Conversation 51984 - Hiérarchie entre les anges

babaz
Lundi 3 mai 2010 - 23:00

Bonjour,

La Torah établit-elle une "hiérarchie" entre les anges dont les noms apparaissent dans le 'Houmach ?
À côté de la tâche qui leur a incombé auprès d'Avraham, sont-ils chacun "caractérisés" dans leurs "compétences" ?

Je vous remercie

Nathan Schwob
Dimanche 27 juin 2010 - 09:29

La Thora n'établie pas de hiérarchie entre les anges. Leurs noms ne figurent pas dans le H'oumach (Pentateuque), et si vous relisez avec attention le texte biblique que vous citez (Berèchit ch.18 et 19) vous n'y trouverez pas des anges mais des hommes (Anachim). La lecture sous cet angle soulèvera quelques questions. Vous comprendrez mieux, alors l'explication de nos sages que Rachi ramène dans son commentaire (Ch.18 v.2) et à laquelle vous faites référence: ces hommes étaient des "envoyés" à apparence humaine et chacun avait un rôle bien précis.

Il faut donc comprendre ce que nos sages nous enseignent lorsqu'ils parlent d'anges, et pour commencer rappelons que l'étymologie grecque du mot "ange" est la même que "Malakh" en hébreux. Un ange est un envoyé.
Exemples de "Malakhim" en chair et en os:
Moché envoie des émissaires (Malakhim) au Roi d'Édom pour lui demander l'autorisation de traverser son pays (Bamidbar 20,14). Dans sa missive il raconte la courte histoire du peuple d'Israël, l'esclavage en Égypte et la libération par un "Malakh" envoyé de D-ieu, qui n'est autre que Moché lui même.
Exemples de "Malakhim" ceux-ci célestes:
Yaacov, bénissant ses petits fils leur dit: "que le Malakh qui m'a sauvé de tout malheur bénisse ces jeunes gens" (Berèchit ch.48,16). Faisait-il allusion aux "Malakhim" du rêve de l'échelle (Berèchit 28,12) ou bien au "Malakh" du rêve sur la fécondité du troupeau (Berèchit ch.31,11) ou bien au "Malakhim" qui vinrent à sa rencontre à Mah'anayim (Berèchit ch.32,2) ou à ceux qu'il envoya à son frère Essav (Berèchit ch.32,4) et qui ne sont peut être aussi que des "anges" en chair et en os? Question de commentaires, mais tous sont des envoyés.

Nous comprenons donc que pour la Thora comme pour nos sages, D-ieu a beaucoup d'émissaires pour réaliser Sa volonté. Certains sont célestes, spirituels, mais d'autres sont terrestres: hommes, animaux ou lois de la nature. Ils sont tous les vecteurs de la volonté ou de la loi divine et ne doivent surtout pas être considérés par erreur comme des substituts de D-ieu, auxquels auraient été attribués des pouvoirs surnaturels et une autonomie d'action.
(Seul l'homme doit être distingué des autres parce qu'il peut choisir d'être ou de ne pas être "Malakh", c'est à dire, un représentant de la Volonté Divine).

Pour Maimonide, l'idolâtrie commence là ou l'homme cherche à remplacer le lien direct qu'il peut avoir avec D-ieu en y introduisant des émissaires, des intermédiaires, qui remplaceront D-ieu et aussi, le remplaceront devant D-ieu (en le déresponsabilisant). (Lois concernant l'idolâtrie Ch.1,1 et 2,1).

Sans la compréhension de ces quelques lignes on ne peut pas saisir l'intention de nos sages dans les textes qui parlent d'anges et de ... hiérarchie.

Tout d'abord nous avons un passage unique dans le Tanakh (la Bible), qui nous parle de l'ange Mikhaël en tant que "un des princes supérieurs", ou plutôt "un des premiers préposés" (Daniel 10,13) et puis aussi comme "le grand préposé" (Daniel 12,1), qui pourrait se comprendre comme le plus grand, ou bien tout simplement comme le préposé sur Israël (Daniel 10,21) qui est un grand peuple et dont la grandeur se reflète sur son ange.

Nos sages sont plus explicites.
Quand le Talmud explique que si trois sages marchent ensemble, alors le plus grand se placera au milieu, le second à sa droite et le troisième à la gauche du premier, il apporte l'exemple des trois envoyés chez Avraham: au centre se trouvait Mikhaël, à sa droite Gavriel et à gauche du premier se trouvait Rephaël (Yoma 37a). Il y a donc bien une hiérarchie.
Cependant cette hiérarchie n'a rien à voir avec un ordre militaire ou même politique, dans les cieux, mais ressemble plutôt à une échelle de valeurs qui définit une priorité ou un ordre parmi des valeurs qui peuvent aussi fonctionner en parallèle. Mikhaël représente l'attribut divin de la bonté (H'essed), Gavriel représente l'attribut divin de la loi (Din) et Rephaël représente l'attribut divin de la miséricorde (Rah'amim). Ces trois attributs sont aussi les qualités essentielles des patriarches: Avraham, la bonté; Yitsh'ak, la loi; Yaakov, la miséricorde (synthèse de la bonté et de la loi).
Les trois "messagers" qui visitent Avraham sont donc placés suivant l'ordre de l'apparition des patriarches sur la scène de l'histoire. C'est aussi l'ordre de la réapparition de la présence de D-ieu dans le monde, de la Providence, telle que les hommes pourront la cerner.

Mais une fois que la création du peuple d'Israël sera terminée, (Israël dont "l'ange gardien" est Mikhaël, c'est à dire qu'Israël se place directement sous la tutelle de la bonté de D-ieu qui dépasse même les lois), alors l'ordre divin qui régit le monde va changer. Dans le désert on construit le Michkan (Tabernacle) et les tribus vont se placer autour à la manière des anges du char divin (Midrach Rabba Bamibar 2): à droite (sud) Mikhaël, à gauche (nord) Gavriel, puis au milieu devant (est): Rephaël et enfin au milieu à l'arrière (ouest), le plus proche du Saint des Saints: Rephaël.
Cette ordre vient nous enseigner que les valeurs qui doivent avoir la priorité durant la longue marche historique du peuple juif, sont la spiritualité inspirée par D-ieu au travers des lumières de la Thora (Ouriel) et l'harmonie entre la bonté et la justice qui apparait dans le Rah'amim, la miséricorde, qui est l'attribut de Yaacov, le préféré des trois patriarches.

Voir aussi la 39331 et la 42306 et bien d'autres.