Conversation 85555 - Faire et ne pas faire

Apprenti talmudiste
Mardi 19 juillet 2022 - 01:27

Chers répondeurs, 

Je vous serais infiniment reconnaissant de m’aider à comprendre la distinction entre mitsva assé et mitsva lo taassé. Il y a certes plusieurs questions – ce dont je vous prie de m’excuser – mais elles sont imbriquées et il serait dommage de les désolidariser. 

1/ Il semble, selon notamment le rav Steinsaltz, que le critère de distinction ne soit pas matériel (une obligation d’action dans un cas, une obligation d’omission dans l’autre) mais « linguistique » (Guide et Lexique du Talmud, p. 218 de la version française). 

Ainsi, un commandement serait positif quand la Torah ne l’a pas formulé de manière négative. Par exemple, l’obligation de NE PAS manger à Yom Kippour (qui est pourtant une obligation de passivité) est positive parce qu’elle est formulée sous la forme « Vous mortifierez vos âmes » (Lév. 23, 27). 

Or, des conséquences importantes sont attachées à cette distinction. Notamment, d’une manière générale, la personne qui contrevient à un commandement positif n’est passible d’aucun châtiment et n’est pas tenue de présenter une offrande expiatoire (bien que l’usage fût je crois d’apporter tout de même un holocauste) alors que le contrevenant à un commandement négatif était passible au moins de la peine de flagellation (bien que cette sanction fût levée dans de nombreux cas). 

Pourquoi cette différence de statut entre précepte positif et précepte négatif alors qu’elle est purement linguistique ? Il est obligatoire de jeûner est un précepte positif ; il est obligatoire de ne pas manger est un précepte négatif : le sens est le même mais le régime applicable pour les sanctions serait différent. Si la distinction était non linguistique mais matérielle, on pourrait éventuellement comprendre cette différence de régime (certains considéreraient en effet que détériorer le monde par son action serait plus grave que le laisser aller son mauvais cours sans intervenir). Sur quel texte se fonde cette distinction entre ces deux types de précepte et surtout quelle peut en être la raison si sa base n’est que terminologique ? 

En présence d’éléments contradictoires, les sages recommandent souvent d’adopter une attitude passive, car le non-accomplissement d’un précepte positif est perçu comme généralement moins grave que la désobéissance active (voir rav Steinsaltz, pp. 233-234). Cette motivation n’est-elle pas contraire au critère purement terminologique puisque l’on raisonne ici en considérant la nature du comportement – action ou omission – et non la façon – affirmative ou négative – dont il est décrit ? 

2/ Le rav Steinsaltz, dans le même livre (p. 187) évoque le cas d’un interdit qui ne figure pas dans la Torah mais que l’on déduit d’un précepte positif. Ainsi de « Ils mangeront la viande [du sacrifice pascal] cette nuit-là. » (Exode 12, 8), les sages déduisent qu’il est interdit d’en manger pendant la journée (Pessa’him, 41b). Et il précise que dans ce cas la transgression d’un interdit est assimilée à celle d’un précepte positif et n’est donc pas sanctionnée par un tribunal humain. Cependant, pourquoi considère-t-on que ce précepte déduit est un précepte négatif ? Le critère de distinction étant linguistique, dès lors que ce précepte n’a pas été formulé mais est seulement déduit, on ne peut savoir s’il est positif ou négatif car on ne sait pas comment il aurait été formulé s’il avait fallu le faire. Il aurait pu être formulé sous une forme positive (comme cela fut fait pour le jeûne de kippour ; par exemple : « Pendant la journée, tu tiendras loin de toi la viande du sacrifice pascal », ce qui est une formule sans négation).  

3/ Pourquoi le défaut de circoncision et le fait de n’avoir pas apporté le sacrifice pascal sont passibles de la peine de retranchement alors que l’un et l’autre sont des préceptes positifs dont la violation n’est en principe passible d’aucun châtiment ? De même, je crois que les sages sont habilités à infliger une peine de flagellation à un récalcitrant pour l’obliger à s’acquitter d’un commandement positif. 

4/ Dans le cas où un précepte positif ne peut être accompli qu’en transgressant un interdit de la Torah (dont la violation n’est pas passible de la peine de mort ou du retranchement), il est dit que le précepte positif prime. 

Pourriez-vous me donner un exemple ? 

Cela n’est-il pas paradoxal si l’on considère que les commandements positifs semblent moins impérieux que les commandements négatifs - à en juger par le fait que leur violation n’est pas passible, en principe, de châtiment. (À moins de considérer qu’ils ne sont pas forcément moins impérieux : le fait qu’ils ne soient pas punissables par un tribunal humain ne serait pas le signe d’une moindre importance.) 

Par ailleurs, si le précepte positif est une obligation d’action et le précepte négatif une obligation d’omission – ce qui est le cas le plus fréquent –, cela revient à favoriser l’action. 

Or, une fois encore, selon le rav Steinsaltz (Guide et Lexique du Talmud, pp. 233-234), en présence d’éléments contradictoires, les sages recommandent souvent d’adopter une attitude passive.  

5/ Lav anitak la’assé. Selon le rav Steinsaltz (p. 187), la violation d’un précepte négatif reformulé ensuite sous une positive n’est pas passible de la peine de flagellation, réservée à la transgression d’un précepte négatif. Il cite l’exemple du précepte « tu ne prendras la mère avec les petits » (Deut. 22, 6) formulé au verset suivant : « tu laisseras s’envoler la mère ». Cependant, il précise que ce régime plus favorable ne vaudra pas si le contrevenant s’est mis dans une situation où l’accomplissement du commandement positif devient impossible. Pourriez-vous citer un exemple de ce cas ? Quelle est la justification de cette exception ? Ne pouvons-nous pas considérer qu’en principe si une personne viole une obligation c’est qu’elle s’est mise à un moment dans une situation où elle ne pourrait plus la satisfaire ? Supposons en effet que j’aie l’obligation de faire une chose avant midi et qu’il faille dix minutes pour la faire. Si je n’ai pas commencé avant midi moins dix, on peut dire que je me suis mis dans une situation où il m’est impossible de satisfaire à mon obligation. 

 Avec mes plus vifs remerciements.

Rav S.D. Botshko
Mercredi 24 août 2022 - 15:18

Si la Thora dit un interdit de manière positive c'est pour indiquer dans l'échelle des interdictions que c'est moins grave qu'un interdit dit de manière explicite

De même une mitsva est dite de manière d'une interdiction c'est pour indiquer l'importance de cette mitsva

Dire un interdit de manière d'une mitsva indique aussi que l'interdit n'est pas là pour interdire mais pour créer quelque chose

Comme à Chabbat il est interdit de faire des travaux c'est un interdit, mais il est aussi dit tu chomeras le chabbat ce qui indique que l'interdiction de travailler est pour notre bien que l'on cesse nos activités matérielles pour entrer dans un temps plus spirituel