Conversation 31744 - le ou les judaismes ?

franck_m
Samedi 10 juin 2006 - 23:00

Shalom,
Pour avoir longuement lu Maimonide et certains de ses commentateurs, je me pose la question par rapport à la relation entre le judaisme, SES pensées et ses pratiques.
Dans vos nombreuses réponses, vous insistez sur une rigidité totale (cela est au moins en accord avec les positions orthodixes) et une absence d'évolution des pratiques.
Pourtant, la manières dont vous regardez les mouvements non orthodoxes ressemblent étrangement aux accusations dont faisait l'objet Maimonide en son temps.
Il est également et malheureusement vrai que du judaisme de Hillel, il ne reste plus grand chose car vous dénigrez toute parole ne correspondant pas à votre dogme. Pourtant de nombreux ouvrages montrent bien la diversité du judaisme. Martin Buber, Moshe Mendelsohn, Leibowitz et d'autres.
Je n'ai pas de questions particulière car vos réponses en disent déjà long mais je me permets un parallèle. Le fondamentalisme régnant en terre d'islam est une gangrène que j'espère ne jamais voir en Israël.
Kol Tuv

Dr Michael Ben Admon
Lundi 12 juin 2006 - 11:50

Shalom,

En tant que lecteur de Maimonide, Leibovitz et Mendelsohn, vous savez sans doute l'importance que ces derniers conferent a la Loi et au caractere orthopraxe du judaisme.
Pour eux, la loi est une structure necessaire pour la conservation du groupe tant au niveau des ses valeurs et culture, qu'au niveau de sa conscience de groupe different.
En matiere de Halakha: un grand dynamisme est present dans les textes classiques de Halakha il s'exprime au travers des milliers d'ouvrages de Responsa dans lesquels les decisionnaires discutent des pratiques et valeurs a propos desquelles ils sont questionnes. Le devoir de considerer ces textes comme des precedents juridiques, d'en discuter les tenants et les aboutissants avant de fixer la Halakha est une donnee commune au Judaisme orthodoxe dans toutes ses ramifications sociales et theologiques (Haredi, Sioniste religieux, Hassidim, Modern Orthodox) et une partie du monde Conservative (contrairement aux liberaux).
L'esprit qui regne sur Cheela est un esprit ouvert dans ses conceptions du Judaisme mais scrupuleux en matiere de Halakha, et dans cette derniere surtout attentif aux questions, besoins et certaines fois meme detresses de certaines personnes. C'est pourquoi la comparaison avec le fondamentalisme qui regne en terre d'Islam, meme si certains voient en cette experience orientale quelque chose de fantastique,
me parait exageree.
Je ne pense pas qu'il y ait un dogme quelconque qui reunisse les rabbins de Cheela et chacun, pour peu qu'on les connaisse detient son approche et convictions personnelles. Je ne pense pas que l'on puisse denigrer quelque courant du Judaisme dans le sens ou il oeuvre comme tous pour la perennite du peuple juif, mais ce n'est pas pour autant que l'on doit s'accorder avec tous. La tolerance pour l'autre ne meme pas necesssairement au pluralisme.
En matiere de pensee juive, il est en effet fondamental de se pencher sur les textes fondateurs du Judaisme et d'en avoir une lecture critique, personnelle a chacun, afin de se forger ensuite ses propres opinions.

Natiti
Dimanche 11 juin 2006 - 23:00

Shalom Dr ben Admon
j'ai une quesiton à propos de votre réponse à la 31744:

Si la pérénité du peuple juif exige à la fois le maintien du l'orthodoxie et l'unité du peuple y compris au travers de tous ses courants du judaisme, et que d'autre part la position du Rav Kook si je me souviens bien est de dire qu'il vaut mieux un juif sans Dieu et sans pratique en Israel qu'un religieux hors d'Israel, alors comment ne pas tolérer et s'unir aussi aux judaisme de courants dits réformés afin de rassembler une proportion majoritaire de juifs diasporiques en Israel.
En quoi les courants réformés sont-ils pire qu'un juif qui ne pratique pas les mitsvoth à vos yeux ou qui vient/ne vient pas en Israel? (sous réserve que j'aie bien compris, si non pardonnez-moi et je maintiens ma question)

