Conversation 16404 - Au commencement etait la Somalie

NathanninNathan
Jeudi 20 mai 2004 - 23:00

Adam signifie Homme, Adama terre. Cela, on le sait déjà.
Mais quand on constate qu'il en est de même dans les langues latines (humus et homo, voire même humanis), pourquoi ne pas penser que c'est en référence à un concept préhistorique, et que D' aurait Créé l'homme sur une terre de même teinte que sa peau, en Somalie par exemple?
Le Gan Eden serait alors la vie sans soucis aux abords verdoyants du Nil, où l'abondance serait telle que les bêtes ne devraient pas tuer pour se nourrir, et la connaissance du bien et du mal la prise de conscience par l'homme de ses capacités intellectuelles et manuelles pour son intérêt propre (tout ça pour les beaux yeux d'une femme aiguillonnée par le tentateur), par exemple en apprivoisant le feu. Ce qui finirait par saccager ce beau bocage.
Ceci expliquerait aussi la punition de Prométhée chez les Grecs, le tentateur des uns étant le progressiste des autres (après tout, les Grecs n'ont pas ce respect de l'autre et de la création que nous avons)
Qu'en pensez-vous?

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 26 mai 2004 - 23:00

Rien.
Si ce n'est que la Thora n'aurait jamais accepté de donner le nom d'homme à un être oisif et insouciant. On n'a pas besoin d'un Dieu créateur pour cela et la terre aurait suffit à le produire.
Votre étymologie, si elle est "jolie" est néanmoins fantaisiste même si elle permet pour la traduction l'heureux effet d'allitération pour rendre "aphar min ha-adama".
Tout le premier chapitre de la Genèse montre l'effort constant pour parvenir à faire émerger cet être qui saura accepter d'assumer la destinée morale de créature. C'est pourquoi ce qui est donné gratuitement à tous (la nourriture) lui sera donné - à lui seul - sous forme de loi.
D'ailleurs, en hébreu, le mode de formation des mots s'effectue du plus court au plus long et donc c'est adam qui donne adama et pas le contraire...

jazzy
Jeudi 27 mai 2004 - 23:00

bonjour
suite a votre reponse 16404 NathanninNathan 2105
vout dite c'est adam qui donne adama et pas le contraire...
pourquoi ??
alors que justement dans adama on peux conclure que l'homme est fait de terre et de sang .. adama = adam, dam bien quand equation
ce serait adam = adama + dam

Rav Elyakim Simsovic
Samedi 29 mai 2004 - 23:00

Comme je l'ai dit, la formation des mots de la langue hébraïque , parallèle à l'élaboration des notions (puisqu'il n'y a pas de notion tant qu'il n'existe pas de mot pour l'exprimer) va du plus court au plus long et non le contraire.
Donc cela va de ed à adam et de adam à adama.
Dam apparaît avec la suppression du principe d'unité qui préside à la destinée humaine, le alef du début du mot.
L'équation, s'est adam moins l'unité = dam.

NathanninNathan
Mardi 1 juin 2004 - 23:00

En rapport à la question 16404,comment se fait-il en ce cas que le mot adama apparaisse dans le verset Ber 1:25,soit un verset avant la création d'Adam(tiens,le verset 26,remarquerait sûrement un guematriiste),ou le mot adama est remplacé par erets?
Comprenez bien,je ne conteste aucunement votre explication,mais que voulait nous faire comprendre D' en dictant à Moshe cette tournure de texte qui fait apparaître le disciple avant le maître?

Rav Elyakim Simsovic
Mercredi 2 juin 2004 - 23:00

Vous en avez un autre exemple dans le verset concernant l'apparition de la femme, "celle-ci sera appelée isha car c'est du ish que celle-ci a été prise". Le mot isha apparaît en premier bien qu'il soit indiqué comme procédant du ish.
Vous avez raison de souligner la difficulté de l'ordre d'apparition des termes dans la Thora. Mais n'oubliez pas que c'est une difficulté factice. La langue de la Thora précède la Thora, de même que sa dimension orale précède sa mise par écrit. C'est parce qu'il faut connaître le Lachone haQodèche de la prophétie hébraïque pour comprendre la Thora que nous avons besoin des commentaires qui nous l'expliquent. Les commentaires ne sont pas des "explications de texte" à la manière de "l'auteur a voulu dire..." Ils nous restituent le sens de ce que la Thora dit pour nous au travers de ce qu'elle disait aux Hébreux qui en ont été les premiers récipiendaires.

