Conversation 5703 - Visite en masse du malade

Anonyme
Mercredi 9 avril 2003 - 23:00

Dans le traite "Baba Metsia", dans le second "perek" aux alentours de la feuille ל (desole pour cette imprecision), on parle de la Mitsvah de "Bikur Holim". Il est dit que pour accomplir cette Mitsvah, il faut s'enquerir des besoins du malade pour essayer de les combler. Un autre point qui est plus difficile a comprendre est qu'une personne qui est "Ben Gilo" de celui qui est malade, prend 1/60e de la maladie du malade quand il lui rend visite. Une question posee par la Guemara est a peu de choses pres "Si un Ben Gilo prend 1/60 de maladie, pourquoi ne pas trouver 60 Bnei Gilo qui vont visiter le malade pour le guerir completement ?". La reponse de la Guemara est claire: "Chaque visiteur prend 1/60 de ce qu'il reste de la maladie donc apres 60 visites de personnes Ben Gilo, le malade ne sera pas gueri", ce qui veut dire que si on avait pu guerir le malade de cette maniere, on l'aurait fait.
Apres ce long preambule, voila mes deux questions:
1. Quel est la definition de "Ben Gilo" et donc quelle est le degre de facilite a trouver tout un groupe de personnes Ben Gilo d'une personne malade ?
2. Si une personne Ben Gilo d'un malade a une Mitsvah de lui rendre visite, c'est que de prendre 1/60 de sa maladie n'est pas dangereux pour sa sante. On peut donc en deduire que l'etre humain peut faire face a 1/60e de n'importe quelle maladie et que le temps fera le reste pour guerir ce 1/60e. De cette deduction, il est possible d'en conclure que l'objectif pour le malade n'est pas d'atteindre une guerison complete mais que une guerison a 59/60e est suffisante. Dans ce cas, pourquoi, quand quelqu'un est gravement malade, ne trouve-t-on pas 244 personnes Ben Gilo pour lui rendre visite afin de le guerir a 59/60e ? (244 est le nombre que j'ai obtenu avec un petit calcul d'ordinateur).
Merci d'avance de votre reponse et que Dieu vous envoie le courage et la force necessaire pour mener a bien cette grande entreprise.

Rav Elyakim Simsovic
Jeudi 10 avril 2003 - 23:00

La difficulté majeure est de trouver un Ben Guilo alors 10 ou 20 ou 60 ?
"Ben Guilo" signifie quelqu'un qui soit de la même envergure, de la même valeur. Un frère jumeau, un sosie, une âme soeur, quelqu'un avec qui on se comprend sans parler, on pense de loin ensemble aux mêmes choses, on a les mêmes rêves et les mêmes espérances, on comprend les choses de la même manière. Quelqu'un qui pourrait prendre ma place, se substituer à moi (vous pourriez voir certaines pages de M. Lévinas sur la substitution).

Mais tout cela concerne une époque où les hommes étaient vrais. De nos jours, nous sommes tous plus ou moins Ben Guilo de chacun et par conséquent la mitzva de biqour holim est une des très grandes mitzvoth à accomplir, si je puis me permettre, sans calcul ni arrière-pensée. Faisons quant à nous toujours autant que possible ce qui nous incombe et qui est à notre portée ou juste hors de portée pour un petit effort de plus et laissons à la Providence le soin du reste.

Anonyme
Samedi 12 avril 2003 - 23:00

Cher Rav Simsovic,

permettez-moi de vous posez de nouvelles questions concernant votre reponse a ma question 5703.
1. S'il est difficile de trouver un Ben Guilo et qu'il est donc impossible d'en trouver 60, je ne comprends pas la question de la guemara qui demande pourquoi n'envoie-t-on pas 60 Ben Guilo ? Cette question indique a mon sens qu'il est possible de trouver 60 Ben Guilo et que nous les enverrions visiter le malade si leur visite etait sur de le guerir.
2. Qu'entendez-vous par "une epoque ou les hommes etaient vrais" ? Que signifie vrai ?
3. La grandeur de la Mitzva de Biqour Holim n'est pas en jeu mais s'il est possible de profiter du fait qu'un Ben Guilo prend a sa charge un 1/60e de la maladie du malade pour guerir le malade, autant en profiter, non ?

Merci beaucoup pour vos reponses. J'espere que mes questions ne vous importunent pas et qu'elles ne debordent pas de la mission de cheela.org.
Toutes mes felicitations et tous mes encouragements pour ce site.
Hag Pessah Sameah.

