Conversation 5822 - Le coeur, les instincts et l'intellect

Anonyme
Lundi 14 avril 2003 - 23:00

Quelle est dans notre tradition la relation entre l'intellect, le coeur, l'instinct et les actes ? Quels sont les influences des uns sur les autres ? Quelle est la "dynamique interne" de l'homme ? Qui drive qui comment ?...des middot tels que la emouna, l'amour de D..., la crainte ou la colère, la haine , le repentir... sont elles affaires de coeur, d'intellect ou d'instincts ?

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 19 avril 2003 - 23:00

Vous avez un léger mélange de catégories : la emouna, la ahava et la yirea ne sont pas exactement des middoth au sens de vertus, non plus que le repentir qui est une conduite. La haine est un sentiment et la colère une passion - toutes deux néfastes.
Ceci mis à part, votre question est un sujet de thèse d'anthropologie hébraïque ; je pense que 4 ou 500 pages devraient suffire à le traiter de manière élémentaire. La table des matières à elle seule ferait déjà plusieurs pages.
A titre d'introduction générale au sujet, je vous recommande la lecture de la préface que Maïmonide a consacrée à son commentaire sur les Pirqé Avoth et qui s'intitule les Huit Chapitres. Vous la trouverez en annexe à l'Edition Verdier du Guide des Egarés ou dans la traduction publiée par Rémi Brague chez Desclée de Brouwer.
En complément, vous pourrez consulter "Maïmonide et le problème de la personne" de Thierry Alcoloumbre parue chez Vrin.
Bonnes lectures.

Anonyme
Jeudi 24 avril 2003 - 23:00

Merci pour votre reponse 5822. Ce theme de comprendre la dynamique interne de l'homme et de ses actes me passionne...Ayant déjà lu les Shemona Perakim du Rambam, je me permet de faire une petite synthèse de ce que j'en ai compris et des questions qui me viennent à l'esprit, en vous demandant de bien vouloir me corriger...
Rambam considère que l'homme dispose de qualité morales (vertus) et de qualités intellectuelles qui influent sur ses actes et sa conduite. En retour, nos actes influent sur nos qualités morales et intellectuelles. Nos qualités donc pour le Rambam ne sont pas qu'innée mais surtout la resultante de nos actes. L'un des buts des mitsvoth est nous amener à agir dans "la voie du juste milieu" en corrigeant nos qualité grâce aux actes juste prescrit par la torah.

Comment definissez vous exactement le concept de middoth ?
Quelle difference faites vous entre sentiment, passion, vertus, conduite et actes ?
Dans quelle catégorie mettez vous Emounah, Ahava et Yrea ? (qualités intellectuelles ?)

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 28 mai 2003 - 23:00

Yom Yerouchalayim 5763
Louanges au Maître des destinées
qui nous a rendu la Ville tant aimée
Puisse-t-il y rebâtir la Maison de Sainteté
Lieu de réconciliation pour toute l'humanité
____________________________________________

Comme vous l'avez très bien dit, les "middoth" sont les véhicules de réalisation des
valeurs morales. On traduit habituellement par "vertus" ou par "qualités".
Je voudrais apporter une petite précision : le sens premier du terme est "mesure".
Ce terme est connoté premièrement par une dimension quantitative. On lui attribue secondement le sens de vertu, qui appartient au monde de la qualité. On retrouve ainsi la préoccupation hébraïque fondamentale qui est l'unification des divers registres du réel.
C'est aussi ce par quoi commence Maïmonide dans les Huit chapitres : sache que la Nefèche de l'homme est une. On traduit malheureusement souvent Néfèche par âme alors que ce terme devrait être réservé à Néchama. La Néfèche est ce qui fait l'identité personnelle de quelqu'un, en tant que "sujet", que "personne".
Dans le résumé que vous avez fait, il manque un élément capital : la volonté.
C'est la volonté qui me permet d'agir conformément aux valeurs et de les réaliser et en les réalisant de les unifier dans l'unité du moi.
Emouna, Yirea, Ahava peuvent appartenir au registre des sentiments en tant que manifestations spontanées et elles peuvent - doivent - être prises en charge par la raison afin d'être épurées.
Une passion est un par définition quelque chose qui me domine et par rapport à quoi je suis passif. Ce n'est donc pas ma volonté qui est à l'oeuvre dans la passion mais plutôt les forces instinctuelles (physiques ou non) et donc les passions doivent être endiguées et canalisées afin que leur énergie soit récupérée pour être mise au service de la volonté.
Un acte est un élément isolé d'une conduite.
La conduite est la continuité du comportement d'un sujet par rapport à un projet.
J'espère n'avoir rien oublié.
Hag Saméa'h !

Anonyme
Mardi 9 septembre 2003 - 23:00

(suite question 6025)
Dans votre réponse vous ecriviez " On traduit malheureusement souvent Néfèche par âme alors que ce terme devrait être réservé à Néchama. La Néfèche est ce qui fait l'identité personnelle de quelqu'un, en tant que "sujet", que "personne"."…, puis également " Dans le résumé que vous avez fait, il manque un élément capital : la volonté. C'est la volonté qui me permet d'agir conformément aux valeurs et de les réaliser et en les réalisant de les unifier dans l'unité du moi.".
Pourriez vous SVP me preciser ces notions de nefeche (identité personnelle) par rapport à nechama et ruach ? Peut-on dire que le nefeche represente l'énergie vitale d'une personne et correspond à l'expression d'une "volonté" c'est-à-dire un "besoin de recevoir/de combler un vide" qui doit se réaliser dans le moi. L'homme ayant un potentiel spirituel (contrairement à l'animal) a pour but d'élever sa volonté au niveau spirituel et divin (alignement avec la volonté divine et les valeurs morales et spirituelles de la torah) ?
Pouvez vous m'expliquez le concept "d'unifier les valeurs dans l'unité du moi" ? Est-ce lorsque pensée, cœur et acte sont en "phase" dans la réalisation de la volonté ?

Merci beaucoup

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 3 novembre 2003 - 23:00

La néfèche n'est pas ici une énergie vitale, mais désigne la personne en tant que sujet responsable de ses actes. C'est pourquoi la Thora dira : une personne qui aura fauté - néfèche ki té'heta.
Au niveau animal, cela désigne l'individualité de chacun, ce qui fait qu'il est lui et pas un autre.
Dans la réalisation de l'unité du moi par la volonté, il ne s'agit pas seulement d'une élévation spirituelle. Il s'agit de l'application de la volonté à des fins qui ne concernent pas les avoirs mais qui concernent l'être, non pas ce que j'acquiers ou ce que je possède, mais qui je suis.

Anonyme
Mardi 21 octobre 2003 - 23:00

Pourrais je caresser l'espoir d'avoir une reponse rapidement à mes questions 9973 et 9724 ?

Merci beaucoup

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 3 novembre 2003 - 23:00

Oui, sans doute !