comme des « Mamezerim », statut juridique qui les empêche de pouvoir se marier (seul le mariage entre mamezerim serait autorisé).

C’est pour éviter ces graves problèmes que le Talmud demande à une femme veuve ou divorcée d’attendre trois mois avant de se remarier, afin que l’on puisse distinguer entre le sperme du premier mari et celui du
deuxième mari, et donc définir d’une façon certaine l’identité du père dans le cas d’un enfant conçu à cette période intermédiaire.

Pour cette même raison, la thora demande, durant les traitements de PMA, la présence d’un/e délégué/e rabbinique, qui assurera la traçabilité de la paternité de l’enfant.

La connaissance de l’identité du père est aussi importante pour les lois d’héritage. En effet, si le défunt a d’autres enfants dans le monde que les enfants de son propre mariage, se pose le problème d’un héritage qui devrait peut-être être partagé par tous les descendants, même ceux issus d’un don de sperme. L’omission de certains des descendants lors du partage serait alors considéré comme un vol car, selon la loi toranique, un homme ne peut déshériter ses enfants .

Un enfant dont on ne connait pas le père (par exemple issu d’un don de sperme) a le statut social de shtouki. Cet enfant n’a le droit de se marier, d’après la loi toranique, qu’avec une personne de même statut.

L’insémination de sperme d’un donneur anonyme est donc impensable.

2. Associés dans la création d’un enfant : le père, la mère et D-ieu.

L’angle de vue sous lequel nous avons présenté le sujet jusqu’à présent est un argumentaire juridique. Or, le problème principal de l’acte de cette femme, c’est de ne voir dans l’homme qu’une source de « matière séminale ».

Selon cette conception des choses, les notion de mariage, mari, père, sont vides de signification. L’acte sexuel ne serait qu’un acte technique, dont le but seul et unique serait de féconder un ovocyte. Dans ce cas là, l’origine de cette matière première peut aussi bien être un homme que la banque du sperme !

Cette conception des choses est parfaitement étrangère au judaïsme qui voit, dans l’union d’un homme et d’une femme un acte empli de sainteté (en hébreu, le mariage est appelé Kidouchin, c’est-à-dire sanctification). La Torah précise : « C’est pourquoi l’homme abandonne son père et sa mère et s’unit à sa femme, et ils deviennent une seule chair ». Selon l’explication du grand commentateur Rachi, une seule chair veut dire : un enfant. Il est donc clair que l’enfant doit naître au sein d’un couple uni par le mariage. Et pour expliquer cette donnée, le Talmud nous enseigne qu’il y a trois associés dans la conception d’un enfant : la mère, le père, et D-ieu. C’est pour cette raison que le Talmud compare le respect des parents au respect de D-ieu, et l’insulte aux parents au blasphème de D-ieu .
Sur ce passage du Talmud, le commentateur Ibn Pékouda soulève la question : pourquoi est-il dit spécifiquement à l’homme que dans la procréation, il y a trois associés ? N’y a-t-il pas également intervention divine dans la procréation du veau par le taureau et la vache ? Comment l’homme peut-il être associé au divin, qui est la source de vie de toute la création, père et mère compris ?

Ibn Pékouda nous explique que D-ieu a choisi le père et la mère comme associés afin d’apporter à l’enfant la part de spirituel qui le différencie des autres créatures. Lorsque, dans un foyer, le père et la mère vivent en harmonie, la présence divine réside parmi eux et entoure l’enfant. Mais lorsqu’une femme décide de faire un enfant seule, sans père, le troisième associé, le divin, se retire aussi car l’équilibre est rompu. Nait alors un enfant auquel il manquera une partie de la force divine. Qui nous en a donné l’autorisation …

Cette femme peut répondre que le divorce existe dans le judaïsme, et qu’il est donc concevable qu’un enfant grandisse sans père.
Ces situations ne sont pas comparables. Un enfant, né de parents divorcés, ou orphelin, n’est pas un enfant sans père. Le père existe, au fond de l’enfant, à chaque instant de son existence. Il peut s’identifier à son image, suivre son modèle, avoir une référence sur laquelle s’appuyer.
Alors que dans le cas d’une insémination anonyme, l’enfant n’a aucun modèle parital où se projetter, il a au fond de lui un vide total. C’est d’ailleurs pour cette raison que des adultes, nés dans les années soixante d’un don de sperme, aux Etats-Unis et au Canada, se mettent aujourd’hui à rechercher des traces de leur père biologique !

