Que penser du petit Chmouel ?

mojo93
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mer 30/10/2013 - 23:00

bonjour
avez vous entendu parler du petit shmouel un enfant de 9 ans handicapé qui s'est révélé etre le gilgoul de shmouel hanavi ???
sur l' importance pour chaque juif d'aller en israel afin de conduire à la venue de machiah .

mes questions sont les suivantes :
-comment peut-on savoir de qui notre nechama est elle le guilgoul ?
- la venue de machiah ne pourra t-elle pas avoir lieu si certains juifs sont en geoula ?

Nathaniel Zerbib
ven 25/04/2014 - 08:36

Chalom,

Comme vous, j’ai entendu parler de ce petit garçon il y a quelques jours à travers la vidéo suivante :

Tout d’abord, sur un plan purement personnel, je dois vous dire que j’ai été empli d’émotion en regardant ce petit garçon handicape entouré par tant de personnes l’aimant voire l’admirant.
Je ne peux m’empêcher de penser au bien que cela doit lui faire et la joie qu’il doit ressentir de l’importance que les gens lui accordent.

Cependant, lorsqu’il s’agit de porter un jugement sur quelconque phénomène, fait ou attitude selon une approche fondée sur la Torah, nous ne pouvons pas y mêler nos sentiments et nous devons nous remettre à nos textes et aux paroles de nos Sages ayant pour rôle de nous guider non seulement dans nos actes mais aussi et surtout dans notre manière de penser et d’analyser le Monde qui nous entoure.
N’ayant visionné que cette vidéo et n’en sachant pas plus sur ce cas, je résumerais le message qui en découle par la phrase suivante : “le petit Chmouel, qui pourrait être la réincarnation du prophète Chmouel est venu au Monde afin de nous dévoiler de manière prophétique le message de D. qui est que la Geoula (rédemption) est proche et que pour la faire venir, il faut que les juifs montent en Israël ".

Avant d’analyser cette phrase en détail, je voudrais mettre en évidence le fait que la société occidentale dans laquelle nous vivons est, malheureusement, quasi-totalement conditionnée par le Monde de l’imaginaire et les émotions ont une importance décisive dans les expériences vécues au quotidien. De plus en plus d’écrans par lesquels sont diffusées toutes sortes d’images sensationnelles emplissent notre paysage et l’Homme est constamment à la recherche de sensations fortes et de stimulations de type extraordinaire si bien qu’une vie au caractère véritable mais ordinaire se trouverait dénuée de tout intérêt. L’origine de ce phénomène est complexe et multiple mais il me semble que la raison principale est la base sur laquelle cette société repose, à savoir, la culture chrétienne qui met en avant le coté émotionnel et rejette totalement la place de l’intellect dans la relation de l’Homme avec D. Selon cette conception, le niveau de croyance d’un fidèle est fonction de son aptitude à croire en des choses dénuées de toute logique, en d’autres termes à l’absurde et à l’imaginaire. Or, selon les Sages d’Israël, la Torah rejette un tel état d’esprit. Ribbi Yehouda Halevi écrit dans le Kouzari (1,89) : « Dieu me préserve de l'absurde et de ce que l'intellect rejette et tient pour irrationnel».
Le problème de ce phénomène qui n’a plus aujourd’hui aucun caractère chrétien explicite, est qu’il pénètre également dans les cercles religieux au sein du peuple juif. Paradoxalement, beaucoup de gens qui étudient de manière très approfondie les textes du Talmud, se servant uniquement de leur intellect et procédant à des argumentations logiques et rationnelles, cessent de " réfléchir " et se reposent sur leur intuition ou leurs sentiments lorsqu’il s’agit des croyances religieuses.
Parallèlement à la société profane, on trouve une nécessité de s’émouvoir pour considérer une expérience religieuse comme significative. Ainsi, par exemple, le nombre de participants au voyage à Ouman à Roch-Achana augmente d’année en année. Je suis convaincu que la plupart y vont avec des intentions pures et pleine de sainteté. Cependant, on ne peut faire abstraction du coté folklorique, exotique et sensationnel que pourvoit ce voyage qui le rend si attrayant.

De la même façon, dans notre cas présent, il y a ici un phénomène au caractère extraordinaire voire extrême le rendant aussi populaire mais qui n’est pas nécessairement ce que la Torah voit comme positif et auquel il faut croire.
De manière générale, la Torah nous a été donnée et comporte des réponses a nos questions et c’est cette même Torah qui dit d’elle-même : « Elle n’est pas dans le ciel » (Devarim 30), à savoir qu’elle est suffisamment vaste pour qu’on se suffise de ce qu’elle nous enseigne sans besoin d’avoir recours à des sources extérieures venant de tout autre horizon.

Analysons à présent chaque point qui constitue la phrase citée précédemment ;

1. "Ce petit garçon pourrait être Chmouel le prophète réincarné" : bien que n’ayant rien contre la théorie de la réincarnation ("Torat hagilgoulim ") qui a des sources très établies au sein des Sages de la Kabbale, nous ne devons pas essayer de la mettre en pratique et de voir dans untel la réincarnation d’une personne disparue. D’abord, parce que nous n’en avons pas les moyens, mais surtout parce que cette "science”, comme toutes celles appartenant au coté caché de la Torah doit demeurer purement théorique et ne peut en aucun cas avoir d’incidence pratique sur notre façon d’agir au quotidien. De plus, il est intéressant de constater que c’est justement le prophète Chmouel qui a réprimandé très sévèrement Chaoul d’avoir eu recours à ce genre de pratique (Chmouel I 28,15).
Indépendamment de cela, pouvons-nous considérer ce garçon comme un prophète ? Selon la Halacha qui stipule les conditions requises pour être un prophète, c’est impossible. Selon le Rambam (Yesode Hatorah 7,1), il faut qu’il ait un corps sans aucun défaut et qu’il soit d’une grande sagesse. Un handicapé mental et moteur ne répond malheureusement pas à ce critère. De plus, Rabeinou Nissim Geirondi précise qu’il doit être riche et valeureux et qu’il doit s’approcher de la perfection physique (Drachot HaRan, 3).
De plus, pour pouvoir proclamer quelqu’un comme prophete, il faut qu’il prédise très précisément des évènements futurs et ce, à maintes reprises.

