Conversation 89494 - Croisière all-inclusive - y compris Chabat ?

Bonsoir,
J’ai regarder toutes vos réponses concernant les interdits de faire une croisière pendant Chabat et retenu tout ce que vous avez dit, mais il y a quelques détails qui me manquent pour savoir si j’ai le droit de faire ma croisière ou non.
J’aimerai réserver une croisière (loisir) de quelques jours qui partirait d’Israël jusqu’en Grèce et reviendrait en Israël.
La croisière inclut le Shabat, puisque l’on partirait du mardi jusqu’au dimanche, tous les ouvriers sont non-juifs, il y a une teoudat kasherout pour la nourriture qui inclut le Chabat où la nourriture sera cuisinée avant Chabat, sous la surveillance du Rav Itsh'ak Dayan, rav de la communauté de Salonique en Grèce.
Maintenant le propriétaire du bateau est un juif (juste pour info le bateau c’est Mano) !
Le bateau ne s’arrête pas pendant Chabat, il continue vendredi samedi sa route pour Israël.
Ce bateau est opérationnel toute l’année.
Ai-je le droit d’y participer ?
Merci beaucoup pour votre aide.

Bonjour,
Ce sujet est largement discuté par les décisionnaires. En effet, l'usage de beaucoup est permissif, alors que selon nos Sages il n'y a rien d'évident en cela. Je vais essayer de reprendre la discussion pour bien comprendre les tenants et aboutissants.
Je m'explique.
Les interdits du Shabbat s’appliquent seulement pendant le Shabbat lui-même ; aussi, de prime abord, il semblerait permis de partir, le vendredi, en excursion dans un endroit où il serait dangereux de rester, de poursuivre sa route jusqu’à la dernière minute précédant Shabbat, puis, lorsque commence le Shabbat, d’arguer que l’on se trouve en un lieu dangereux, que la protection de la vie a priorité sur le Shabbat, et que, pour se préserver du danger, on est contraint de poursuivre son voyage jusqu’au lieu habité le plus proche...
Toutefois, en pratique, si l’on se trouve déjà dans un lieu dangereux durant Shabbat, il sera certes permis et même obligatoire de profaner le Shabbat afin de se préserver, mais il est interdit au Juif de se mettre a priori dans une situation où il sera obligé, après coup, de profaner le Shabbat.
Nos sages ont ainsi enseigné, à ce sujet, que les activités auxquelles on projette de se livrer à partir du mercredi doivent être programmées, de façon telle que l’on ne se mettra pas soi-même en situation de profaner le Shabbat. Par conséquent, à partir du mercredi, nos sages ont interdit de prendre la mer pour les besoins d’une activité facultative, telle qu’un voyage d’agrément; l’interdit s'applique même quand l’équipage est composé de non-juifs (1).
Plusieurs raisons ont été avancées à cela par les commentateurs:
1) Soit il serait à craindre que l’on ne se trouve, au cours du voyage, dans une situation de danger pour l’intégrité des personnes, et que le Juif doive accomplir des travaux interdits par la Torah elle-même afin d’aider à la remise à flot du navire (2).
2) Dans le cas même où il n’y aurait aucun risque que l’équipage demande de l’aide à un juif, et dès lors qu'au moins la moitié des passagers sont juifs, il se trouve que l’équipage travaillera pour eux pendant Shabbat. Or il y a un interdit rabbinique à ce qu’un juif profite du travail que fait un non-juif à son égard, de manière intentionnelle, pendant Shabbat (3).
3) Même lorsque les passagers du bateau sont non-juifs dans leur majorité, il reste que, dans le cas où le bateau navigue en eaux peu profondes, lorsqu'il y a moins de dix tefa’him (c’est-à-dire moins de 80 cm environ) entre le bateau et le fond de la mer, on enfreindrait l’interdit de "sortir de la zone de déplacement" autorisée pendant Shabbat (te’houm Shabbat) (4).
4) Et quand bien même le bateau naviguerait en eaux profondes, ou jetterait l’ancre durant Shabbat, en pleine mer, il resterait un interdit : nombre des passagers d’un bateau souffrent du mal de mer, durant les premiers jours ; un tel voyage empêcherait donc le voyageur de se délecter du Shabbat (oneg shabbat) (5).
En outre, quand aucun de ces motifs n’est à craindre, si l’équipage et la majorité des passagers sont non-juifs, qu’il n’y ait aucun risque que l’on demande de l’aide à un juif durant Shabbat pour faire une action qui lui serait alors interdite, que l’on voyage en eaux profondes, que le navire soit grand et stable, de façon que l’on n’aura vraisemblablement pas le mal de mer et que l’on pourra se délecter et profiter du shabbat, il sera alors permis de prendre la mer, même une minute avant l’entrée de Shabbat, et même si le voyage se fait dans un but d’agrément.