Parmi les lois du Chabbat concernant les travaux interdits, l'une concerne l'écriture. Bien que ce soit interdit, celui qui trace une seule lettre n'est pas passible de sanction. Ceci parce que (nous ne sommes pas ici dans la symbolique des lettres mais dans l'analyse de la notion d'écriture) une lettre n'est pas un mot. Le mot apparaît à partir de la juxtaposition de deux lettres. Or, il y a des juxtapositions de deux lettres qui ne forment pas un mot attesté dans le lexique hébraïque. Pourquoi la halakha n'est-elle pas "celui qui écrit un mot" mais "celui qui écrit deux lettres" ?
C'est parce que ce sont les racines bilittères qui constituent les champs sémantiques notionnels qui vont se réaliser selon différents axes et domaines par adjonction de la troisième et/ou de la quatrième lettre.
Voici un extrait d'un texte de rav Askénazi (Manitou) zatsal qui traite précisément de notre sujet : adam-adama

« ... Comprendre pourquoi l'historicité de l'irruption de l'événement brut, dont ce Ed reste la source, est nommée en hébreu Odot (histoire du Ed), alors que l'histoire ordonnée de l'homme est nommée Toladot (engendrements). Comprendre le lien intime où se relie dans leur sens l'éparpillement des mots Adam, l'homme ; Adon, le dominateur ; Adir, le fort ; Eden, le socle ; Adéret, la cuirasse ; Méod, l'accroissement du plus encore, etc., de telle sorte que le Talmud (texte cité) avait véritablement dit : « Le premier homme fut le sang du monde puisqu'il est écrit : et Ed montait de la Terre... », avant qu'il ne soit constitué en Adam par son incarnation dans la poussière du sol (adama - adjonction de ES). Comprendre le lien qui existe entre l'origine des Toladot (engendrements) et leur avenir...»
(Article publié dans Targoum 2, 6 février 1954, pp. 115 - 124, repris dans La parole et l'écrit, Albin Michel, Paris, 1999, pp. 21-28 ; le passage cité est en page 27)

Il s'agit donc de (re)découvrir que si l'homme procède du sol de la terre à un certain niveau de réalisation, le sol de la terre lui-même n'a d'existence que parce qu'il a été appelé à être le terreau ou lieu d'insertion dans la réalité corporelle de celui qui est la finalité de la création, adam, qui en tant que tel précède l'existence de la terre elle-même, comme le projet précède la réalisation du projet. C'est donc la présence de la terre (erets et adama) qui est subordonnée à l'idée d'homme, dont le corps sera subordonné à la matérialité de la terre.

N.B. à propos de la remarque finale :
Ne craignez pas - je le dis à tous - de discuter ce que nous disons aussi longtemps que les choses ne sont pas suffisamment éclaircies ou que du moins soit apparue la direction dans laquelle l'étude doit encore être approfondie. Nous ne sommes pas des gourous et nous ne prétendons ni à l'omniscience ni à l'infaillibilité. Nous ne nous formalisons donc nullement de voir nos réponses interpellées ou contestées (souhaitablement dans des formes courtoises...) C'est cela l'essence même de l'étude et ce n'est qu'ainsi qu'on apprend (c'est évidemment mieux quand c'est oralement et face à face, mais la forme épistolaire est un substitut parfois utile).

NathanninNathan
Dimanche 6 juin 2004 - 23:00

Shalom Rav,
j'espère ne pas abuser de votre temps, votre gentillesse et votre patience, mais en relisant votre réponse à 16723 (bien que cette question soit plutôt à placer dans la rubrique questions linguistiques),je me suis demandé le rapport qu'il y avait entre Adam,Adom et Edom?

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 7 juin 2004 - 23:00

Si vous considérez que le champ sémantique de l'ensemble des termes issus de Ed est à l'indice de l'énergie vitale, l'une des réalisations de cette énergie se manifeste dans la couleur rouge qui est la plus "violente" des couleurs. C'est parce qu'il était roux qu'Esaü a été appelé Edom, qui est d'après la tradition juive la civilisation romaine, qui détourne cette énergie en violence dans les relations entre les hommes et les peuples.