2. "La Geoula est proche" : De nombreuses personnes parlent de la Geoula mais ne savent pas de quoi il s’agit. Beaucoup voient en ce terme une sorte d’apocalypse menée par D. de manière miraculeuse où tous les juifs feraient téchouva et accompliraient les mitsvot et tous les problèmes du quotidien (parnassa, santé, sécurité …) seraient réglés comme par enchantement. Dans la haftara qu’on lit la veille de Roch-‘Hodech, Chaoul demande à son fils Yeonathan : " Pourquoi le fils de Yichai n'a-t-il paru ni hier ni aujourd'hui au repas " (Chmouel I, 20,27). Certains voient en cela l’explication de l’attardement de la venue du Messie, appelé "fils de Yichai" en le fait que les gens l’attendent pour "le repas", c'est à dire, les problèmes personnels (ou au mieux ceux du peuple) du quotidien et non par idéal que le Monde et les nations se parfassent et arrivent à la reconnaissance d’un D. unique afin que Son nom soit sanctifié.

Cette croyance primaire, voire infantile, est le fruit de 2000 ans de culture chrétienne qui ont eu une influence déterminante dans la conception des nuances ayant attrait au spirituel et divin. Du temps de la domination romaine sur le Royaume de Judée, les juifs avec les Sages de la Michna à leur tête, ont œuvré pour se soutirer du joug de l’oppresseur afin de retrouver leur indépendance politique et c’est en cela qu’ils concevaient le terme de Geoula. Jésus qui vécut à cette époque dit à ces Sages que leur lutte n’était pas celle désirée par D. mais que seule "la délivrance de l’âme" pour laquelle il se voyait être l’émissaire, amènerait la rédemption finale, ce qui lui valut d’être exclu de la communauté juive parce qu’étant une théorie étrangère à la Torah d’Israël.

Donc, si l’on s’en tient aux textes, la Geoula n’est pas proche mais elle est déjà arrivée et est déjà à une étape très avancée en vue de son achèvement. En effet, dans le premier chapitre de Netsa’h Israel, le Maharal de Prague nous enseigne que la Geoula est le contraire de la Galoute et nous donne une définition de cette dernière : c’est lorsque le peuple juif est en dehors de sa terre, dispersé et soumis à un gouvernement non-juif. La définition de la Geoula est donc lorsque le peuple juif réside regroupé sur sa terre en souverain unique. Selon cette définition, la Geoula a eu lieu le 5 Iyar 5708 (14 Mai 1948 ) lors de la proclamation de l’indépendance de l’Etat d’Israël par David Ben Gourion. Elle reflète donc un processus (non-achevé, bien évidemment, tous les juifs ne sont pas encore revenus et le Beth-Amikdach par encore sur pied) politique et non spirituelo-mystique. D’ailleurs, chaque fois que ce terme apparaît dans le Tanakh, c’est dans un contexte relatif à la terre ,au champ, à la réalité bien terrestre.

C’est assez sidérant que les gens s’attachent à des évènements supposés miraculeux, certains douteux , quoiqu’il en soit négligeables, alors que le plus grand miracle est qu’après deux mille ans de terrible exil, le peuple juif retrouve son indépendance sur sa terre et après un peu plus de 60 ans a réussit à consolider un Etat puissant dans tous les domaines et ce, dans le cadre d’un processus dénué de tout miracle au sens habituel du terme. Cela me rappelle une anecdote datant de l’opération " Plomb durci" à Gaza en 2009 ou les soldats racontaient que Ra’hel, la femme de Yaacov leur était apparue et les avait aidé dans leur mission. Je n’ai aucune idée si cette histoire est véritable mais la n’est pas l’essentiel. Ce "fait" doit être considéré comme secondaire devant la grandeur du bienfait que D. nous à octroyé en l’image de Tsahal avec ses avions, ses tanks, et ses soldats risquant quotidiennement leur vie afin d’assurer la sécurité d’Israël. Il y a peine une centaine d’années, personne n’aurait rêvé d’un tel scénario..

3. "Les juifs doivent monter en Israël" ; je n’ai vraiment rien contre cette requête, bien au contraire, j’y suis très favorable. Mais pourquoi avons-nous besoin d’une quelconque personne pour nous le demander ? La Torah respire le lien immuable entre le peuple d’Israël et sa terre. De plus, il existe une mitsva d’y vivre et une interdiction d’en sortir, donc quelle nouveauté cela nous apporte-t-il ? Finalement, à quoi sert ce remue-ménage si nous arrivons à la même conclusion en ne faisant que nous référer à nos textes et notre tradition ancestraux ?

Je souhaite à ce garçon qu’il ne lui arrive que des choses positives et que D. lui envoie beaucoup de santé.

Bivrakha.