Conversation 11892 - Interrogations sur Vayishlah'

1) Pour les lecteurs qui n'ont pas les versets devant les yeux, les voici:

La recit de la lutte nocturne de Yaacov se termine par les verset suivants:

"Il (l'homme/l'ange) lui dit alors: Quel est ton nom?. Il repondit: Yaacov.
Il reprit: Yaacov ne sera plus desormais ton nom, mais bien Israel; car tu as
combattu avec des puissances celestes et humaines et tu as eu le dessus....
et il le benit la bas. Yaacov appela ce lieu Peniel: "parce que j'ai vu un
etre divin face a face et que ma vie est restee sauve"." (Berechit 32,28-31)

Apres s'etre debarasse d'Esau, Yaacov arrive a Sichem. Il y achete un terrain
sur lequel il construit un autel:

"Il y erigea un autel et il l'appela le Seigneur D' d'Israel".(Berechit 33,20).

Apres les peripeties de Dina, Yaacov arrive enfin a Beth-El. D' le benit:
"D' lui dit: ton nom Yaacov, tu ne t'appeleras plus Yaacov mais Israel sera
ton nom, Il l'appela Israel".(Berechit 35,10).

En fait la reponse la plus simple se trouve dans votre question. Il ressort
clairement du verset 32-31 que Yaacov savait qu'il a lutte avec un etre divin.
Or il est impensable que Yaacov se soit imagine un seul instant que cet ange
tirait sa force d'une autre source que de D'. En effet, il est evident qu'il
n'existe pas de forces antithetiques de bien et de mal mais que le monde entier
dans toutes ses contradictions ne releve que de la Volonte Unique de D'. Donc
pour Yaacov, c'est par ordre divin que l'ange lui a change son nom. Yaacov
pouvait donc utiliser officiellement son nouveau nom.

Cependant, pour le Natziv de Volojin, dans son commentaire Haamek Davar, Yaacov devait attendre la confirmation explicite de D' a Beth-El pour changer son
nom. La punition de son impatience aura ete la mesaventure de Dina, dont le
recit suit immediatement.

Yaacov a recu deux fois le nom d'Israel, la premiere fois avant l'heure, par
le merite de ses efforts et de sa lutte. La seconde au moment prevu (apres
son retour au point de depart Bet-El). Devenir Israel, peuple naturellement
associe a D', consistait pour Yaacov l'essentiel de son existence. Tous ses
efforts se focalisait sur la realisation la plus rapide de cet ideal. Son erreur
fut (pour le Rav Berlin) de vouloir aller parfois un peut plus vite que D'.
Ainsi, de nos jours, nous savons que par nos efforts et notre lutte nous
pouvons faire avancer l'Histoire vers la Gueoula. Mais il faut aussi avoir
la patience de ne pas aller plus vite que la Volonte divine. Paradoxe difficile
mais surement passionnant.

2)Pour la deuxieme question, j'avoue ne pas comprendre a quel evenement biblique vous faites allusion. Reposez la question s.v.p. avec plus de precisions.

Entre-temps, le Rav Simsovic me signale que vous devez surement parler de textes
exta-bibliques qui racontent les guerres que Yaacov et ses fils ont dus mener
pour se defendre des tentatives de vengeance qu'entreprennaient les rois Cananeens, apres l'expedition punitive des fils de Yaacov sur la ville de Sichem. (1)

La Thora fait allusion a des evenements ressemblants:

En quittant la region de Sichem pour se rendre a Beth-El:
"Il voyagerent. Dominees par une terreur divine, les villes d'alentour ne
poursuivirent pas les fils de Yaacov" (Berechit 35,5).

Quand Yaacov benit les fils de Yossef avant sa mort:
"Quand a moi, voici je te donne Sichem en part supplementaire a celle de tes
freres, part que j'ai conquise sur l'Amoreen, a l'aide de mon epee et de mon
arc" (Berechit 48,22).(2)

La reponse a votre question, en fait, ne releve plus de l'explication des
passages de la Thora, car les textes post bibliques en questions n'y figurent pas.
La verite historique de ces epopees guerrieres peut etre admise apres des
recherches en litterature antique comparee. Votre question malgre tout est
surprenante. Vous parlez des fils de Jacob qui se sont mis a "chercher"
d'autres ennemis, comme si les victimes etaient en fait coupables. Si vous
vous en tennez aux ecrits que vous citez, vous constaterez que ces guerres
avaient un but defensif en premier lieu. Certaines ont permis de liberer
des prisonniers et quelques autres ont servi de prevention, avant que
l'ennemi ne termine de s'organiser. Donc ne nous embrouillons pas, en general
ce n'est pas l'agneau qui devore le loup.

Pourquoi tous ces textes ne figurent pas dans la Bible?
C'est que la Bible n'est pas un livre d'histoire. Elle vient nous enseigner
des valeurs morales, spirituelles. Elle contient en fait l'enseignement que
D' nous donne pour mieux Le servir. Les livres inclus dans le canon biblique
ont tous ete ecrits par une inspiration prophetique, ceux qui relevaient de
la litterature, meme de la plus belle, sont restes dehors. Dans les quelques
versets cites plus haut, D' resume l'essentiel de ce qui nous importe de
savoir:
* La discution entre Yaacov et ses fils sur le bien fonde de leur action a Sichem.
* Le fait que malgre ce desaccord, Yaacov a defendu ses fils meme par la guerre.
* Yaacov n'a pas seulement pris les armes mais il a aussi prie.
* La peur qui a paralysee les Cananeens n'est pas attribuee a l'heroisme des
fils de Yaacov, comme dans ces textes extra-bibliques mais a la Providence
Divine.

(1)Voir Midrach Vayissaou, cite dans le Yalkout Chimeoni Remez 133; Sefer
Hayachar chap 37; Les textes extra-bibliques: Sefer Hayovlim (livre des
jubiles) chap 30-23 a 32-34, Les testaments des tibus-testament de Yehouda
4-1 a 7-11. Voir Daat Mikra Berechit 35,5 la note 183. Pour le lecteur
francophone: Ecrits Intertestamentaire Bibliotheque de la Pleiade p858
note III.

(2)Rabbi Nechemiya explique ce verset litteralement (Berechit Rabba 97-6 et
80-10).

Il semble que la "logique" soit en congé dans cette affaire, puisqu'apparemment les messagers ont trouvé Essav sur leur chemin vers Edom.
Il n'y a en fait aucune raison pour qu'Essav soit chez son père en Eretz Israël alors qu'il a commencé à fonder sa propre société (à preuve l'armée de 400 hommes qui l'accompagne à la rencontre de Jacob.
D'autant plus qu'il sait parfaitement qu'Eretz Israël a été donné à Jacob par la deuxième bénédiction d'Isaac à Jacob (voir Genèse 28, 1 et suiv.), pas celle que Rivqa a fait donner à Jacob au lieu d'Essav et sur laquelle pourrait porter la contestation de celui-ci, s'il ne savait lui-même que sa prétention est de mauvaise foi puisqu'il a méprisé ses fonctions et responsabilités d'ainé. C'est important dans le contexte, mais c'est une autre histoire.
D'ailleurs, au verset 16 du chapitre 33 (le chapitre qui décrit la rencontre), nous apprenons qu'Essav est retourné chez lui à Séir (qui est un autre nom d'Edom (un peu comme l'Allemagne serait la Germanie).
Les services de renseignements de Jacob devaient donc être tout à fait efficaces !