NathanninNathan
Dimanche 6 juin 2004 - 23:00

Désolé de vous ennuyer avec ce qui peut sembler de la casuistique, mais il me semble avoir remarqué, à la lumière de vos réponses aux questions 16404 et suivantes ainsi que 16681 et apparentées, une curieuse coïncidence de faits me portant à croire qu'une preuve de la véridicité de la Tora est la langue même dans laquelle elle a été rapportée.
Savoir que l'homme s'est à moment ou un autre élevé du sol(je ne parle pas d'un hypothétique passage au bipédisme),qu'il est devenu (non pas éthique mais) moral après avoir été façonné par El',plus encore, que le soleil servait une Autorité supérieure (et ce avant qu'Avram ne le redécouvre) ne me semble pas à la portée ni du poète,ni du linguiste,ni même du génie qui a inventé l'hébreu ou son ancêtre.En clair,cette langue qui est (ou qui est devenue) l'hébreu me semble porter un témoignage de notre passé analogue à celui qu'on déduit à partir d'une molécule d'ADN,et tellement en accord avec ce que relate la Tora(d'autant plus que celle-ci a été écrite bien après les faits qu'elle rapporte)qu'il importe peu de s'étonner de ses divergences par rapport à ce que nous enseigne l'histoire laïque .Suis-je dans le bon, ou suis-je complètement égaré par mon enthousiasme?

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 7 juin 2004 - 23:00

Je dirais tout simplement que ce n'est sans doute pas pour rien que nous disons que Dieu ayant créé le monde par Sa parole, c'est dans l'hébreu du lachone haqodèche qu'Il l'a fait. L'hébreu, en ce sens, est la structure intime du réel.

NathanninNathan
Lundi 7 juin 2004 - 23:00

Suite à 16892,c'est tout-à-fait ça,ça ne m'étonne pas que vous en sachiez tellement sur tellement de sujets (soit dit sans porter atteinte à votre anava),avec l'esprit de synthèse dont vous faites preuve!

J'ai cru comprendre par rapport à la question 11726 qu'il ne s'agissait pas d'une coïncidence si on retrouvait Bet Resh Aleph dans Berechit et Bara.Si on analyse dans les champs sémantiques des racines bilittères,il me semble que bara provienne de Bar,BethResh (dehors,extérieur,"ex" dans le sens ex novo ou ex nihilo) alors que Berechit se compose de deux mots dont la racine est plutôt Rosh, ReshAlephShin ( Resh si on prononce à l'araméenne)Donc à ce niveau,je ne vois pas le rapport.Où est-il?

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 7 juin 2004 - 23:00

Il est dans le fait qu'on ne peut pas comprendre la notion de création ex nihilo si on n'a pas la notion d'un commencement absolu.

NathanninNathan
Lundi 7 juin 2004 - 23:00

Toujours par rapport à 16892, M-A Ouaknin dans son livre "Le secret de l'alphabet" (que j'ai évidemment feuilleté depuis la question 16389) expose la "descendance" des alphabets depuis le protosinaïtique.Nous sommes bien d'accord sur la relation entre lashon haqodesh et structure du réel, mais qu'en est-il de ces interprétations postérieures qu'on a fait à partir des lettres,en un mot la gematria? Je sais que Dieu prévoit et prédétermine tout,mais est-elle aussi "valide" que la langue hébraïque même ou n'est-elle qu'un "passe-temps amusant" comme les dilougim et autres?

Rav Elyakim Simsovic
Lundi 7 juin 2004 - 23:00

Le principe de la guématria (qu'on ne peut pas manier sans discernement) se fonde sur le monisme radical de la tradition hébraïque et juive, ce qui a pour conséquence une identité profonde entre le monde de la quantité (le nombre) et celui de la qualité (le nom). Or, les équivalences numériques sont plus facilement décelables que les correspondances qualitatives, les noms de celles-ci étant différents. Cela dit, on ne fonde jamais ces correspondances sur la seule guématria, celle-ci ne servant qu'à souligner ce qui aura déjà été dit au niveau notionnel à proprement parler.
J'espère que c'est clair car je n'ai pas pour l'instant le temps d'en dire plus.