Conversation 90033 - Hallel à Rosh Hodesh avec brakha
Chalom Rav,
Étant à la recherche d'un rabbin sefarade nord africain en Israel, j'ai approche un rabbin orignaire de cette communaute mais qui affirme qu'un minhag est maintenu uniquement que lorsqu'il ne contredit pas son Rav et sur cette base préconise d'arrêter de dire la brakha sur le Hatsi Hallel à Rosh Hodesh.
Est ce un rabbin sur lequel je peux me baser et suivre en tant que sefaradi nord-africain?
Merci par avance
Chalom ouvrakha,
Pour commencer, je dois avouer que je ne comprends pas bien votre question. Le rabbin que vous avez consulté, qui est lui-même originaire d'Afrique du Nord, vous a conseillé de cesser de dire la berakha à Rosh Hodesh, prétextant qu'il faut obéir à son rabbin. Mais si ce rabbin est d'origine nord-africaine, pourquoi ne tranche-t-il pas de continuer à faire la berakha, ce qui, selon sa propre logique, vous obligerait également à la réciter ?
Quoi qu'il en soit, un juif a l'obligation de suivre les minhagim de ses ancêtres, même si son rav mouvak, en supposant que cette notion ait encore de la pertinence aujourd'hui, lui dit le contraire.
Laissez-moi vous expliquer de manière argumentée pourquoi les communautés d'Afrique du Nord ont l'habitude de réciter la berakha sur le Hallel à Rosh Hodesh.
Dans le traité de Taanit (28b), il est écrit que lorsque Rav (175-219, éminent amora, sage du Talmud en Erets Israel) arriva en Babylonie, il vit que la communauté commençait à lire le Hallel à Rosh Hodesh et voulut immédiatement les en empêcher. Lorsqu’il se rendit compte qu’ils omettaient certains passages, il en conclut que c’était l’usage de leurs anciens.
De ce récit, plusieurs Richonim (sages médiévaux), dont le Rashba, le Ran et le Meiri, déduisent qu’en Erets Israel, le Hallel n’était pas du tout lu à cette époque lors des jours de Rosh Hodesh. Il en résulte que l’usage actuel, répandu dans toutes les communautés de réciter le Hallel, trouve son origine dans la tradition babylonienne. (De nombreuses traditions d’Erets Israel, comme par exemple la lecture de la Torah selon un cycle de trois ans, ont disparu au cours de l’histoire, notamment suite aux croisades destructrices à la toute fin du XIe siècle).
Le texte talmudique ne révèle pas si la berakha sur le Hallel abrégé était récitée. Néanmoins, on trouve des témoignages de l’époque des Géonim (sages précédant les Richonim) qui prouvent qu’elle l’était. C’est l’avis de Rav Hai, Rav Netourai (Otsar Hageonim 40) et Rav Saadia Gaon dans son sidour. De même, un nombre considérable de Richonim (Rabeinou Hananel, le Rif, le Roch, Rabeinou Yona, Rabeinou Tam, R’ Yehouda Halevi dans le Kouzari, et tant d’autres) pensent qu’il faut la prononcer. Seuls le Rambam (Berakhot 11,16; Hanouka 3,7), le Ramban (d’après le Ran) et Rachi (d’après Mahzor Vitri 226) tranchent en sens contraire, prétendant qu’on ne peut pas faire de berakha sur un minhag.
Dans les lois de Rosh Hodesh, le Choulhan Aroukh écrit : « Certains pensent que l’assemblée doit réciter la berakha “likro ète ha-hallel” mais qu’une personne priant sans minian ne devra pas la prononcer, tandis que d’autres pensent qu’il ne le faut pas, tel est l’avis du Rambam, et ainsi agissent les communautés d’Erets Israel et des environs » (O.H 422,2). A priori, il tranche comme le Rambam, conformément à la règle selon laquelle, lorsqu’il écrit « certains pensent » et « d’autres pensent », la halakha suit l’avis mentionné en dernier. Cependant, cette règle ne fait pas l’unanimité parmi les décisionnaires (voir Yad Malakhi 13, Sde Hemed 14).
Le Yalkout Yossef (Chabbat 5, p.287) tranche qu’il ne faut pas la réciter, s’appuyant sur les propos du Rambam. Cependant, la majorité des communautés séfarades d’Afrique du Nord, d’Amsterdam, ainsi que les descendants des juifs expulsés d’Espagne à Londres, etc., ont l’habitude de réciter la berakha « likro ète ha-hallel » sur le Hallel abrégé, et ce, depuis des siècles avant la rédaction du Choulhan Aroukh. R’ Chalom Messas (Chemech Oumagen I O.H 2) rapporte les deux usages et atteste que dans tout le Maroc, l’habitude était de la prononcer et que la règle voulant qu’on s’abstienne de prononcer une berakha en cas de doute ne s’applique pas lorsqu’il y a un minhag (position partagée par le Yalkout Yossef lui-même).
En résumé : la plupart des communautés séfarades, en particulier celles originaires d’Afrique du Nord, récitent la berakha « likro ète ha-hallel » avant la récitation du Hallel abrégé. Une personne qui prie sans minian devra s’en abstenir.
Bivrakha.