Un enfant sans identité paritale risque d’être perturbé psychologiquement. La décision de la mère d’exercer son « droit » à être mère est donc au détriment de l’équilibre spirituel de son enfant. D’où la question : a-t-on le droit de faire du mal à autrui afin de se faire du bien à soi-même ? Cette attitude va totalement à l’encontre de l’enseignement de Hillel dans le Talmud , et qui précise bien que le fondement de tous les commandements du judaïsme est : « Aime ton prochain comme toi-même, et ne fais pas à ton prochain ce qui t’est détestable. »

Dans le judaïsme, être père n’est pas qu’une fonction biologique, c’est avant tout une responsabilité envers son enfant, et des obligations que seul le père doit remplir : le faire circoncire, racheter son premier-né, lui enseigner la Thora, lui enseigner un métier et l’aider à se marier. Le Talmud précise que ces obligations sont sous la responsabilité du père.

Avoir un enfant, ce n’est pas un droit, mais principalement un devoir. Ce n’est pas l’objet d’une jouissance personnelle, mais une responsabilité envers l’humanité. C’est pour cette raison que d’après la halakha, seul un homme qui aurait engendré un fils et une fille et qui, par cela a contribué à la perpétuité de la présence humaine sur terre, aura pleinement accompli le commandement de « Croissez et multipliez » .

C’est pour cette raison-là que Hanna, la mère du prophète Samuel, l’a consacré à D-ieu en l’amenant aux prêtres du Sanctuaire de Shilo. C’est la preuve que dans sa prière adressée à D-ieu, elle ne cherchait pas simplement à assouvir un besoin, ou à exercer son « droit » égoïste à être mère, mais à accomplir son devoir envers son peuple et l’humanité toute entière .

Pour un enfant, être orphelin (ou pour une femme être veuve), est considéré comme le statut social le plus difficile à assumer. Il est tout particulièrement précisé qu’il est interdit d’offenser la veuve et l’orphelin . Le Midrach nous enseigne que D-ieu est le père de tous les orphelins, et qu’il s’occupe d’eux plus spécialement. Sommes-nous autorisés à mettre au monde un orphelin à priori ?

Selon toutes ces sources de réflexion et d’enseignement, l’insémination de convenance est totalement interdite par le judaïsme, interdit qu’enfreindraient la mère de l’enfant et le père donneur de sperme, considéré comme abandonnant ses descendants.

Anonyme
Lundi 5 août 2002 - 23:00

Au sujet de la réponse à la question 887, le din de mamzere existe t'il meme si le donneur est non juif ?
Cette question est intéressante car "Actualité Juive" à publié un article il y a quelques mois concernant un cas similaire et la fille en question avait obtenu un accord rabbinique (je ne sais pas quels etaient les rabbanim en question). La condition à cette insémination etait que le donneur soit non juif.

Rav Benjamin David
Mardi 6 août 2002 - 23:00

shalom,
je ne connais aucun rav qui aurait autorisé à une célibataire d'avoir un enfant toute seule! les sommité rabbinique que l'Institut Pouah a consulté sont:
le Rav Mordehay Eliyaou (ancien grand rabbin d'israel), le Rav Bakshi-doron (grand rabbin d'Israel), le rav Menashé Klein (rabbi de hungwar), le rav Lior (av bet din et grand rabbin de kiryat arbba), le rav Aviner (rav de bet el et rosh yeshiva de ateret coanim), le Rav Ariel ( grand rabbin de Ramat Gan), le Rav Mazouz (rosh yéshiva de kissé rahamim), le rav Névétsal (rabbin de la vieille ville de jérusalem), le rav zilberstein... leur decision été unanime!
il ne faut pas croire tout se que l'on raconte qu nom de certains rabbins!
je n'ai pas évoqué le problème de mamezer dans ma reponse 887 car se n'est pas là le problème.
shalom,

Anonyme
Samedi 21 septembre 2002 - 23:00

1) Est-il permis de faire congeler des ovules (pendant qu'il y en a encore!) pour pouvoir les utiliser quand on aura trouvé son ben zoug et que biologiquement il sera trop tard pour en produire (des ovules)? J'ai lu un article qui disait qu'après 35 ans la qualité et la quantité des ovules produites baissait, et qu'une femme avait tout interet à utiliser la congélation en attendant une fécondation ultérieure.