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 13 avril 2003 - 23:00

Ne vous excusez pas de poser des questions aussi longtemps qu'elles viennent approfondir notre compréhension de la Thora et améliorer notre pratique.

La discussion du Talmud que vous citez se trouve dans un autre passage (Nédarim 39b)
On commence par expliquer que la mitzva de viste aux malade est sans mesure et de fil en aiguille on finit par dire que cette mitzva, même cent fois par jour, on n'a pas fini d'en être quitte. Alors rabbi Aha bar Hanina dit que quiconque rend visite au malade prend 1/60ème de sa souffrance. C'est alors qu'on suggère "hé bien qu'on y aille à 60 et on le relève (= de sa maladie)", ce qui amène la réponse suivante : ça fonctionne de telle sorte que chacun retire 1/60ème de ce qui reste et à condition qu'il soit "ben guilo".
C'est pourquoi précisément la réponse est pertinente : au départ les deux "conditions" n'avaient pas été précisées et maintenant qu'elles ont été énoncées il devient évident que c'est plus compliqué que ça n'en avait l'air.
S'il suffisait mécaniquement de trouver 60 personnes qui prennent chacune 1/60ème de la maladie et même si on considère (comme dans les paradoxes de Zénon qu'il restera à l'infini 1/60ème restant cela devient tellement infinitésimal que c'est insignifiant) il n'y aurait depuis longtemps plus de malades ni de médecins.
Mais voilà, ce n'est pas aussi simple. Il n'y a ni recettes ni panacées. Et si la visite que nous faisons au malade lui enlève un peu de la maladie c'est aussi parce que pendant la visite il peut penser à autre chose, rétablir un contact avec le monde de la vie et de la santé et se renforcer dans sa volonté de guérir. Et pour ce faire, nous sommes tous à présent plus ou moins "bené guilo" les uns des autres. Mais il n'y a aucun automatisme mécanique.
J'ajouterai que le sens premier du passage de Baba Metzia 30b est de dire qu'on n'avait pas besoin a priori d'apprendre la mitzva de visite au malade du verset cité (véhodata lahem ett haderekh yélekhou bah) puisqu'elle fait partie intégrante de la mitzva globale de conduite charitable (guémilouth hassadim) si ce n'est pour un ben guilo, c'est-à-dire pour quelqu'un qui se met en danger en effectuant cette visite puisqu'il devient malade de cette maladie si peu que ce soit ; et pourtant, malgré l'interdiction habituelle de se mettre en danger, il faut qu'il la fasse..

Des hommes vrais, ou authentiques, dont l'envergure d'identité humaine n'était pas atrophiée comme la nôtre. A la page 53 du traité Erouvine, rabbi Yohanan dit le coeur des anciens était large comme le portail d'enceinte et celui des derniers sages comme la porte du palais et le nôtre comme le chas d'une aiguille. Et s'il en ainsi de la génération de rabbi Yohanan, à nous que reste-t-il ? Déjà le midrach avait dit qu'une servante en avait vu plus au passage de la mer Rouge que le prophète Ezéchiel dans la vision du Char. Il fut un temps, parce que les hommes étaient vrais, que la prophétie était chez eux comme naturelle, accessible puisqu'étant vrais ils avaient accès au monde de vérité. Puis, l'envergure ayant diminué, tous n'étaient plus prophètes, mais c'était une société qui secrétait des hommes et des femmes ayant capacité prophétique. A la destruction du temple, progressivement, la prophétie va s'éteignant et la Grande Assemblée du temps du retour d'Ezra comptera en son sein les derniers prophètes. Ce fut le temps des Sages de la Michna puis de la Guémara mais aussi du Zohar encore attachés à l'esprit de sainteté. Et voici que depuis, il existe par génération des êtres d'exception qui en sont encore habités, et certains, un peu plus nombreux qui le savent ; mais tous les autres savent à peine que cela existe et ceux qui y croient ne savent pas trop ce que c'est.

Anonyme
Dimanche 13 avril 2003 - 23:00

Cher Rav Elyakim Simsovic, suite a la question 5765 et sa reponse, je tenais a vous remercier chaleureusement pour vos reponses eclairees et eclairantes. Votre entreprise est necessaire et extraordinaire. Hazak ouBaroukh !

Rav Elyakim Simsovic
Dimanche 13 avril 2003 - 23:00

Merci à vous. Et comme il n'y a pas de réponse sans question, vous avez tous part au succès de cette entreprise.