Mes respects, kol touv

Dr Michael Ben Admon
Mardi 13 juin 2006 - 09:49

Shalom,

Tout d'abord, quelques petites corrections: Je n'ai ecrit nulle part que les courants reformes sont pires que quoi que ce soit. Le Judaisme reforme (sans parler des derives de synagogues et mariages homosexuels etc) a le merite de rassembler des milliers, peut-etre des centaines de milliers de juifs (je ne parle que des juifs dans ce cas la) qui ne seraient jamais arrive dans des synagogues orthodoxes et qui conservent dans cette rencontre la seule fibre qui les rattache a leur judeite. En ce sens, ils luttent aussi pour la perennite du peuple juif et en cela ils ont sans doute leur role. A cote de cela, la doctrine qui est enseignee aux fideles ainsi que le rapport a la Halakha les situent en marge du Judaisme traditionnel. Les dirigeants liberaux le savent tres bien et considerent que c'est la l'ame du judaisme liberal: reformer le Judaisme. Sans doute peut-on trouver des valeurs importantes dans ces discours, un support souvent inconditionnel a l'etat d'israel, mais on ne peut occulter le fait que l'assimilation et ses menaces sont introduites au sein de la synagogue de par les conceptions sur la Judaite, les mariages mixtes et conversions. En termes de pensee le debat est ouvert; en termes de halakha nous sommes extremement eloignes, je me demande meme si nous avons de quoi parler (en termes de halakha je precise).

Deuxieme point: On attribue souvant au rav Kook ces propos, qu'il vaut mieux etre non-pratiquant en Israel qu'ultra-orthodoxe en dehors Israel (Manitou repondait: On ne peut pas etre normal ?). Je ne crois pas qu'il ait dit de telles choses mais c'est une extrapolation de ce qu'on peut comprendre en gros de sa pensee sur la centralite de la terre d'Israel.

Maintenant, concernant votre question: On peut en effet s'unir aux differents courants du Judaisme afin de favoriser la Aliya des juifs du monde entier. En cela, on permet de renforcer la demographie israelienne et de plus permettons a beaucoup d'accomplir la mitsva (et le plaisir) d'habiter sur la terre d'Israel et de contribuer a la plus grande aventure du peuple juif depuis 2000 ans. Ces cooperations existent et font beaucoup de travail au sein des differents programmes de l'agence juive et vous comprendrez aisemment que les relations et rencontres de dirigeants religieux eveillent des sensibilites et des problemes d'ordre politique (reconnaissance de ces mouvements etc...).
La mitsva d'habiter en Israel releve du religieux - de la halakha - et elle ne tient pas compte des apartenances socio-communautaires des juifs au travers du monde.

franck_m
Lundi 12 juin 2006 - 23:00

Réponse sur 31744 et 31755 : Le ou les judaismes.
Shalom,
Je suis positivement surpris par votre réponse et votre esprit (je ne me permettrais pas d'avoir nuls préjugés).
Mais il y a tout de même certains points qui appellent des commentaires.
Tout d'abords l'accord dont vous parlez sous l'alyah. Je vous rappelle que les convertis de mouvements non orthodoxes décidant de monter en Israël sont reconnu en tant que Juif par l'Etat d'Israël mais en aucun cas par le rabbinat. Et si par malheur, l'un d'entre eux venait à mourir, il lui serait refusé d'être enterré dans un cimetière juif... Ce n'est qu'un exemple mais il est tellement significatif.
Je comprends les désaccords sur certains points entre visions orthodoxes et conservative ou libérales.
Mais j'en reviens sur les discussions talmudiques dans lesquelles des rabbins n'étaient pas en accord mais jamais nous n'avons vu un tel mépris, voire une telle haine.
Il y a toujours eu des pensées juives.
Maimmodine, dans ses responsa comme 'Epitre sur la persécution' ou bien 'Epitre au Yemen', remet en cause certaines règles bibliques.
Bien sûr, personne ne souhaite recréer un judaisme, comme souvent vous le caricaturez, mais se permettre à nouveau de discuter certains points sans être accusé d'hérétique.
Les Juifs américains, anglais, français affiliés à des mouvement libéraux ou conservatives sont des juifs. Ils ont fait ce choix volontairement et ils aiment le judaisme.
Notre religion est une religion de responsabilité. L'homme est maître de ses actes et il a le choix de suivre un chemin plutôt qu'un autre.
Kol Tuv