Par ailleurs, les trois premiers jours de la semaine, il est permis de prendre la mer pour les besoins d’une activité facultative ou pour un voyage d’agrément, même s’il y a lieu de craindre d’en venir à transgresser le Shabbat. En effet, ces jours-là, il n’est pas besoin de limiter ses activités de crainte que celles-ci n’entraînent, par la suite, une profanation du Shabbat ou un empêchement aux délices sabbatiques (oneg shabbat).
Cependant, dans le cas où il est certain que l'on viendra à profaner le Shabbat - les avis sont partagés : selon certains (6) il est permis d’embarquer durant les trois premiers jours, mais selon d'autres - c'est interdit (7).
Donc en résumé :
A. Si les marins et les artisans sur le bateau sont juifs - il est interdit de naviguer avec eux pendant le Shabbat, car ils transgressent les interdits de la Torah pour le plaisir des passagers.
Le Rav Feinstein a écrit (8) qu'il est possible de partir en croisière de ce type les jours de dimanche à mardi, mais ses propos ont été vivement discutés, voire rejetés (9).
Cependant, si les seuls travaux effectués le sont en raison de la préservation de la vie (Pikouah' Nefesh), il est permis de partir en croisière de ce type les jours de dimanche à mardi, mais il est interdit de partir les jours de mercredi à vendredi. Il semble que souvent ce ne soit pas le cas sur les navires de croisière de luxe, il est donc déconseillé par de nombreux décisionnaires de naviguer sur de tels bateaux (10).
B. Si les marins et les artisans sont des non-juifs, comme vous le décrivez, mais que la majorité des passagers sont juifs, il faut faire la distinction entre les bateaux qui partent à des heures fixes, où tous les travaux seraient de toute façon effectués, et les bateaux qui partent seulement après que tous les billets aient été vendus, où les travaux sont effectués en considération de tous les passagers. Puisque la majorité sont juifs, cela serait interdit, mais si c'est fixe, nonobstant les passagers - permis (11).
C. Si les marins et la majorité des passagers sont non-juifs, comme dit, et que le voyage commence les jours de dimanche à mardi, cela est permis.
D. Si ce sont des non-juifs et que le voyage commence les jours de mercredi à vendredi, certains ont écrit que cela est interdit en raison du oneg shabbat qui ne peut être délecté. Si l'on sait qu'on ne se sent pas mal pendant la croisière, il semble que cela soit permis.
Descendre du bateau le Shabbat :
A. Si le bateau arrive au port pendant le Shabbat, il peut descendre du bateau (et ne rien prendre avec lui parce qu'il n'y a pas de Erouv), et il peut marcher deux mille coudées (amot) du bateau et pas plus.
B. Si le bateau arrive avant le Shabbat et que le port est connecté à la ville par une continuité de maisons, il peut marcher dans toute la ville. Si le port est éloigné (et il semble que c'est généralement le cas), il peut marcher seulement deux mille coudées du bateau.
Monter à bord du bateau le Shabbat :
Si la croisière commence le Shabbat : Selon le Shoulhan Arouh', il faut monter à bord du bateau avant l'entrée du Shabbat et y rester jusqu'au départ, et selon le Rema, il est possible d'entrer avant le Shabbat, d'acquérir une résidence là-bas, puis de redescendre au port, de marcher jusqu'à deux mille coudées (et si le port est connecté à la ville, de marcher dans toute la ville) et de retourner au bateau.
Si le bateau a accosté le Shabbat et repart aussi le Shabbat, il a acquis sa résidence sur le bateau pour toute la durée du Shabbat et il n'y a pas de différence à ce sujet entre le Shoulh'an Arouh' et le Rema.
En espérant que maintenant tout est plus clair.
Cordialement,
________________
(1) cf. TB Shabbat 19a; Rambam, Lois de Shabbat, chap. 30, hal. 13 ; Sh. Ar. OH 248,13 et comm.
(2) Rabbi Zera’hia Halévi, Ba'al HaMaor sur Shabbat 7a dans le Rif
(3) Ramban (Nah'manide), rapporté par le Ran, sur Rif, id.
(4) Rabbénou H'ananel de Cairouan et Tossafot sur TB Shabbat 19a ; Tossafot sur TB Eirouvin 43a.
(5) Rif, ibid.
(6) cf. Sh. Ar. OH 248,4 selon Ba'al HaMaor et Rivash.
(7) Tel est l'avis du Maharibal et du Radbaz, notamment.
(8) resp. Iggrot Moshé OH vol. I, §92.
(9) cf. resp. Yeh'ave Da'at (Yossef), vol. VI, §16. cf. encore Menouh'at Ahava (Lévy), chap. 1, al. 2.
(10) cf. resp. Tzitz Eliezer (Waldenberg), vol. I, §21.
(11) cf. Shemirat Shabbat Kehilh'ata (Neuwirth), chap. 30, al. 55