2) suite à votre réponse concernant l'insémination artificielle chez une célibataire, question: si le "torem" (donneur) est connu mais secret , est-ce autorisé?
merci pour votre aide!

Rav Benjamin David
Lundi 28 octobre 2002 - 23:00

Chalom,
Pour le moment la congélation d'ovocytes est encore expérimentale. A la différence du sperme et des embryons qui se congèlent facilement, la congélation des ovocytes n'est pas encore maitrisée, mais cela ne saurait tarder. Les premiers essais concluants ont été effectués en Italie.
En Israël il y a deux grossesses et naissances annoncées à partir d'ovocytes congelées. Pour cette raison le Ministère de la Santé Israélien n'autorise pas encore à des femmes célibataires de se faire conserver des ovocytes. Mais les lois peuvent changer.
Au point de vue de la halakha, il n'y a pas de problème majeur pour une "vieille" célibataire, de se faire congeler des ovocytes afin qu'ils soient utilisés plus tard après s'être mariée. Cela semble préferable car cette technique permettrait d'éviter le don d'ovocyte, qui ne fait pas unanimité chez nos décisionaires rabbiniques. Cependant la meilleure solution est bien sûr de ne pas faire traîner les choses et de se marier le plus tôt possible.

Apropos de votre deuxième question, le problème pricipal est de concevoir un enfant qui n'aura pas de père. Là est le problème! Aucune personne au monde n'est prête à naître orphelin! Il ne faut pas faire à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse!

bonne chance
Chalom

illann5
Mardi 19 février 2008 - 23:00

shalom
cette question est au sujet de la question numero 887

kvod harav

vous dites dans la premiere partie de votre article (celle qui traite du probleme halakique soulevé par cette question) que les deux raisons d'interdire sont :
-de peur que l'enfant se marie avec son demi frere ou soeur
-les problemmes d'heritage

il me semble que l'on peut s'en sortir en utilisant un donneur goy : il n'y a pas de yikhous et on ne peut pas considerer le donneur comme le pere

de plus il me semble que rav moche feinstein considere que dans un pays autre que israel dans lequel la loi exige un donneur annonyme, on peu s'appuyer sur un rov de goym (miouta demiouta : les juifs sont en minorité et les donneurs juifs sont d'autant plus rare)

merci et encore bravo pour ce site

Rav Benjamin David
Lundi 25 février 2008 - 00:32

Le problème fondamental n'est pas les détails que vous évoquez mais le fait de détruire par cela la notion de mariage et l'importance de la présence d'un père dans une famille. Vous pouvez trouver toutes les solutions possibles pour éviter tel ou tel problème mais cela ne changera rien car le principe même de programmer un enfant orphelin de naissance, sans repères paternel est une chose qu'aucun rabbin accepte. Vous allez me dire qu'il existe sur terre des orphelins suite aux accidents de voitures et aux guerres et qu'il existe des enfants dont les parents sont divorcés et le père n'est pas en contact avec eux. Oui c'est vrai qu'il y a des malheurs sur cette terre mais personne ne se les souhaite et personne ne les souhaite à ses propres enfants. La base du judaïsme est: aime ton prochain comme toi même et ne fais pas à autrui se qui t'est désagréable à tes yeux. Personne ne veut être orphelin! Personne ne désire que son père le quitte! Donc l'insémination d'une célibataire est interdit quel que soit les semences utilisés! Afin d'aider cette dame je vous propose plutôt de lui présenter une de vos connaissances qui désire lui même se marier et attend l'âme soeur.