Dr Michael Ben Admon
Jeudi 22 juin 2006 - 22:52

Shalom,

Il y a toujours eu differentes ecoles de pensee juive, et chacune a insiste sur un aspect du Judaisme qui lui semblait preponderant tans au niveau de l'approche souhaitee des textes fondateurs qu'au niveau des contenus fondateurs. Face aux approches diverses certains relevent la contradiction alors que d'autres imaginent un modele 'harmonisateur' selon lequel les differences voire meme contradictions relevent de la limite intellectuelle de l'homme a capter et integrer des messages au vu des besoins psychologiques, socio-economiques et spirituels de l'epoque. Les penseurs juifs sont ainsi le fruit de leur epoque et c'est souvent en des termes et concepts empruntes a la culture ambiante qu'ils ont tente de decrire l'ineffable du Judaisme.
Ces differences ont-elles entraine des scissions et tensions telles qu'on en etait au bord du schisme ? Malheureusement oui. Deja a l'epoque talmudique, des differences de fond donnaient lieu certaines fois a des affrontements qui pouvaient etre violents entre les differentes ecoles. Les pharisiens et les saduceens, les detenteurs de la doctrine rabbinique et gueonims face aux karaites, les rationalistes face aux mystiques, les sabbateens face a leurs opposants, les Hassidim face aux mitnagdim, les orthodoxes du guetto face aux maskilim, les sionistes face aux anti-sionistes, et aujourd'hui les differentes mouvances orthodoxes face aux mouvances non-orthodoxes, les religieux de droite en faveur du grand Israel et les religieux de gauche plus pragmatique etc...Comme le disait le Rav S.D. Botshcko, le peuple juif a decidemment le sens de l'humour, lui qui tellement divise prone l'unite de D.ieu, du peuple, de la Loi.Tous ces courants, sans pour l'instant n'en juger aucun, etaient et sont persuade qu'ils representent la continuation legitime du Judaisme d'hier et c'est bien ce qui lui confere sa legitimite aux yeux de ses adherents. Vu de l'exterieur, avec le recul necessaire pour apprecier un phenomene d'envergure, on peut analyser les points sur lesquels les nouvelles mouvances sont en effet en decalage avec le Judaisme traditionnel.
Je ne remets pas en cause l'interet porte par des juifs liberaux, conservatives, ou reconstructionnistes au fait juif comme relevant sans doute d'un acte sincere et identitaire tres fort. Je discute les points sur lesquels ils se demarquent, au niveau de la methodologie de la halakha et de ses contenus, du Judaisme que nous connaissons au travers la litterature des Responsa. Vous pourrez toujours me retorquer: 'Et pourquoi ce Judaisme est-il referentiel selon moi ?, mais c'est un autre debat
Les grandes discussions concernent aujourd'hui plus les conditions formelles d'appartenance au peuple juif que la signification de cette appartenance. La question des conversions est problematique mais il existe en Israel des structures qui y reflechissent et tentent de trouver des solutions qui seraient acceptables par tous.
Le Judaisme, et surtout la Judaite comme statut plus que comme identite depend d'un facteur politique evident qui pour le Judaisme orthodoxe est represente par un tribunal rabbinique compose par des autorites halakhiques et soutenant que la Judeite se vit d'une facon ideale sur le mode de la mitsva, du commandement. Si cette idee n'est pas integree et acceptee par le futur converti, alors cela pose un probleme de fond et de forme. La judaite serait-elle le fruit d'une decision humaine et non pas l'identification a une doctrine, un peuple, une terre, un destin et une histoire ? c'est encore un autre debat et il serait pretentieux de vouloir repondre dans ce cadre a toutes les interrogations que pose aujourd'hui le fait juif.